Réforme des retraites : pourquoi le populisme n’a pas dit son dernier mot ?

Source [Elements] : En 2016-2017, alors que l’élection de Trump et le vote du Brexit annonçaient des jours heureux pour le camp populiste, la France choisissait Macron. Elle le réélit même le 24 avril dernier. Entre-temps, il y eut pourtant les Gilets jaunes. Sans suite ? C’est du moins ce que beaucoup pronostiquèrent, la fin des Gilets jaunes scellant l’avenir du populisme. Et s’il en allait autrement ; et si le moment populiste français est toujours devant nous ?

La grève des retraites est une revendication profondément anti-système dans la lignée de la grève contre le plan Juppé, du 21 avril 2002, du « non » au référendum, en 2005, et du mouvement des Gilets jaunes. Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 72 % des Français sont opposés à la réforme des retraites – ce qui correspond au chiffre de soutien des premiers mois des Gilets jaunes. Depuis les années 1980, tous ces événements forment un seule et même dynamique : celle de la résistance des indépendants, des ouvriers, des employés et des ruraux, contre la mondialisation économique et l’élite des métropoles.

La fin d’une ère et la naissance d’une autre

Depuis la réélection de Macron, l’affaiblissement du clivage gauche/droite est acté. Désormais fondée sur l’affrontement vertical entre deux blocs (les blocs élitaire et populaire), cette nouvelle configuration de l’espace politique provoque un renouvellement inédit des potentialités électorales – le second tour des dernières élections législatives en a donné un aperçu.

Pour autant, la crise de confiance politique n’a pas cessé. Si un nouveau paradigme détermine la vie politique, le pacte qui liait les Français au régime de la Ve République est toujours rompu. Outre la soumission du gouvernement et du Parlement au président de la République, l’ascendant pris par l’UE (juges communautaires, Banque centrale européenne, droit européen) n’a pas aidé l’opinion à renouveler sa foi en la République.

Selon un sondage Cluster17 pour Le Point, il n’y a que les électeurs d’Emmanuel Macron (7/10) qui soutiennent majoritairement ce projet de réforme, les sympathisants LR (5,8) ainsi qu’une partie des électeurs de Zemmour (4) et de Jadot (3,2). Ensuite, on tombe à 2,5/10 pour les électeurs du RN, à 1,5 pour ceux de Roussel, et à peine à 0,9 pour les mélenchonistes.

Ce sondage confirme que le clivage droite/gauche n’aura servi qu’à masquer cette opposition latente entre deux blocs sociaux. Pendant que les comédiens de l’« alternance unique » (Jean-Claude Michéa) simulaient de se battre sur des sujets sociétaux comme l’islam, la PMA ou le mariage des homosexuels, le parti de l’extrême centre (de EELV aux LR) en profitait pour mener son agenda des destructions du tissu industriel et de la classe moyenne.

Le sacrifice de la France productive

Réalisée au profit des sociétés financières, l’amputation du capital productif fut une catastrophe pour le tissu social et économique de la France. Après la guerre, c’est plus de 6 millions d’emplois agricoles qui ont disparu ; sans compter, depuis 1984, les 3,5 millions d’emplois industriels – souvent sous prétexte de création d’entreprises à taille européenne ou mondiale. L’entrée dans l’euro n’aura fait que renforcer ces phénomènes de désindustrialisation et de repli agricole.

Tout cela se fit en même temps que l’augmentation du chômage (0,5 millions en 1975 et 6,5 millions en 2018), de la fin de l’immigration de travail au profit du regroupement familial, et de la perte de souveraineté nationale au nom de l’intégration européenne. Point commun de ces transformations : jamais le peuple français ne fut consulté pour donner son avis – enfin si, en 2005, avec le Traité constitutionnel européen pour le résultat que l’on sait : la trahison sarkozyste de 2008, avec une écrasante majorité parlementaire.

Faute d’industrie, la France ne fonctionne qu’avec secteurs : la grande distribution, le BTP, le tourisme et l’aide sociale. Avec une population qui vieillit et des jeunes « natifs » inféconds et déclassés économiquement, seules l’immigration et la croissance de la population peuvent soutenir un tel système. Pendant que le BTP répond à la pénurie de logement et d’équipement en faisant venir de la main-d’œuvre pas chère, on installe la France périphérique dans le marché de la consommation passive, de la marchandisation en tout. Sous parapluie européen, les élites françaises continuent la destruction de la France : vente à la découpe des fleurons publics, avènement du tout-tertiaire, libéralisation des échanges et immigration de masse.

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