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Joseph Ratzinger,L'Europe, ses fondements, aujourd'hui et demainEd. St-Augustin, mai 2005, 143 p., 18 €

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Joseph Ratzinger,L'Europe, ses fondements, aujourd'hui et demainEd. St-Augustin, mai 2005, 143 p., 18 €
  • Auteur : Joseph Ratzinger
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L'Europe, ses fondements, aujourd'hui et demain

lu par Philippe de Saint-Germain

 

 

 

"Qu'est-ce que l'Europe ?" C'est par une interrogation incongrue que Joseph Ratzinger évoque la question européenne. Aborder un problème politique contemporain en terme d'identité, voilà en effet une étrange façon de procéder quand la politique aujourd'hui prétend "construire" la société et se réduit souvent à un débat entre des choix techniques ou de gestion.

Et pourtant, c'est bien de politique qu'il s'agit. Dans ce recueil de conférences données entre 2000 et 2004, le futur Benoît XVI réaffirme le nécessaire engagement des catholiques dans les affaires politiques. Mieux, il montre que l'avenir de l'Europe en dépend.

 

Juger une question politique, c'est tout d'abord sortir de la sphère propre du problème posé : "Le thème de l'Europe ne peut être affronté que dans le contexte de l'ensemble des défis de notre temps." Lisant ce petit livre, on se surprend à imaginer pourquoi l'auteur a peut-être été choisi par les cardinaux pour succéder à Jean Paul II. Le cardinal met le doigt où ça fait mal. Le pape polonais répondait aux peurs de l'homme contemporain. Le Bavarois s'attaque aux puissants : quand l'homme se passe de Dieu, la nouvelle idole se nomme pouvoir, et César se fait Dieu. La déraison politique moderne est là, et l'Europe porte sur sa naissance une responsabilité particulière.

 

Juger de l'Europe aujourd'hui, c'est donc s'interroger sur sa réponse à la crise du pouvoir humain. Le pouvoir a pris toutes formes de démesure aujourd'hui : la capacité de destruction nucléaire, les manipulations génétiques, le terrorisme, le fondamentalisme religieux. C'est aussi l'arbitraire majoritaire ou administratif. Le devoir de la politique consiste à placer ce pouvoir sous l'égide du droit, explique le cardinal. Mais ce droit, d'où vient-il ? Comment peut-il faire autorité sur les majorités de circonstance ou les constructions politiques déracinées ?

 

En historien, Joseph Ratzinger examine les réponses de l'homme à la construction du droit. C'est précisément en Europe qu'est née le principe de la distinction du pouvoir. Avec la révélation judéo-chrétienne, certes, mais sa traduction dans le droit (droit naturel, droit des peuples) est vraiment l'expression de l'esprit européen, qui toujours a cherché à limiter l'absolu du pouvoir.

 

Dans un contexte "d'écroulement des certitudes morales", l'Europe politique est tentée de s'attribuer à elle-même le principe du droit. Le cardinal met bien en évidence une rupture dans la construction européenne d'aujourd'hui avec l'esprit des Pères fondateurs. À l'origine, il s'agissait de construire une politique fondée sur la raison morale, et sur des "valeurs non inventées", alors que désormais, "ce qui est spécifique à l'Europe semble être clairement la distance prise par rapport à toute tradition éthique et l'unique préoccupation de la rationalité technique avec ses possibilités" (p. 48).

 

On ne trouvera pas dans ce livre de prises de position pour ou contre le projet de Constitution. Le cardinal précise qu'il n'est "pas habilité pour cela". Mais il indique avoir repris le texte de certaines conférences pour tenir compte "des développements concernant les problèmes fondamentaux de la Constitution européenne" (p. 11).

 

Pour lui, l'identité de l'Europe est avant tout historique et culturelle (et non géographique et a fortiori économique). La Charte des droits fondamentaux est une tentative de voie moyenne intéressante entre tradition moderne et classique, comme le signe d'une recherche, mais ses "ambiguïtés" montrent combien elle est "problématique".

 

"Au final, tout cela ne donne pas une réponse concluante à l'interrogation portant sur les fondements de l'Europe" (p. 50). Faut-il donc résister ou collaborer à la formulation politique de cette recherche ? Là encore, pas de réponse, sauf une : l'Europe ne retrouvera pas le meilleur de son héritage sans "la minorité active" des chrétiens croyants. Leur responsabilité ? Rétablir la raison en politique, non la rationalité technique, mais l'ouverture à une réalité qui la dépasse.

 

 

 

 

 

© Fondation de service politique


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