La bataille des retraites semble finie. Le gouvernement a utilisé l’outil constitutionnel du 49.3 pour arriver à ses fins et les motions de censure n’ont pas abouti. L’avenir à court et moyen terme semble très incertain mais déjà les gagnants et des perdants sont envisagés.

Les LR à la peine, Ciotti et Borne condamnés ?

La réforme des retraites était une épreuve complexe pour LR. Plutôt favorables au texte, ils risquaient de passer pour des supplétifs de la majorité en le votant ; en s’y opposant, ils reniaient en quelques sortes leurs « convictions ». Le chemin était donc sinueux et nécessitait une main de fer pour tenir les 61 députés de la droite parlementaire. Éric Ciotti a échoué et le gouvernement n’a pas pu compter sur le vote LR. Le parti a même vu 19 de ses députés se prononcer pour une motion de censure. Au regard de l’état de l’opinion, il était extrêmement périlleux de soutenir le texte et une porte de sortie existait pour le parti. En dénonçant une réforme hostile aux mères et donc aux familles, la droite aurait pu justifier une opposition originale au texte sans tomber dans la démagogie des gauches.

Au gouvernement, c’est Elisabeth Borne qui devrait faire les frais de la réforme. Impopulaire, arrogante, elle devrait servir de fusible au président Macron dans les semaines ou les mois à venir. C’est finalement le rôle d’un Premier ministre sous la Vème république.

 

Les gauches ont fait bloc, le RN en « force tranquille »

Les gauches de la coalition Nupes ont indubitablement marqué des points. Bouillants à l’Assemblée, présents auprès de leur base électorale dans les manifestations, les Insoumis et leurs alliés communistes, écologistes et socialistes sortent renforcés de cette séquence politique. Une opposition démagogique mais énergique qui agit avec en toile de fond Jean-Luc Mélenchon, rêvant à nouveau d’une sixième république. Sur le côté gauche de l’échiquier, on vient à évoquer une « crise de régime » quand la majorité dit craindre le chaos. Les deux assertions sont fausses. L’usage des motions de censure et le vote important qu’elles ont obtenu témoignent du fonctionnement des institutions, quoi que l’on puisse penser de celles-ci. Quant au chaos, il est envisagé avec la loupe médiatique et à Paris, où les poubelles amassées dans les rues brûlent ici et là au détour de manifestations plus ou moins spontanées.

Côté RN, c’est la discrétion qui paie. Pas bienvenu dans le mouvement social, le parti de Jordan Bardella n’en n’est pas moins constant dans son rejet de la réforme. Le nouveau patron du parti a même affirmé qu’en cas de dissolution de l’Assemblée à la suite des motions de censure, les élus LR qui auraient voté celles-ci n’auraient pas de candidats RN face à eux. À l’Assemblée et dans les médias, les troupes de Marine Le Pen ont été en retrait et pourraient voir leur crédibilité renforcée à moindre frais.   

 

La majorité au rebond ?

Borne sur le carreau, Ciotti à la peine, la Nupes et le RN en embuscade… Le moment semble délicat pour la majorité et pourtant l’apparent chaos pourrait accoucher d’un regain de forme pour les troupes d’Emmanuel Macron. Renaissance, son parti, va jouer la carte du « parti de l’ordre » en lieu et place de la droite. Face au RN et à la coalition des gauches, Emmanuel Macron peut faire valoir sa position centrale contre les « extrêmes ». En ayant affaibli un peu plus les LR, il s’assure un monopole du centre droit au centre gauche et peut espérer qu’en cas de législatives dans les mois qui viennent, la partie se joue entre lui, le bloc de gauche et le RN. Accord de gouvernement avec les LR ou débauche des nouveaux éléments, la formule reste à trouver.

S’il ne s’agit pas de minimiser la colère, il convient néanmoins de regarder la situation en face. La France n’est pas dans une période insurrectionnelle, la Vème république n’est pas plus en crise que lorsque l’Assemblée se partageait entre la gauche socialiste et la droite RPR-UMP.

 

Olivier Frèrejacques

Délégué général de Liberté Politique