Régions françaises : petit dictionnaire des idées reçues

Le gouvernement a annoncé qu’il comptait réduire le nombre de régions et passer ainsi de 22 à 14 en métropole, rompant là-aussi avec le principe de la filiation... Pour comprendre cette démarche, il convient au préalable de balayer quelques idées reçues.

1/ Les régions françaises actuelles ont une superficie plus petite que celles des autres pays européens.

La plus petite des régions françaises de métropole, l’Alsace, compte 8 288 km2. Nombre de régions européennes ont des superficies plus petites [1] : les régions de Bruxelles (Belgique), le grand-duché du Luxembourg, les Länder de Berlin, Brême, Hambourg et Sarre (Allemagne), les Communautés autonomes Cantabrique, Pays Basque, La Rioja (Espagne), les 26 cantons Suisses, les régions Vallée d’Aoste, Ligurie, Frioul-Vénétie Julienne (Italie [2]), les 12 provinces des Pays-Bas, quatre des neuf États fédérés de l’Autriche, le Flevoland (Danemark) ou l’Attique (Grèce).

Aux États-Unis, deux États comptent une superficie inférieure à celle de l’Alsace : le Rhode Island et le Delaware. Les régions françaises les plus vastes, Midi-Pyrénées (45 418 km2) et Rhône-Alpes (43 686 km2), ont une plus grande superficie que la Belgique, le Luxembourg, la Suisse ou le Danemark.

2/ Les régions françaises sont moins peuplées que celles des autres pays européens.

Si l’on considère uniquement les 21 régions françaises continentales, donc hormis la Corse, la moins peuplée est le Limousin, avec 742 000 habitants. En Europe, outre le Grand-Duché du Luxembourg, de nombreuses régions comptent moins d’habitants que le Limousin : le Land de Brême, 24 des 26 cantons Suisses, trois régions italiennes, trois régions espagnoles, cinq des 12 provinces des Pays-Bas, cinq des neuf États fédérés de l’Autriche…

Aux États-Unis, trois États comptent une population inférieure à celle du Limousin : le Dakota du Nord, le Vermont et le Wyoming [3].

3/ Les régions françaises n’ont guère de profondeur historique puisqu’elles ont été instaurées récemment par les lois de décentralisation de 1982.

 Les régions françaises ne résultent pas de l’émergence de territoires nouveaux, mais souvent d’une résurgence de ces anciens cadres territoriaux qu’étaient les provinces de l’Ancien Régime. Les noms de nombreuses régions ne sont pas des termes d’utilisation récente mais résultent d’un long héritage, témoignant d’une résurgence des provinces à travers leur dénomination. Les régions actuelles ont donc une filiation historique.

Cela est incontestable pour la Bretagne ou pour l’Alsace, mais a priori douteux pour certaines régions (Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées) dont les frontières ne correspondent pas avec celles des provinces de l’Ancien Régime.

Néanmoins, cela n’empêche pas ces dernières d’inclure dans leur aire géographique des territoires porteurs d’histoire et de sens [4]. Enfin, l’identité territoriale des régions est le plus souvent affirmée par un centre incontestable, leur capitale, métropole régionale de création généralement plus que bimillénaire.

4. Contrairement à la France, le découpage régional dans les pays étrangers est le résultat d’un choix rationnel susceptible d’engendrer de bonnes dynamiques des territoires.

 Le découpage des régions en Europe résulte généralement de lointains antécédents historiques tenant à des réalités culturelles. Il n’est nouveau que dans quelques pays récemment entrés dans l’Union européenne.

Comme cette dernière a souhaité un découpage plus large pour disposer d’un nombre moindre d’interlocuteurs afin d’appliquer sa politique régionale [5], ce découpage s’est fondé sur l’addition de plusieurs territoires ayant chacun un découpage historique ancien. 

 

Gérard-François Dumont est géographe, professeur à l'université à Paris IV-Sorbonne, et président de la revue Population & Avenir, auteur de Diagnostic et gouvernance des territoires (Armand Colin).  

 

 

Pour en savoir plus :
Revue Population et Avenir n° 718, mai-juin 2014  

 

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[1] Non compris les régions insulaires dans les réponses aux première et deuxième idées reçues.
[2] Sans compter le Trentin et le Haut-Adige-Sud-Tyrol qui sont en réalité deux régions autonomes.
[3] Ce qui ne les empêche pas d’avoir le même nombre de sénateurs, soit deux, que les autres États, donc comme la Californie, et ses 38 millions d’habitants. Mais non le même nombre de Repésentants.
[4] Gérard-François Dumont, Les Régions et la Régionalisation en France, Paris, Editions Ellipses.
[5] Gérard-François Dumont, « Les régions d’Europe : une extrême diversité institutionnelle », Diploweb.com, 11 janvier 2014.

 

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