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Les Chevaliers de l'Apocalypse

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Les Chevaliers de l'Apocalypse
  • Auteur : Jean-Marie Salamito
  • Editeur : Desclée de Brower
  • Année : 2009
  • Nombre de pages : 162
  • Prix : 12,00 €

Normal 0 21 false false false MicrosoftInternetExplorer4 st1\:*{behavior:url(#ieooui) } /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:10.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-ansi-language:#0400; mso-fareast-language:#0400; mso-bidi-language:#0400;} On se souvient du mauvais choc que représenta la diffusion de la série Corpus Christi, de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. Les réalisateurs ont récidivé et la dernière série, L'Apocalypse, a été diffusée peu avant Noël sur Arte. Jean-Marie Salamito, spécialiste du christianisme antique, conteste avec vigueur la pertinence d'un tel travail. Car l'apparence scientifique du propos masque un a priori idéologique qui se résume dans une affirmation archi rebattue : Jésus annonçait le royaume, et c'est l'Église qui est venue. Cette citation de l'historien Alfred Loisy (1857-1940) prouverait, selon les réalisateurs, que l'Église s'est montrée plus préoccupée d'asseoir son pouvoir que de précipiter la réalisation du message évangélique. Ainsi Mordillat et Prieur défendaient-ils une thèse résolument antichrétienne, celle de la trahison de Jésus par les siens.

L'ennui, souligne l'auteur, est que la citation est utilisée à contresens par Mordillat et Prieur. Car Loisy affirme au contraire qu'entre le discours de Jésus et l'Église de notre temps, il n'y a pas de rupture, mais simplement le travail du temps, donc des adaptations aux nécessités du moment. Sans l'Église, la prédication du Galiléen aurait sombré dans l'oubli comme celles de tant d'autres prophètes de la même époque.
L'argumentaire télévisuel est ici soumis à une critique qui fait mouche. La méthode d'abord : a-t-on assez remarqué que la quarantaine de savants interrogés répondait à des questions que le spectateur ignore ? Seul une voix off conduit l'argumentation. Une question fait-elle débat entre les spécialistes ? Aucune discussion entre savants ne vient l'éclairer. En outre, on ne peut distinguer le discours des historiens et celui des théologiens, ce qui ajoute à la confusion. L'auteur montre et insiste sur les partis pris, anachronismes et erreurs manifestes dont l'ouvrage abonde.
Deux exemples suffiront. La notion chrétienne du martyre s'intègre mal à la vision hostile à l'Église que développent les réalisateurs. Ils entreprennent de la disqualifier en usant d'un vocabulaire péjoratif, allant jusqu'à établir un parallèle entre les martyrs chrétiens et ceux qu'un certain islam politique nomme aussi martyrs. Or un examen superficiel montre que tout oppose la mort subie — quoique acceptée — des chrétiens et le suicide mortifère des militants islamistes. Les deux auteurs refusent aussi de considérer les récits de martyres comme des témoignages sans valeur historique, alors que l'historien américain Glen Bowersock, entre autres, a prouvé qu'il s'agissait souvent des minutes mêmes des procès ou de textes rédigés à chaud. En faisant des martyrs chrétiens des kamikazes ou des masochistes , les auteurs passent complètement à côté de la signification historique du phénomène.
De même, le monachisme s'intègre mal au schéma d'ensemble de Mordillat et Prieur. Ces derniers veulent y voir un mouvement d'opposition à l'Église officielle, preuve supplémentaire que, dès l'origine ou presque, certains auraient pris conscience de sa trahison. Personne ne nie qu'il y ait eu parfois de sérieux conflits entre les moines et les évêques, mais réduire le monachisme à une protestation contre la collaboration entre l'Église et l'Empire, c'est faire fausse route.
Ce livre se révèle doublement indispensable. D'abord parce qu'il sort le spectateur de l'état quasi hypnotique où le plongent les séries télé. Ensuite parce qu'il n'est pas inutile de rappeler que l'histoire reste une science exigeante, qui obéit à des règles méthodologiques strictes dont nul ne peut s'affranchir. Certes, l'histoire n'appartient pas aux historiens, mais sans eux et leur expertise, l'analyse risque de se réduire à l'expression d'une opinion sans fondement scientifique. Dans ces pages rigoureuses et denses, l'auteur exerce au mieux son double devoir d'universitaire, celui de chercheur et d'enseignant.
 
Guillaume Lenormand

 

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