Jean Paul II a béatifié dimanche 22 juin un jeune laïc croate, intellectuel engagé, précurseur et modèle du catholique engagé recommandé par Vatican II. Son exemple montre le poids de la culture des nations dans l'évangélisation des âmes et des peuples.

Un message auquel Karol Wojtyla ne pouvait pas ne pas être insensible.

Ivan Merz naquit le 16 décembre 1896 à Banja Luka en Bosnie, dans une famille de tradition libérale. Après avoir terminé ses études secondaires en 1914, il est mobilisé et envoyé au front dans les rangs de l'armée austro-hongroise, où il connaît l'horreur de la guerre. Celle-ci terminée, il poursuit des études de lettres à Vienne (1919-1920) puis à Paris (1920-1922), à la Sorbonne et à l'Institut catholique. De Paris il écrit à sa mère : "La foi catholique est ma vocation dans la vie."

En 1922, il rentre en Croatie ou il devient, à Zagreb, professeur de langue et de littérature françaises. Il obtient le doctorat à l'université de Zagreb, avec une thèse écrite en français, consacrée à L'influence de la liturgie sur les écrivains français, de Chateaubriand à nos jours. Son analyse des grands auteurs romantiques et des catholiques intransigeants, de Joseph de Maistre à Léon Bloy, des grands convertis (Huysmans, Péguy) et des poètes français constituent un document passionnant pour les intellectuels chrétiens.

Il admirait beaucoup et vénérait la culture et la spiritualité françaises. La spiritualité des auteurs français marqua toute sa vie, comme professeur et comme apôtre de la jeunesse croate. Son attachement à la France et à ses écrivains fut grand. Merz a beaucoup contribué à répandre les valeurs culturelles et spirituelles de la France en Croatie.

Après les épreuves de la guerre, ses contacts avec des intellectuels et de grands convertis français ainsi que son expérience de Lourdes, convainquent Ivan Merz de la vérité de la foi catholique. Il se donne complètement au Christ en faisant, comme laïc, à l'âge de vingt-sept ans, vœu de chasteté. Il consacre son temps libre à l'éducation de la jeunesse croate, dans l'organisation catholique des Aigles, à laquelle il donne comme devise "Sacrifice - Eucharistie - Apostolat", devise empruntée à la Croisade eucharistique française, aujourd'hui Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ).

Son engagement d'intellectuel catholique se manifestait par son amour de l'Église, sa fidélité à Rome et au pape. Bien qu'il soit jeune et laïc, il est considéré comme un pilier de l'Église en Croatie. Son travail apostolique et son activité dans la presse catholique nous laisse un héritage spirituel précieux.

Ivan Merz était un homme à la foi vivante. Homme de prière, d'adoration, de sacrifice et d'abandon à Dieu dans la souffrance, il recevait quotidiennement l'eucharistie. Il avait une vaste culture, était très proche des hommes et savait témoigner à chacun un amour charitable. Pour beaucoup de jeunes catholiques, son nom évoquait - et évoque toujours - un programme de vie et d'action. Il avait l'intention de fonder un institut séculier - une communauté de laïcs – au service du Christ et de l'Église. Après sa mort, cette idée fut partiellement réalisée par sa collaboratrice Marica Stankovic, fondatrice de la Communauté des Auxiliatrices du Christ Roi.

Ivan Merz mourut en odeur de sainteté, le 10 mai 1928 à Zagreb, dans sa trente-deuxième année. Les grâces et les faveurs obtenues par son intercession ne cessèrent de se multiplier. Après le Concile Vatican II, qui a mis en lumière le rôle et la place des laïcs dans la vie de l'Eglise et du monde, la personnalité et l'œuvre d'Ivan Merz devaient acquérir une signification particulière. À plusieurs reprises, le pape Jean Paul II a parlé aux jeunes Croates d'Ivan Merz en leur proposant la vie chrétienne de celui-ci comme un exemple.

Après l'établissement de la démocratie en Croatie, on renouvela l'organisation catholique des jeunes dénommée Krizari (Croisés). Cet important héritage spirituel d'Ivan Merz continue d'exercer son influence bienfaisante et éducative sur la jeunesse croate.

Le 23 mai 1928, le journal La Croix écrivait : "Comme professeur de langue française au Petit séminaire de Zagreb, Ivan Merz répandait parmi ses élèves, prêtres de demain, l'amour de la France et sa culture catholique... Cette mort prématurée a brisé de grands espoirs, mais il reste aux catholiques croates une consolation : c'est qu'Ivan Merz est mort comme un saint après avoir vécu comme un saint."

Découvrez la thèse d'Ivan Merz : L'influence de la liturgie sur les écrivains français, de Chateaubriand à nos jours.

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