Télétravail : qu’en disent les vrais spécialistes ?

Source [Boulevard Voltaire] Les implications du télétravail sont d’une actualité brûlante alors que le gouvernement prétend, depuis ce 27 décembre, l’imposer à compter du 3 janvier 2022 aux entreprises « quand c’est possible », « trois jours voire quatre par semaine ». Ceci, dans la précipitation, par improvisation plutôt que par empirisme.

Peu importe la durée initiale annoncée de trois semaines car l’équipe au pouvoir nous a habitués, depuis bientôt deux ans de pandémie, à l’incohérence et à la manipulation. Avec des promesses non tenues et des mesures inefficaces et liberticides, dans le climat délétère de culpabilisation et de dénonciation des récalcitrants, avec enfin une incitation forte au télétravail.

À ce sujet, un ouvrage scientifique et indépendant vient de paraître opportunément chez First Editions, Télétravail. La révolution du home office. Les clés de la confiance. Écrit par Pascal Leroy et Dominique Szepielak, il porte sur son bandeau la mention salutaire « Passons de l’urgence à l’organisation ». Conçu comme une boîte à outils conceptuelle et opérationnelle, solidement documenté et référencé, l’ouvrage pose bien la complexité du sujet et conseille des pistes utiles de réflexion et d’action.

Les auteurs nous rappellent que le télétravail, technologie aidant, a pris une place croissante dans nos modes de vie personnelle et professionnelle bien avant cette pandémie. Qu’a fait le gouvernement pour l’évaluer, l’organiser et l’encadrer alors qu’il dépense tant d’argent public dans la communication et les sondages à usage électoral ? Car, pour que cette nouvelle manière de travailler fonctionne dans l’intérêt de toutes les parties prenantes, pour qu’il soit source d’épanouissement plutôt que de souffrance, une réflexion globale incluant des aspects qualitatifs s’impose.

C’est pourquoi ces deux praticiens chevronnés de terrain, Pascal Leroy (spécialiste de l’aménagement des espaces de travail) et Dominique Szepielak (psychothérapeute spécialiste de la clinique du traumatisme et de la gestion de crise) ont adopté une approche pluridisciplinaire : sociale, historique, matérielle, technologique, écologique, ergonomique, esthétique, etc. Rappelant que dès les débuts de la révolution industrielle, au XIXe siècle, « les notions de dignité, de confort et de santé furent les premiers combats des syndicats », les auteurs constatent que seule cette pandémie semble avoir été capable de stopper la course effrénée à la performance, dommageable à l’homme et à l’environnement. Au nom de quel impératif absolu et à quel coût devrait-on maintenant en négliger les leçons ?

Une fois de plus, l’État Macron profite d’une situation sanitaire dramatisée, présentée comme une guerre sans limites, avec le soutien d’une Assemblée nationale qui se comporte depuis deux ans comme une chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales. Une fois de plus, la population est placée d’autorité, sans concertation ni consentement, en situation d’expérimentation in vivo, médicale et sociétale. Or, les auteurs cités estiment qu’une redéfinition du rapport global de l’individu à l’entreprise est incontournable. Celle-ci est évacuée dans l’urgence invoquée par le gouvernement, qui « ne prend absolument pas en compte la réalité du home worker et de la singularité du travail à domicile ».

Reste à savoir si cette nouvelle manière de travailler sera aussi efficace quand elle est imposée par un État omniprésent et envahissant que si elle était spontanément et librement consentie dans un cadre professionnel et privé dans lequel l’État, sans légitimité, n’apporte aucune valeur ajoutée. Ainsi, de fortes réticences et résistances sont à prévoir de la part des salariés travaillant à domicile ou pratiquant divers modes nomades de travail.