Les Républicains n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord ni sur le processus de désignation de leur candidat, ni bien sûr, sur le candidat en question pour la présidentielle.

Pourtant, lors du précédent scrutin, il y a cinq ans de cela, les choses s’étaient clarifiées beaucoup plus tôt. Le principe des primaires avait été entériné sans trop de remise en cause, et dès septembre, les candidats en lice étaient officiellement validés. Cette fois-ci, c’est le flou artistique qui prédomine. Faute d’idées, faute de chefs, le parti de droite peine à écrire son avenir et à convaincre… tout simplement, peut-être, parce qu’il n’est pas convaincu lui-même de ce qu’il est et de ce qu’il veut pour la France.

Deux représentants de la frange « conservatrice » du parti (avec un certain nombre de réserves sur l’utilisation du terme) ont d’ores et déjà jeté l’éponge : il s’agit de Bruno Retailleau et de Laurent Wauquiez. Ont-ils lucidement compris que leur heure n’était pas encore venue ? Travaillent-ils, dans l’ombre, à d’autres alliances ? Le secret est bien gardé, et toutes les supputations sont permises.

Quant à ceux qui se bagarrent pour s’imposer comme incontournables, ils se sont tous emparés de la même marotte : la lutte contre l’immigration. « Comme c’est bizarre », selon l’expression favorite d’Eric Zemmour.

Eric Ciotti, qui a pour principal objectif de tenir un discours de fermeté tout en facilitant la réélection de ceux qui en empêchent la mise en œuvre, comme Renaud Muselier en PACA, a déclaré vouloir une « réforme constitutionnelle » sur l’immigration. Nous ne saurons pas ce qu’il entend exactement par cette formule tonitruante, mais il est certain qu’elle fait son petit effet sur les plateaux de télévision. Le poids des mots, le choc… de quoi ?

Valérie Pécresse, qui continue pour sa part de jouer la partition « un pied dedans, un pied dehors », n’est pas en reste, et a multiplié ces derniers jours les formules chocs. Comme Sarkozy en son temps avec le fameux karcher (qui n’a jamais servi), elle prononce avec délectation le vilain mot de « charter » pour nous expliquer qu’il faut davantage de fermeté à l’égard des immigrés. Pour elle, le contrôle de l’immigration est devenu le « défi » auquel la France doit répondre. Il est manifeste qu’elle cherche de manière très calculée à occuper le créneau laissé vacant par ses confrères Retailleau et Wauquiez. En politicienne chevronnée, elle a humé l’air ambiant, qu’elle a senti favorable à un discours bien à droite, et se calque sur cette intuition pour imposer sa candidature. Elle qui disait quasiment le contraire au moment des régionales ! Comme le disait Jacques Brel, dans sa célèbre chanson : « Qui dit oui, qui dit non, qui dit « je vous attends ». Les électeurs attendent peut-être autre chose que des oui et des non successifs.

Deux autres sires, pourtant bien connus pour leur centrisme de bon aloi, enchérissent eux aussi et apportent leur voix à cette chorale mal ajustée : Xavier Bertrand prône un « coup d’arrêt au laxisme migratoire », tandis que Michel Barnier prononce le mot magique de « moratoire » qui a l’avantage de donner l’impression que l’on veut tout arrêter sans prendre aucune mesure définitive. Le poids des mots, le choc des bobos…

Nous l’avons tous compris, car nous sommes stupides, mais jusqu’à un certain point : nous avons affaire ici à un formidable bal de l’opportunisme. Mais la petite musique ne prend plus, et ne nous donne plus envie de danser : nous savons, depuis Nicolas Sarkozy notamment, qu’il n’y a aucun crédit à accorder à ces déclarations enflammées. Le travail de sape effectué méthodiquement par Emmanuel Macron pour discréditer définitivement la parole politique n’a rien arrangé. Il est une chose indispensable en politique, et bien souvent trop oubliée : l’exercice de la mémoire. Il nous en reste suffisamment pour n’avoir aucunement l’intention de nous faire embarquer dans des chemins déjà piétinés et embourbés dont nous savons qu’ils ne mènent nulle part, et favorisent l’effondrement de notre pays.

François Billot de Lochner