“Cristeros”, un film juste

Quatrième au box-office. Pas si mal pour cinquante-neuf copies quand Godzilla se classe premier avec dix fois plus d’écrans. L’épopée tragique des Cristeros, produit par Saje-Production, démarre plus que bien[1]. La christiade de ces martyrs mexicains passe enfin sur les écrans français. Aujourd’hui, ce n’est plus un coup de com, c’est devenu un véritable événement : hier soir au deuxième jour, l’UGC-Rotonde faisait salle comble.

L’histoire, tout d’abord. Les lois antireligieuses promulguées et appliquées par le président Calles déclenchent au Mexique un soulèvement sans précédent dans le pays faisant, de part et d’autre, des centaines de milliers de morts pendant de longues années. La résistance se lève, est incarnée par des figures héroïques que ni la mort ou l’indigne torture n’arrêtent, comme celle du général Enrique Gorostieta, remarquable Andy Garcia.

Des femmes et des enfants prennent part au combat sous la bannière du Christ-Roi et de la Vierge de la Guadalupe. Leur cri de ralliement ? « Viva Christo Rey ! » En cause la liberté religieuse : que les cloches puissent de nouveau sonner, les sacrements puissent être dispensés, que les enfants puissent aller au catéchisme.

Une réalisation juste et soignée

Il est triste de voir non seulement dans Le Monde mais aussi dans La Croix le film jeté aux orties car les critiques entendent faire la peau au public plutôt qu’à la réalisation. C’est une faute lourde face à une réalisation justement parfaite : structure du scénario, choix et jeu des acteurs, images léchées.

Cristeros est un film grand public avec des scènes cultes où l’émotion affleure avec justesse. Pas de pathos déplacé mais des regards, des attitudes.

Retenons bien sûr l’importance de José, cet enfant prêt au sacrifice ultime, plus mûr que bien des adultes, dont l’engagement est né avec la mort du prêtre Christopher joué par Peter O’Toole. Il porte le film avec Gorostieta qui l’adopte et dont il est « l’inspiration », « le fils ». Tout prend sens par lui, du jet de fruit inaugural sur le prêtre à son meurtre épouvantable. C’est son parrain qui le mène au prêtre, c’est encore son parrain qui le somme d’abjurer et le condamne à mort.

Que ce soit la scène de l’enterrement des victimes de représailles, les scènes de batailles dans un cadre naturel de western splendide, le calvaire de José, l’esthétique sert l’héroïsation de l’enfant martyr. Jusqu'à la communion des cœurs — moment d'exception — avec le cheval du général, une monture rare… 

La scène du train marque également. L’ambassadeur Dwight Morrow rencontre des prélats représentant le Vatican. Soudain, par la fenêtre, l’horreur absolue, des pendus accrochés à des poteaux télégraphiques. L’opposition des réactions se révèle ici très fine : l’ambassadeur doit s’éclipser pour cacher son bouleversement intérieur quand les hommes d’Église imperturbables continuent à traiter la crise comme affaires courantes. Pas de prêchi prêcha, mais une scène de gestes et de regards qui en disent tellement long sur les cœurs et les lâchetés.

La séance achevée, on rentre chez soi sûr qu’on ne regardera plus sa statue du Sacré-Cœur couronnée, qu’on ne vivra plus la fête du Christ-Roi comme avant.

Pitié pour José

Quand la lumière revient dans la salle, des péronnelles babillent comme si elles venaient de passer un bon divertissement. Tous partent sans voir sur le générique l’image des acteurs réels de l'histoire qui défilent sous leurs yeux.

Nous sommes quatre quand la dernière image s’arrête sur la photo jaunie du vrai visage de José. Nous devrions être tous debout à honorer sa mémoire, celle que Benoît XVI a distinguée en le béatifiant le 20 novembre 2005.

 

 

Hélène Bodenez

 

Sur ce sujet :

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Cristeros : un film à soutenir

 

***

 

[1]. Reconnaissons-le : le film a franchi l’obstacle de l’indifférence et trouvé une certaine publicité dans la presse. Et surprise même, sur France 2, passage de la bande annonce et propos plutôt positifs.