Parmi les agents pathogènes transmis par voie sexuelle, les gonocoques préoccupent de plus en plus les autorités sanitaires des pays développés. Affectant désormais l'ensemble de la population sexuellement active et non seulement des groupes à risque, ces germes, dont une souche résistante à tous les antibiotiques vient d'être découverte au Japon, menacent de manière inédite la santé et la fertilité humaine.

L'information est tombée lors de la 19e conférence de la Société internationale pour la recherche sur les infections sexuellement transmissibles (IST) qui s'est tenue au Canada début juillet. Un  supergonocoque  résistant à toute la gamme actuellement disponible d'antibiotiques vient d'être isolé au Japon. A l'origine de la blennorragie ou gonorrhée – habituellement nommée  chaude-pisse  en raison des brûlures urinaires douloureuses qu'il provoque chez l'homme – le gonocoque n'a cessé de développer ces dernières années des mécanismes de résistance à toutes les molécules usuelles. En France, le seul traitement actuellement efficace consiste en l'injection intramusculaire de 500 mg de ceftriaxone, un antibiotique de la classe des céphalosporines. Or, la souche qui vient d'être identifiée résiste à ce médicament. Pour le scientifique suédois Magnus Unemo qui a identifié cette  superbactérie , la découverte est  alarmante [1]. Le risque est en effet que cette nouvelle souche multirésistante se répande dans le monde dans les dix prochaines années en devenant une menace globale pour la santé humaine.

Cette information est d'autant plus préoccupante qu'en France, les blennorragies sont en constante augmentation depuis 1996[2]. Le docteur Caroline Semaille, responsable du département VIH/IST/Hépatites B et C à l'Institut de veille sanitaire, fait état d'une progression de 52% des cas entre 2008 et 2009[3]. Premières victimes : les moins de 30 ans. Les facteurs de cette recrudescence sont connus : évolution des comportements sexuels de plus en plus risqués, rencontres occasionnelles et multiplicité des partenaires.

Si les signes sont souvent silencieux, notamment chez la femme, les médecins rappellent que les complications de la maladie sont loin d'être anodines, pouvant entraîner des inflammations graves de la prostate, des testicules et de l'épididyme chez l'homme. Les jeunes femmes payent cependant le plus lourd tribut, la maladie pouvant conduire à des grossesses extra-utérines et surtout à une stérilité définitive en cas d'infection chronique diagnostiquée trop tard.

La clairvoyance de l'instruction pontificale Dignitas personae dans laquelle les rédacteurs rappelaient en 2008 qu'  une partie non négligeable des cas d'infécondité qui se présentent aujourd'hui au médecin, chez la femme comme chez l'homme, pourraient être évités, si la vertu de chasteté était vécue plus fidèlement [4] (n. 13) apparaît aujourd'hui dans toute sa pertinence. Le constat mis en lumière dans le document du Vatican trouve en effet un écho particulier dans la mise en garde des autorités sanitaires françaises quant aux conséquences dramatiques sur la fertilité humaine des gonococcies, d'autant que d'autres infections sexuellement transmissibles comme les chlamydioses induisent elles aussi des lésions redoutables au niveau de l'appareil reproducteur féminin. Les infections à Chlamydia dont la prévalence peut atteindre 10% des jeunes femmes de 20 à 25 ans dans certains départements français (Bouches-du Rhône en tête) entraînent en effet elles aussi des grossesses extra-utérines chez 2% des femmes contaminées et des stérilités tubaires pour 3% d'entre elles[5]. Autrement dit, toutes les enquêtes épidémiologiques actuelles corroborent indirectement le jugement éthique de l'Eglise : la chasteté protège la fertilité[6].

Pour l'instant, le traitement standard des chlamydioses et des gonococcies est encore efficace en France. Jusqu'à quand ? On imagine aisément les conséquences pour la santé humaine si d'aventure la souche japonaise du  supergonocoque  venait à se diffuser à travers la planète. Nous aurions alors à faire à un nouveau type d'épidémie sexuellement transmissible conduisant à des symptômes possiblement graves que les médecins ne seraient plus en mesure d'enrayer. Les pays occidentaux se retrouveraient alors dans un cas de figure strictement identique à celui de la transmission du VIH dans les populations d'Afrique subsaharienne. Plusieurs médecins pensent qu'il est déjà trop tard et qu'il faut se préparer au pire en matière de gonococcie, le préservatif restant selon eux l'unique solution pour se prémunir d'une contamination, désormais à haut risque pathogène.

Il faut dénoncer à nouveau un raisonnement et une stratégie dont les limites sont désormais bien étayées dans le cas de la lutte contre l'infection par le VIH. Toutes les études scientifiques ont montré que les campagnes de prévention axées exclusivement sur le préservatif ne diminuaient en rien la transmission de ce virus, le phénomène s'expliquant en santé publique par le mécanisme de  compensation du risque . Le Docteur Jokin de Irala l'a parfaitement montré dans un ouvrage écrit en collaboration avec Matthew Hanley (postfacé par Mgr Marc Aillet, Evêque du diocèse de Bayonne) : toute mesure préventive de type  technique  présentée comme pleinement efficace pousse son usager à adopter des comportements plus risqués en raison d'un sentiment de fausse sécurité. On explique ainsi le constat d'une hausse paradoxale des cancers de la peau chez les personnes qui utilisent le plus des crèmes de protection solaire par la confiance excessive qu'elles placent en ce moyen et qui s'autorisent alors à s'exposer plus longtemps au soleil en abandonnant les messages de prévention élémentaires. Dans le cas du préservatif, les personnes, souvent jeunes, vont être incitées à avoir des rapports sexuels plus tôt et à multiplier les partenaires. Or, comme tout moyen technique, le préservatif ne possède jamais une efficacité de 100% si bien qu'au final, l'augmentation des prises de risques va surpasser le degré de protection  statistique  du préservatif, entraînant inéluctablement la diffusion du virus.

Une nouvelle recherche publiée le 15 juillet dans les prestigieuses colonnes de l'hebdomadaire scientifique britannique The Lancet démontre pour la première fois dans une étude menée dans une province rurale d'Afrique du Sud que l'un des facteurs de risque principal de la transmission du VIH est le nombre de partenaires sexuels. Or, tandis que l'on pensait que l'augmentation de l'infection résultait d'une période de  simultanéité  des partenaires, Tanser et ses collègues prouvent que le nombre de femmes avec qui un homme aura des relations sexuelles au cours de son existence accroît lui aussi le risque de contamination. La conclusion des auteurs rapportée par Jean-Yves Nau est on ne peut plus simple : pour lutter efficacement contre une épidémie sexuellement transmissible, il faut passer par une réduction globale du nombre de partenaires, et cette réduction doit concerner la totalité de la vie sexuelle, et non seulement la période où leur nombre est le plus élevé[7]. Il est facile de transposer ces conclusions au cas des IST qui font des ravages dans notre pays et dont certaines comme les gonococcies pourraient représenter à moyen terme une menace sérieuse pour la santé humaine à l'instar du Sida.

La nécessité de campagnes de prévention décourageant les partenaires multiples, simultanés ou non, prônée par Tanser ressemble étrangement au concept d' écologie humaine   que promeut l'Eglise depuis trois décennies en ce domaine. S'abstenir de relations sexuelles avant le mariage, demeurer fidèle à un conjoint qui l'est lui-même, non seulement honorent la dignité des personnes et la grandeur de l'amour humain mais se révèlent être l'unique solution épidémiologique durable de protection de la santé humaine, fertilité comprise. Les pouvoirs publics feraient bien d'y penser avant qu'il ne soit trop tard.

 

 

[1] Tristan Vey,  Un supergonocoque résistant à tous les antibiotiques usuels , Le Figaro, 11 juillet 2011. Cf. aussi  Une souche surpuissante de la gonorrhée découverte au Japon , Le Figaro.fr, 10 juillet 2011.

[2] Sandrine Cabut,  Les infections à gonocoques en forte progression en France , Le Figaro, 21 août 2010. Cf. Institut de veille sanitaire,  Les infections à Neisseria gonorrhoeae en 2006 : progression importante chez les femmes , Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 février 2008.

[3] Pauline Léna,  Le retour des infections sexuellement transmissibles , Le Figaro, 27 juin 2011.

[4] Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Dignitas personae sur certaines questions de bioéthique, 8 septembre 2008.

[5] Pauline Léna,  Chlamydia, silencieuse mais bien présente , Le Figaro, 27 juin 2011.

[6] Pierre-Olivier Arduin,  La sexualité vagabonde menace la fertilité , Libertepolitique.com, 12 novembre 2010.

[7] Jean-Yves Nau,  Sida : quel est l'impact réel du nombre de partenaires sexuels , Slateafrique.com, 15 juillet 2011.

 

 

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