La pandémie ne sera terminée que lorsque nous aurons décidé qu’elle l’est

Intéressante analyse sur le passeport sanitaire écrite par Samuel Fitoussi et accessible sur Le Figaro.

En 1999, la Nasa analyse dix-neuf catastrophes aériennes. Première cause d’accidents : l’incapacité du pilote à dévier du plan initial pour s’adapter à des éléments nouveaux. C’est le biais de continuation du plan : lancés vers un objectif, nous devenons aveugles à notre environnement et réticents à tout changement de trajectoire. Aujourd’hui, après deux ans de pandémie, nous semblons incapables de nous adapter à un nouvel environnement (vaccin, endémicité, absence de perspective) et de dévier du plan établi depuis deux ans (les solutions collectives).

Au début de la pandémie, les solutions collectives (masques, confinement, couvre-feux…) sont légitimes puisque 1) les taux de contagiosité et de létalité sont suffisamment élevés pour conférer à chacun le devoir de ne pas contaminer l’autre 2) le risque de débordement des hôpitaux est élevé ; et 3) la situation est temporaire.

Deux ans plus tard, un élément change complètement la donne : le vaccin. Le point 1) semble être rendu inopérant par la possibilité de réduire son risque individuel de décès de 90%, le point 2) est rendu inopérant par la forte couverture vaccinale des personnes à risque (le Royaume-Uni connaît depuis quelques mois des vagues de variant Delta avec parfois près de 50 000 cas quotidiens sans le moindre problème de capacité hospitalière) et le point 3) est caduc : avec 87% des plus de 12 ans vaccinés et un virus impossible à éliminer, la population ne sera jamais mieux protégée qu’aujourd’hui.

Il n’y a plus «d’étape d’après» (la troisième dose ? Mais la situation se répétera à l’identique dans quelques mois avec la quatrième). Une restriction que l’on juge légitime aujourd’hui n’aura pas moins de légitimité dans huit ans. Et puisque l’on peut affirmer que le port du masque à l’école ne sera pas acceptable pour l’éternité, la pandémie ne sera terminée que lorsque nous aurons décidé qu’elle l’est, lorsque nous aurons décrété que le Covid est désormais un virus au nom duquel on ne peut plus sacrifier les libertés individuelles pour promouvoir l’intérêt général. Boris Johnson en juillet dernier, pour justifier la levée de toutes les restrictions légales, y compris l’obligation du masque dans les transports : «Si pas maintenant, quand ?». […]