Du rififi au Vatican.

[Source : Boulevard Voltaire]

On n’en vient pas aux mains parce que l’on est entre gens bien élevés, mais c’est tout comme.

L’objet du litige ? L’emplacement du prêtre qui célèbre la messe. En juin 2015, le cardinal Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements – en clair, patron de la liturgie sous les ordres du pape –, proposait que « tous, prêtre et fidèles, se tournent ensemble vers l’Orient » pendant les parties de la messe où l’on s’adresse directement à Dieu : kyrie, gloria, oraisons diverses et eucharistie. Cette proposition, appuyée par le cardinal américain Raymond Burke, mettait à mal le changement opéré par Vatican II, qui enjoint l’officiant de faire volte-face et de se tourner désormais vers l’assemblée. De tout temps, et au moins jusqu’au XVe siècle, les églises ont été « orientées », c’est-à-dire tournées vers l’Orient et le prêtre, dos aux fidèles, était, lui aussi « orienté », non pas comme on l’entend souvent, pour regarder vers Jérusalem –ça, c’est l’affaire des juifs et des premiers musulmans–, mais pour faire face à ce point cardinal qui voit, tous les jours, la naissance de la lumière, symbole du Christ.

Quelques jours plus tard, le trublion pourpre s’est fait sèchement recadrer par le Vatican : « Aucune nouvelle directive liturgique n’est prévue », a tonné Mgr Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, qui a ajouté, avec un brin de perfidie : « C’est au pape qu’il revient de décider des normes liturgiques. » En clair : prends ton seau et ta pelle et va jouer sur le tas de sable, et, pour t’apprendre la bienséance, je te raye de la liste des invités à diverses manifestations vaticanes.

Ces querelles presque byzantines, avec croche-pieds, tirages de surplis et coups bas, auraient pu ne pas dépasser le cadre des sacristies.

C’était sans compter avec le pape Benoît XVI dont l’Osservatore Romano du 12 octobre publie les commentaires. On peut penser ce que l’on veut de cet ex-souverain pontife, mais nul ne songe un seul instant à lui dénier une force et une crédibilité absolues dans le domaine de la théologie prise au sens large. Se démarquant résolument de son successeur, le pape émérite se prononce, une nouvelle fois, en faveur de la célébration ad orientem : « Dans l’orientation de la liturgie vers l’est, nous voyons que les chrétiens, ensemble avec le Seigneur, veulent progresser vers la rédemption de la création tout entière. » Avec ce verbe « progresser », c’est la pratique actuelle qui se ringardise d’un coup ainsi que cette sorte de vedettariat du célébrant, objet de tous les regards des fidèles. Et puis, dit Benoît XVI, puisque les chrétiens d’Orient prient « à l’ancienne », en faire autant pour les catholiques ne transgresse rien mais, au contraire, traduit un pas important vers l’œcuménisme. Enfin, pour être certain de se faire bien comprendre, il ajoute : « Un pasteur du troupeau de Jésus-Christ n’est jamais orienté simplement vers le cercle de ses propres fidèles. »

Pan sur le bec ! dirait un journal satirique bien connu. On attend avec gourmandise la réplique du pape François.