[Communiqué] — Le projet de loi bioéthique, présenté ce mercredi 20 octobre en conseil des ministres, traduit sur deux points essentiels de nouvelles régressions quant à la protection de l'être humain. Elles concernent certains êtres humains à leur premier stade de développement (I) et ceux qui sont atteints d'une pathologie décelable pendant la grossesse (II).

1/ Recherche sur l'embryon : une rupture avec la loi de 2004 qui n'a aucune justification scientifique
Les articles du projet de loi relatifs à la recherche sur l'embryon marquent une rupture importante avec l'encadrement législatif de 2004. Celui-ci avait déjà ouvert la brèche à l'instrumentalisation de l'être humain. En maintenant l'interdiction de la recherche sur l'embryon, il permettait tout de même de conserver encore un peu de sens au principe du respect de l'intégrité de tout être humain.
Or le texte proposé par le gouvernement, sous couvert du maintien symbolique de ce principe, le réduit à une coquille vide en raison de l'extrême fragilisation des deux exigences posées par la loi de 2004 pour y déroger :

  • S'agissant de la première exigence — la finalité thérapeutique majeure — le projet de loi la remplace par une simple finalité médicale . Cette dernière notion représente une contrainte faible. La substitution des termes ouvre la porte à des pratiques et des domaines qu'avait explicitement écartés le législateur en 2004 (criblage de molécules et modélisation de pathologies).
  • S'agissant de la deuxième exigence — l'absence d'alternative d'efficacité comparable —, le projet de loi la remplace par l'impossibilité de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons . Cette dernière formulation abandonne la notion objective d'efficacité comparable et ne retient que l'appréciation subjective du chercheur.

On en viendra donc à autoriser des recherches sur l'embryon humain pour atteindre un objectif qui pourrait l'être par d'autres méthodes, et même plus efficacement. En effet, dans la perspective d'applications thérapeutiques, les recherches sur les cellules souches adultes ou de sang de cordon sont plus efficaces que les recherches sur les cellules souches embryonnaires. De même, les cellules souches reprogrammées (iPS) sont aussi pertinentes et plus accessibles que les cellules souches embryonnaires pour le criblage des molécules et la modélisation des pathologies.
Invoquer une hypothétique complémentarité apportée par les cellules souches embryonnaires n'est pas recevable.
Deux autres points de fragilisation sont à signaler :

  • L'introduction d'une différence entre cellules souches embryonnaires et embryons est totalement factice : il s'agit de la même réalité à des stades de développement différent. Cette distinction est demandée par ceux qui veulent pouvoir disposer de lignées de cellules souches embryonnaires humaines sans avoir à respecter la législation relative à la recherche sur l'embryon humain.
  • Enfin, le projet supprime le moratoire de 5 ans qui garantissait un caractère expérimental et provisoire à cette dérogation au principe du respect de l'embryon : cette suppression aggrave encore la libéralisation de cette pratique. En effet, inscrire à titre pérenne une dérogation équivaut à son inscription comme principe.

Pour Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune, cette rupture est scandaleuse et injustifiée :

En 2010, sur le plan scientifique, rien ne justifie le maintien de dérogations au principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon. On attend d'ailleurs toujours le bilan évaluatif des recherches sur les cellules souches que la loi de 2004 prescrivait à l'Agence de la biomédecine pour examiner le choix de l'arrêt ou de la poursuite des dérogations. Il est clair qu'il ne saurait y avoir de vrai débat tant que le ministre de tutelle n'aura pas exigé ce rapport à l'ABM. Reste le Parlement pour aborder cette question en vérité. Il devra tenir compte des conséquences des choix politiques de 2004 : le retard pris par les équipes françaises dans les recherches sur les cellules reprogrammées (intéressantes pour la modélisation), et dans les recherches en thérapie cellulaire à partir des cellules souches non embryonnaires, les seules à avoir traité et guéri des malades aujourd'hui et sans aucun coût éthique .

2/ Diagnostics avant la naissance : aucune mesure envisagée pour limiter les dérives eugéniques
S'agissant des articles du projet de loi relatifs aux diagnostics avant la naissance, la Fondation Jérôme-Lejeune se réjouit du refus du gouvernement d'étendre le diagnostic pré-implantatoire (DPI) à la détection de la trisomie 21. Elle note avec intérêt la préoccupation du gouvernement quant à la qualité de l'information délivrée aux femmes enceintes dans le cadre du diagnostic prénatal.
Cependant, pour la Fondation Jérôme-Lejeune, on attendait du gouvernement qu'il propose des mesures à la hauteur d'une situation qui est dramatique : la France se situe en tête des pays mettant en œuvre des pratiques eugéniques avec, notamment, une politique de dépistage généralisée de la trisomie 21 pendant la grossesse qui conduit à l'éradication des enfants porteurs de cette maladie (en France 96 % des fœtus détectés sont avortés). Or aucune mesure corrective n'est relevée dans le projet de loi. Au contraire, le texte crée de nouveaux prescripteurs du dépistage en désignant les sages femmes.

Dès lors, que signifie la prohibition de l'eugénisme dans l'article 16-4 du code civil : toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite ? Rappelons que le respect de ce texte solennel suscitait l'interrogation légitime du Premier Ministre dans sa saisine du Conseil d'Etat en 2009.

Pour Jean-Marie Le Méné,

les dérives eugéniques subies par les enfants atteints de trisomie 21 sont un constat alarmant établi par des voix autorisées, comme celle du conseil d'État, de l'ancien ministre de la Santé Jean-François Mattéi, de l'ancien président du CCNE, Didier Sicard, du Pr. Israël Nisand, du Pr. Jacques Testart et de nombreux gynécologues obstétriciens qui critiquent cette soumission à la dictature du gène. Les responsables politiques actuels doivent proposer de réelles mesures pour limiter la sélection et l'élimination de ces êtres humains. C'était d'ailleurs un souhait unanime des citoyens dans leurs contributions aux états généraux de la bioéthique. Le choix collectif en 2010 ne peut pas rester celui du mutisme devant la montée de l'eugénisme.

 

Sur ce sujet :
L'analyse de l'association pour la Fondation de Service politique
L'analyse de l'Alliance pour les droits de la vie
Communiqué de Mgr Dominique Rey

 

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