La faillite tranquille

Il est des anniversaires particulièrement douloureux. Après la gloire napoléonienne, nous « commémorons » cette semaine les quarante ans de l’arrivée de François Mitterrand à la tête de la France. Aujourd’hui, le soleil d’Austerlitz est éteint, et notre pauvre pays n’en finit pas d’essayer de solder l’héritage empoisonné du mitterrandisme.

En permettant l’accession de la gauche au pouvoir, le président aux deux interminables septennats, venu de la droite et ayant commencé sa carrière politique sous Vichy, a réalisé la prouesse de permettre politiquement la réussite du mouvement idéologique et culturel de mai 68. Mitterrand a porté au sommet de l’Etat la culture de gauche avec son icône Jack Lang ; il a semé les graines de l’antiracisme, appelé à croître avec la vigueur d’une herbe mauvaise qu’on ne parvient pas à éradiquer et qui étouffe tout sur son passage. On lui doit aussi d’avoir accéléré dramatiquement la déconfiture de l’éducation, pour finir par tuer l’enseignement libre par le baiser empoisonné des accords Lang-Cloupet. Les septennats Mitterrand sont enfin ceux de l’exploitation diabolique du Front National pour bloquer définitivement la droite gouvernementale dans l’impasse politique et idéologique, ou de l’accélération de l’Europe contre les peuples avec le traité de Maastricht et ses torrents de bien-pensance fraternelle.

Les maux dont nous souffrons aujourd’hui peinent à trouver leur solution car l’action délétère de François Mitterrand a tout fait pour qu’elle soit introuvable, nous conduisant à creuser notre tombe toujours plus profondément.

Mais si le rebond est si difficile, c’est surtout parce que loin d’avoir été une longue et pénible parenthèse de quatorze ans, le mitterrandisme a constitué la matrice politique des quarante années suivantes, sans qu’aucune contradiction profonde n’ait été apportée, ni par Jacques Chirac, ni par Nicolas Sarkozy, et naturellement encore moins par François Hollande.

Qui se souvient encore, aujourd’hui, du nom du ministre de l’Economie de François Hollande en 2014 ? Si nous nous prêtions au jeu du micro-trottoir, il y a fort à parier que le résultat serait édifiant. Peu s’en souviennent, mais il s’agit bien sûr d’Emmanuel Macron. De Mitterrand à Macron en passant par Hollande, la continuité est parfaite. Emmanuel Macron, dont on nous a si bien vanté la « disruptivité », la jeunesse, le côté « out of the box » qu’aime tant les jargonneurs de start-up, n’est en fait que le sinistre continuateur d’une dynamique mortifère pour notre pays et lancée bien avant lui. Le vieux mitterrandisme continue d’avancer sous le masque d’une fausse jeunesse, celle d’Emmanuel Macron.
En 2020, la dépense publique en France a atteint 62 % de l'économie. Un résultat sans précédent, que Mitterrand n’aurait jamais imaginé, même dans ses rêves les plus fous. L’industrie française est bel et bien morte et rien n’est fait pour qu’elle reparte. Les scandales politiques n’indignent plus et ne font plus réagir personne. La culture gauchiste règne en maître sur les ondes, les écrans, partout. L’antiracisme a prospéré plus loin que les fondateurs de SOS Racisme auraient pu l’espérer, et s’épanche chaque jour en des flots de discours moralisateurs et bien-pensants. Le mitterrandisme s’épanouit dans le macronisme.

Les marionnettes satiriques du Bébête-Show saluaient chaque apparition de François Mitterrand par un tonitruant « Appelez-moi Dieu ! ». Voilà qui sied bien à notre Jupiter de 2021. Espérons que nous ne mettrons pas quarante années de plus à le chasser de son Olympe.

Constance Prazel