Retour sur une journée ubuesque de débats parlementaires

Tout le monde s’agite depuis quelques jours pour mettre en application les nouvelles exigences relatives au passe sanitaire, mais il importe tout de même de rappeler que le projet de loi, adopté lundi en conseil des ministres, n’est toujours pas voté.

Les premiers débats à l’Assemblée nationale se sont déroulés mercredi 21 juillet, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont été particulièrement houleux.

Sur TF1, Jean Castex est intervenu au journal télévisé, en se décrédibilisant copieusement : même BFM a été forcé de le reconnaître. En brandissant le chiffre de 96 % de non-vaccinés parmi les dernières contaminations, il a non seulement utilisé des chiffres datant d’il y a presque un mois, mais il a aussi asséné une lapalissade : ce sont les non-vaccinés qui, par définition, vont se faire tester en masse, donc font mathématiquement grimper le chiffre des contaminations. C’est un peu comme si l’on nous expliquait que 96 % des gens en prison sont des criminels.

Dans l’enceinte parlementaire, les choses ne se sont pas passées aussi facilement que l’exécutif l’aurait souhaité. Scandale : les députés font leur travail… et prolongent de ce fait les débats. Inadmissible en démocratie, n’est-il pas vrai ? Olivier Véran s’indigne, et se faisant perd toute dignité, en vitupérant sur ces discussions pendant que le virus « se sert une petite bière ». Il s’oublie, parle de « moutons », de Français qui « vocifèrent » avec un mépris rare. Excusez-nous, Monsieur le Ministre, de faire fonctionner les institutions. Un millier d’amendements ont été déposés, et une centaine seulement a pu être examinée dans la soirée de mercredi, obligeant les débats à reprendre sur la journée du jeudi. La navette avec le Sénat attendra encore un peu. .

Toutes les propositions, venues de tous les bords politiques, visant à encadre la durée de l’urgence sanitaire, ou à prendre un nouveau rendez-vous avec le Parlement pour réévaluer les conditions d’utilisation du passe au regard des évolutions de l’épidémie, ont été rejetées. Il est manifeste que le gouvernement entend s’installer dans l’exceptionnel ; en matière de restrictions des libertés, il n’y a malheureusement jamais de retours en arrière. Un amendement hallucinant a été voté, qui propose de se passer du consentement des deux parents dans le cas de la vaccination des mineurs. Cela valait bien la peine de se battre, pendant des décennies, pour obtenir la reconnaissance de l’autorité parentale partagée entre les deux parents. Un sujet très sensible, d’autant que la vaccination des enfants est l’un des sujets de préoccupation majeure des Français. L’obligation du passe sanitaire pour les mineurs de 12 à 17 ans a été repoussée à la fin septembre, preuve du malaise qui entoure cette question.

Le Défenseur des droits, d’une manière attendue, a attiré l’attention sur dix sérieux points de vigilance. La CNIL, à son tour, prend date pour l’avenir et met, quoique timidement, en garde les pouvoirs publics sur les dérives contenues dans le texte. Las, ne nous faisons pas d’illusion : le texte finira bien par passer, soutenu par la majorité des députés LREM flanqués de tous ceux que le covid terrorise et oblige à mettre leur cerveau de côté dans une glacière au frais. Mais cela ne sera évidemment pas sans dommages. La mobilisation de samedi 24 juillet s’annonce particulièrement active dans toute la France. Nombreux sont les Français qui ont désormais bien intériorisé le fait que la politique menée par des élus émanant de structures ultra-minoritaires n’était pas au service du bien commun : il faut donc explorer avec énergie d’autres voies.

Constance Prazel