C’est à un véritable psychodrame en plusieurs actes que Les Républicains viennent de nous faire assister depuis quelques jours concernant les élections régionales de juin en Provence.

Dimanche dernier, coup de théâtre de la part du Premier ministre Jean Castex, qui déclarait se montrer favorable à une union de circonstance entre LR et LREM en PACA, pour réaliser le désormais aussi célébrissime qu’éculé « barrage contre le Rassemblement national », sous la houlette du candidat jusque là estampillé LR, Renaud Muselier.

L’embarras fut évidemment porté à son comble du côté des Républicains, qui voyaient ainsi portées au grand jour leurs manigances crapuleuses avec le pouvoir en place. Christian Jacob, patron des LR, se fendait d’un communiqué rageur pour condamner Muselier, et annonçait lui retirer son investiture, semant trouble et zizanie en son camp qui, tel le Parti Radical de l’entre-deux guerres, passe son temps à hésiter entre deux alliances, deux stratégies, tout en se vidant progressivement de sa substance.

Une réaction ferme, apparemment. Tout cela aurait pu avoir une certaine allure, mais... En politique il y a toujours des mais. Christian Jacob s’est empressé de préciser que l’absence d’alliance avec LREM valait pour le premier tour, mais que pour le 2nd tour, le jeu restait ouvert. Un ballet consternant de comités stratégiques et de réunions formelles et informelles s’est ensuite déroulé au siège de la rue de Vaugirard… aboutissant, une fois de plus, à l’affirmation par voie de presse du choix assumé de l’impasse politique : « aucun accord conclu avec En Marche, et opposition totale à l’idéologie du Rassemblement national ». Renaud Muselier ne sera pas désavoué. La contagion du « en même temps » a manifestement atteint les Républicains, jusqu’à la moëlle. 

Familièrement, cela s’appelle la machine à perdre, et révèle surtout un savant mélange d'hypocrisie et de confusion mentale. Il y a déjà bien longtemps que le parti Les Républicains s’est transformé en antichambre d’En Marche, qui n’a aucun scrupule à y puiser à la pelle pour les débaucher ministres et secrétaires d’Etat. Les déclarations de matamore de Christian Jacob, vides de tout sens idéologique, et manifestant un manque abyssal de convictions de la part de la droite dite gouvernementale, ne changeront certes pas la donne. Pour les élections du mois de juin, les remontées de terrain font apparaître que, un peu partout en France, les Républicains prêtent une oreille attentive à toutes sortes de combinazioni destinées à s’associer à La République En Marche. Le sommet du n’importe quoi est peut-être atteint en Occitanie, où, résolument hostiles au dynamisme du RN, les Républicains maintiennent une illusion d’opposition à la liste LREM dirigée par… un ancien LR, tandis que les caciques locaux saluent la geste de Renaud Muselier. Une maison de fous.

Les militants, la base, les jeunes Républicains peuvent bien protester, la mécanique est bien rôdée. Pas d’alliance officielle avec En Marche, mais entre les deux formations politiques, s’est glissé non plus une passoire, mais bel et bien un entonnoir. Après avoir approvisionné le gouvernement en personnel, les Républicains fournissent avec bénévolence à En Marche les élus locaux qui font cruellement défaut au parti hors-sol du président. Tout cela sera bien commode pour les législatives de 2022, alors que les députés marcheurs renâclent à se représenter… Et de son côté, En Marche se satisfait de son existence bâtarde de conglomérat de centre, pensant à gauche mais ratissant large, avec la bénédiction de Républicains tétanisés et rongés par la peur d’être considérés comme des suppôts du fascisme grimpant.

Malheureusement, nous ne connaissons que trop bien la victime de ces obscures tambouilles : il s’agit de nous autres, Français, qui aimons passionnément notre pays et devons souffrir de le voir s’enfoncer dans le déclassement et le délitement. Partout ailleurs, en Europe, la droite sait saisir où est son intérêt et des rapprochements vivifiants s’opèrent entre les différentes formations de droite, comme viennent de nous le montrer encore récemment les élections régionales à Madrid, en Espagne. En France, combien de temps devrons-nous encore supporter d’accumuler les défaites électorales, quand fondamentalement, le pays aspire plus que jamais à tourner la page de l’idéologie de gauche ?

Constance Prazel