Le fait divers est atroce. Ilan, 23 ans, vendeur dans un magasin de téléphonie à Paris, est enlevé par une bande de banlieue le 21 janvier. Il est retrouvé, le 13 février, agonisant près de la voie de chemin de fer, à Sainte-Geneviève des Bois.

Il meurt durant son transfert à l'hôpital. Les autorités policières communiquent rapidement à propos du drame qui impressionne l'opinion publique. Et l'on découvre les étapes du scénario de l'enlèvement : le guet-apens au moyen d'une jeune fille qui joue les "appâts", la demande de rançon, les hésitations des ravisseurs visiblement "non-professionnels" dans ce type d'activité criminelle, les tortures infligées à Ilan...

L'arrestation de treize personnes soupçonnées permet de se rendre compte du milieu des bandes : jeunes de "quartiers", la plupart sans travail, adeptes des séries télévisées et d'extasy. Mais l'attention se concentre sur la figure du meneur en fuite, Youssouf Fofana (photo), qui se fait appeler "le cerveau des barbares", bientôt recherché en tant qu'ennemi public n°1, à l'exemple de Jacques Mesrine il y a un quart de siècle (et retrouvé à Abidjan, Ndlr).

Une telle affaire semble concentrer tous les ingrédients du malaise qui a fait basculer les banlieues françaises dans les émeutes de l'automne dernier : le déracinement, le désœuvrement, le phénomène des bandes, le goût pour l'argent facile, la haine sociale, la propension à la violence. Tout cela lié aux facteurs criminogènes d'un secteur social, celui des "quartiers" multiethniques, travaillés par la drogue, les trafics, tout ce qui se développe en territoire de "non-droit".

Mais on s'aperçoit aussi que l'enlèvement et la mort d'Ilan ont vivement meurtri la communauté juive dont les jeunes manifestent pour demander justice. La victime était, en effet, de famille juive et sa mère travaille dans un organisme communautaire. De là une colère qui prend une nouvelle dimension en se retournant contre le théâtre de La Main d'or à Paris, où se produit l'humoriste Dieudonné, célèbre pour ses provocations anti-israéliennes.

Certes, l'entreprise criminelle – la police l'affirme — n'a pas d'origine religieuse ou raciale. Son objectif était bêtement crapuleux. Il n'empêche que le drame, répercuté par les médias, prend une dimension nationale et souligne toutes les faiblesses et les défauts de notre système social.

On s'aperçoit une fois de plus que les prisons, au lieu de protéger les citoyens, fabriquent des délinquants et multiplient les exactions. La tentation est grande de projeter l'indignation en une unique entreprise répressive, alors que ce sont les fondements de notre vivre-ensemble qui sont ébranlés. Il n'y a pas que des solutions économiques en faveur du plein emploi pour surmonter la crise actuelle. La dimension éthique, culturelle et spirituelle est aussi capitale pour restructurer des jeunes qui ne s'identifient qu'au modèle de bande et d'argent facile, de mépris de l'effort et de l'instruction que diffusent des médias irresponsables.

L'ennemi public, ce n'est pas seulement le délinquant, c'est le système qui détruit son âme.

*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

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