"Quatre à cinq millions de musulmans, islam, seconde religion de France !" C'était devenu pis qu'un slogan, une vérité, un dogme, au point qu'émettre le moindre doute valait à l'imprudent l'insulte infamante d'islamophobe.

Pourtant aucune "autorité", qu'elle soit sociologique, religieuse, politique n'avait jamais jugé bon de préciser quelles sources certifiables justifiaient tant de certitude. Qu'attendent les journalistes pour poser la question ? Pour se la poser ?

La réalité vient pourtant de jeter ce terrorisme médiatique. C'est d'abord la violence internationale ; choc des civilisations ou pas, l'esprit public erre des 3000 morts du 11-septembre à la chute de Bagdad en passant par les tueries de Jérusalem et Gaza. C'est ensuite l'odieux amalgame communautariste qui, renvoyant dos à dos victimes et agresseurs, ne dissimule plus la honte d'un nouvel antisémitisme en France.

Plus inattendue, l'élection du Conseil Français du culte musulman a servi d'électrochoc. Si l'acharnement courageux de N. Sarkozy mérite les plus vifs éloges, ces stupéfiantes "élections musulmanes" n'en constituent pas moins une infraction à la séparation de l'Église et l'État. L'opinion ne pouvait s'y tromper. Un ministre de la Police organise l'élection de soixante-deux conseillers nationaux par 4000 "religieux", sélectionnés dans 985 lieux de culte, en fonction de la surface construite, à raison d'un délégué pour 100 M2 , sous le regard non désintéressé de "non démocraties amies" comme l'Arabie Saoudite, le Maroc et l'Algérie. Le président minoritaire du Conseil, le recteur Boubakeur de la mosquée algérienne de Paris, a été nommé avant les élections, pour deux ans seulement. Apothéose finale, le ministre des Cultes a été se faire siffler au Bourget par les vrais vainqueurs du "scrutin". Certains sceptiques ont qualifié l'opération de "Pont de la rivière Kwai".

Du coup - et c'est le grand mérite de cette étrange première électorale - la triple question politique : "Qu'est ce qu'une religion ? Qu'est ce qu'un musulman ? Qu'est ce que l'islam en France ?" ne peut plus être éludée. Une religion est autre chose qu'une origine géographique, ethnique ou une culture. C'est la conjonction d'éléments observables : croyance en une transcendance, culte s'extériorisant par l'organisation responsable de rites, catéchèse, financement collectif, enfin une communauté liée en communion spirituelle.

Dans cette conception, l'islam n'est pas une communauté en France et c'est le Monde, zélote hier encore affiché de la thèse contraire, qui l'affirme le 12 avril 2003 sous le titre, "Le mauvais débat du communautarisme" : " Il y a un amalgame à considérer que tous ceux qui peuplent ces "zones" de banlieue constituent une "communauté" dont le ciment serait évidemment l'islam. Il n'existe pas de communauté musulmane en France, mais une mosaïque de communautés : Algériens, Marocains, Tunisiens, Turcs, Comoriens, Maliens, Sénégalais, Arabes du Proche Orient, Pakistanais, groupes eux-mêmes subdivisés en sous groupes ethniques ou religieux : Kabyles, Berbères, Kurdes, membres de confréries, tenants d'un islam hétérodoxe."

Ainsi à dire d'experts, la "seconde religion et ses cinq millions de fidèles" ne serait plus une communauté mais mériterait néanmoins - d'accord en ceci avec MM. Frèche (maire de Montpellier), Hervé (maire de Rennes), Bédier (ministre), Valls, (maire d'Evry), Copé (ministre), de Clermont (Président de la Fédération protestante) - le financement public de ses mosquées.

Dans cette étrange logique, l'équité républicaine commandera de financer "l'évangélisme des catacombes" plutôt que le protestantisme officiel avec ses 1100 associations cultuelles au large dans leurs temples vides. Selon H. Tincq, journaliste religieux du Monde, c'est en effet hors de la Fédération protestante, que vit et croit désormais la majorité du protestantisme. Quant aux Renseignements Généraux, ils décompteraient 300.000 Témoins de Jéhovah ! soit six fois plus que de cotisants réformés ? Qui croire ? Que croire ? Et surtout ! Qui ne pas financer ?

Concernant la "pratique" religieuse des "quatre à cinq millions de musulmans" c'est le trou noir ! Force est de se contenter d'évoquer - toujours avec Le Monde, (17 avril 2003) - ceux des Français qui se "déclarent" musulmans lors des sondages du CSA sur échantillons de 1000 personnes. Selon ces sondages, 2% des personnes interrogées en 1994 et 6 % en 2003 se "déclarent" musulmans, sans qu'il soit possible d'établir le moindre lien mathématique entre "déclaration" et "pratique" d'une part et d'autre part entre les 1000 personnes sondées et les "4 ou 5 millions de musulmans". Cerise sur le gâteau, l'opinion aura entendu que d'un média à l'autre, l'islam "pèserait" 1100 à 1600 mosquées, gérées illégalement par autant d'associations de 1901 et non de 1905, 1000 imams à 90% étrangers, et 2000 à 4000 boucheries halal ! Que conclure ?

Récapitulons l'histoire de ce faux médiatique historique. C'est d'abord au début des années 90, une affaire "parisienne" de sociologues plus militants que chercheurs, relayée par des médias eux-mêmes plus militants que journalistes, reprise par des fonctionnaires et des "associatifs subventionnés" en quête d'importance. C'est ensuite un enjeu international majeur pour des "non démocraties amies", enjeu qu'exaspèrent aujourd'hui les événements du Moyen Orient. C'est enfin et surtout en passe de devenir une affaire électoraliste montée en sauce par des carriéristes français de l'immigration, de la subvention, de la décoration et des élections locales.

Il faut détruire ce terrorisme médiatique. Le cas contraire, ce sont les pouvoirs publics eux mêmes qui sous couleur de traiter convenablement des musulmans paisibles, "bien français", divisés en quatre ou cinq "chapelles ethniques", contribueraient par aveuglement et facilité à coaguler quelques dizaines de milliers de jeunes exclus d'origine arabe, promis à l'extrémisme en fait de femme et de laïcité, et dont le principal lien "communautaire" international devient sous nos yeux la destruction d'Israël en Palestine et l'expulsion des juifs partout ailleurs. Tel est l'avertissement d'un Alain Besançon dans le Figaro du 4 mai 2003 .

Personne ne devrait oser laisser envisager que quiconque puisse bouleverser le système juridique public et privé du peuple français non plus que ses relations internationales sur la base de chiffres et de concepts à ce point faux ! Le Premier ministre vient enfin de le confirmer le 29 avril devant l'Assemblée nationale. Qu'il en soit honoré et avec lui des hommes comme MM. Barouin, Ferry, Lang, et Sarkozy.

 

Quiconque voudra demain brandir le thème de "Quatre à cinq millions de musulmans - seconde religion de France" devra désormais préciser ses sources. Il y va de la paix civile et au Diable les "religieux" ! Concluons dans la lignée du pasteur Tommy Fallot fin XIXe siècle: "Dieu seul est laïc ! Hélas l'homme a des maladies religieuses, cléricalement transmissibles, par voie masculine, chez les peuples dits "du Livre", francs maçons compris !" Et que Dieu protège la République d'un vote religieux étranger !

Pierre-Patrick Kaltenbach est présoident des Associations familiales protestantes, membre de la Commission de la Nationalité (Marceau Long), ancien président de l'Institut National d'Etudes Démographiques (INED) et du Fond d'Action Sociale pour l'insertion des immigrés (FAS), auteur de La France. Une chance pour l'Islam, préfaces de Pierre Chaunu et Bruno Etienne, Le Félin, Mars 1991. Il est également fondateur du conseil de gouvernance de l'Union des Familles Musulmanes de France.

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