Une année après la publication de la Note Ratzinger sur l'engagement politique des catholiques, la Fondation de service politique organisait ce samedi 5 mars un colloque pour en étudier la portée et les perspectives.

C'est un euphémisme de dire que cette Note a rencontré peu d'échos en France. Ce document du Magistère voulu par le Pape, est dense, concis, structuré. Et il dérange. Il pointe, je cite, " des orientations ambiguës et des positions contestables ". Il est vrai qu'une fois de plus le cardinal n'a pas fait dans la langue de bois. Sans détours, il invite à de sérieuses remises en question. Résultat, on a préféré n'en point parler. Trois thèmes particulièrement sensibles se dégagent du texte : le pluralisme, la laïcité, et la question du compromis.

Oui au pluralisme politique, non au pluralisme moral

Parmi les orientations ambiguës du pluralisme contemporain, apparaît le relativisme culturel.

Ce relativisme imposerait, dit la note, un " relativisme éthique comme condition de la vie démocratique " (n. 2). Les catholiques seraient sommés de sortir du jeu démocratique sous prétexte que, pour eux, il existe " une norme enracinée dans la nature même de l'être humain " (idem). Autrement dit, les disciples du Christ seraient interdits de politique sous prétexte que, pour eux, existe au-dessus de la loi positive une norme morale - et non pas religieuse - universelle qui s'impose à tout homme et à toute société.

L'Église, évidemment, accepte le pluralisme politique qui est un pluralisme en quelque sorte méthodologique, un pluralisme dans l'ordre des moyens. Mais elle refuse le pluralisme éthique qui porte sur la conception de l'homme et sur les fins les plus universelles de l'existence. Le cardinal Ratzinger écrit : " La légitime pluralité des options temporelles garde intacte la matrice dont provient l'engagement des catholiques dans la politique et celle-ci renvoie directement à la doctrine morale et sociale chrétienne. "

En clair on ne peut pas voter n'importe quoi, soutenir n'importe quel programme ou n'importe quel parti et se retrouver à la messe le dimanche comme si de rien n'était. Les chrétiens ne peuvent avoir deux vies, l'une " spirituelle ", intérieure, et l'autre " séculière " et publique. Ils sont appelés à un devoir de cohérence.

Pourquoi ? Parce que la conscience est " une ", rappelle judicieusement la Note. Il est évident qu'en mettant la classe politique devant sa conscience, le cardinal prenait le risque de susciter un silence gêné.

La laïcité comme soumission des pouvoirs à la loi morale naturelle

Le deuxième brûlot que comporte la note concerne la question de la laïcité. Le cardinal donne sa définition de la laïcité : " Elle désigne en premier lieu l'attitude de celui qui respecte les vérités qui procèdent de la connaissance naturelle sur l'homme vivant en société " (n. 6). Ce respect des vérités universelles sur l'homme ne peut en aucun cas être assimilé d'une manière ou d'une autre à du " confessionnalisme ". Autrement dit, distinction des pouvoirs spirituels et temporels, mais soumission commune aux lois non écrites de la conscience inscrite dans la nature humaine.

Les exigences éthiques qui sont celles des catholiques ne leur sont pas propres, elles appartiennent à la loi morale naturelle : " Elles n'exigent pas que celui qui les défend, professe la foi chrétienne, même si la doctrine de l'Église les confirme et les protège toujours et partout, comme service désintéressé à la vérité sur l'homme et au bien commun de la société civile " (n. 5).

Là encore, en clair, " toutes les opinions ne se valent pas ". Dire cela, c'est s'en prendre à la tolérance spéculative dont certains voudraient qu'elle soit la seule norme véritablement universelle. Conclusion pratique : " Dans ce contexte, il est nécessaire d'ajouter que la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne de favoriser par son vote, la mise en acte d'une loi ou d'un programme politique, dans lequel les contenus fondamentaux de la foi et de la morale sont détruits par la présence de propositions qui leur sont alternatives ou opposées " (n. 4).

Ce développement – un peu long – pose un sérieux problème pratique. Peut-on donner sa voix ou soutenir un parti dont le programme comporte des dispositions contraires à la loi naturelle ? On peut tordre le texte dans tous les sens, la réponse est non !

Pour qui voter alors aux prochaines élections si tous les partis soutiennent des programmes qui comportent des propositions contraires à la morale naturelle ? Doit-on s'abstenir ? Mettre en œuvre une objection de conscience citoyenne ? " L'engagement politique des catholiques devient plus évident et chargé de responsabilité. " Certes, mais comment ? La Note laisse aux chrétiens le soin de trouver la réponse tout seul. Je connais plus d'un laïc qui aimerait qu'on l'éclaire là dessus et le silence des pasteurs n'est pas fait pour les aider...

Le refus du compromis

La note pose donc une exigence très forte à la conscience catholique. D'un côté, elle invite les chrétiens à refuser le compromis sur les questions de fond. De l'autre elle laisse toute liberté aux chrétiens dans le choix des moyens au niveau de la conduite de leurs engagements. En fait, elle rappelle qu'il existe une hiérarchie et des priorités à respecter.

À la base, il y a les principes de la morale naturelle. Ils ne souffrent pas de compromis. Puis il y a leur mise en œuvre sur le terrain politique, économique et social. Là, les opinions peuvent diverger. Il ne suffit pas de s'entendre sur les moyens. Il faut aussi savoir quelles fins on poursuit et sur quels fondements on construit la société.

On comprend que la Note ait gêné certains pour qui l'alpha et l'oméga du discours chrétien est un discours social sur la solidarité et la justice, renvoyant leurs fondements moraux au domaine de la sphère privée, religieuse ou de la seule " conviction " - supposée respectable mais " irresponsable ". Une année après la publication de cet enseignement du Magistère, il est heureux que les catholiques évoquent leur engagement à la lumière d'une Note doctrinale qui remet le service politique dans sa perspective éthique.

Décryptage diffusera le texte des communications dès que celles-ci seront disponibles.

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