À l’occasion de l'assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences sociales, organisée du 17 au 21 avril sur le thème « Trafic d'êtres humains : Questions au-delà de la criminalisation », le pape a dénoncé les nouvelles formes d’esclavage, et la complicité du « politiquement correct » : travail forcé, prostitution, trafic d’organes, drogue.

Une régression de l’humanité, trop souvent protégée par les institutions

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Discours du pape François

Chers frères et sœurs, à vous tous, membres de l’Académie pontificale des sciences et participants de cette Assemblée plénière consacrée à la traite des personnes, je vous souhaite la bienvenue. Je remercie la présidente, Mme Margaret Archer, pour ses aimables paroles, et j’adresse à tous mes plus chaleureuses salutations. Je tiens également à exprimer ma sincère reconnaissance à cette académie pour tout ce qu’elle fait afin de mieux connaître les nouvelles formes d’esclavage et pour éradiquer le trafic d’êtres humains, dans le seul but de servir l’homme, tout spécialement les personnes marginalisées et exclues.

En tant que chrétiens, vous vous sentez interpellés par le discours de la montagne du Seigneur Jésus et par le « protocole » selon lequel nous serons jugés à la fin de notre vie, comme il est dit dans le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu. « Heureux les pauvres de cœur, heureux ceux qui pleurent, heureux les doux, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : ils recevront la terre en héritage, ils seront appelés fils de Dieu, ils verront Dieu » (cf. Mt 5,3-10). Les « bénis du Père », ceux de ses enfants qui le verront sont ceux qui se préoccupent des derniers, et qui aiment les plus petits de leurs frères : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait », dit le Seigneur (cf. Mt 25,40).

Et aujourd’hui parmi ces frères qui ont le plus besoin il y a ceux qui subissent les drames de l’esclavage moderne, du travail forcé, de la prostitution, du trafic d’organes, de la drogue. À une époque de l’histoire où l’esclavage était très répandu et accepté socialement comme une « bonne affaire », malheureusement – et scandaleusement – y compris dans le monde chrétien, saint Pierre Claver s’était senti interpellé par ces paroles du Seigneur et il s’était consacré à devenir « esclave des esclaves ». Tant d’autres saints et saintes ont lutté contre l’esclavage, en suivant le mandat de Paul : « Non plus un serviteur ou une servante mais un frère ou une sœur en Jésus Christ » (cf. Phm 16).

Nous savons que l’abolition historique de l’esclavage comme structure sociale est la conséquence directe du message de liberté porté au monde par le Christ avec sa plénitude de grâce, vérité et amour, avec son programme des Béatitudes. La conscience progressive de ce message a pu se réaliser au fil de l’histoire grâce à l’Esprit du Christ et à ses dons auxquels participent ses saints et tant d’hommes et de femmes de bonne volonté, qui ne se reconnaissent pas en une foi religieuse, mais s’engagent pour améliorer la condition humaine.

Dans presque tous les pays

Hélas, dans un système économique mondial dominé par le profit, se sont développées de nouvelles formes d’esclavage d’une certaine façon pires et plus inhumaines que celles connues par le passé. Donc, plus aujourd’hui qu’hier encore, nous sommes appelés à suivre le message de rédemption du Seigneur en les dénonçant et les combattant.

Tout d’abord, nous devons faire prendre davantage conscience de ce nouveau mal que l’on veut occulter, dans le monde global, car il est scandaleux et « politiquement incorrect ». Personne n’aime reconnaître que sa propre ville, région ou nation, connaît ces nouvelles formes d’esclavage, alors que nous savons que presque tous les pays sont touchés par ce fléau.

Nous devons dénoncer ce terrible fléau dans toute sa gravité. Le pape Benoît XVI, déjà, avait condamné sans détours toute violation de l’égalité essentielle entre les êtres humains (cf. Discours au tout nouvel ambassadeur de la R.F. d’Allemagne près le Saint-Siège, 7 nov. 2011). Pour ma part, j’ai déclaré plusieurs fois que ces nouvelles formes d’esclavage – trafic d’êtres humains, travaux forcés, prostitution, commerce d’organes – « sont des crimes très graves, une plaie dans le corps des hommes d’aujourd’hui » (Discours à la IIe Conférence internationale Combating Human Traffiking, 10 avril 2014).

Pénaliser les complices

Toute la société est appelée à développer cette conscience, spécialement au plan législatif national et international, de manière à pouvoir garantir la remise des trafiquants à la justice et une réutilisation de leurs injustes gains au profit de la réhabilitation les victimes. On devrait chercher les moyens les plus efficaces pour pénaliser tous ceux qui se rendent complices de ce marché inhumain. Nous sommes appelés à améliorer les moyens visant à réhabiliter et insérer socialement ces victimes, en mettant également à jour les règles sur le droit d’asile. Les autorités civiles doivent prendre davantage conscience de la gravité de ce drame, qui constitue une régression de l’humanité. Si souvent – si souvent ! – ces nouvelles formes d'esclavage sont protégées par les institutions qui doivent défendre la population de ces crimes.

Chers amis, je vous encourage dans votre tâche. Votre travail aide à rendre le monde plus conscient de ce défi. La lumière de l’Évangile est un guide pour quiconque se met au service de la civilisation de l’amour, là où les béatitudes ont une résonance sociale, où existe une vraie inclusion des derniers. Il faut construire la cité terrestre à la lumière des béatitudes, et ainsi marcher vers le Ciel en compagnie des plus petits. Je vous bénis tous, votre travail et vos initiatives. Je vous accompagne par ma prière et vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

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© Traduction Zenit, avec son aimable autorisation. 

 

 

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