Source [Thierry Martin pour dreuz.info] Le titre original était : Texas Heartbeat Act. Et bien, non ! Messieurs, ce cœur qui bat n'est pas "une affaire de femmes".
Mon travail à la direction d’une entreprise de commercialisation de réactifs de laboratoire m’a confronté à la réalité des embryons surnuméraires et des lignées cellulaires humaines. Je fus dès lors beaucoup plus sensible à la question de l’avortement qu’un catholique ordinaire que je suis.
Au vu de l’unanimisme qui règne malheureusement même à droite sur la question de l’avortement, ce texte au ton volontairement pamphlétaire devrait susciter des cris d’indignation. Même de la part de Philippe Bilger. C’est d’ailleurs l’unanimisme du plateau des vraies voix sur Sud Radio dont il participait qui m’a fait réagir.
L’usage de « messieurs » dans le titre est volontaire, dans la mesure où autrefois dans le langage formel, on s’adressait ainsi aux femmes et aux hommes ensemble. Et qu’il est question aussi de cela dans le texte qui pointe les horribles expressions « toutes et tous » ou « celles et ceux ». Une affaire de femme fait référence bien sûr au film de Chabrol.
La vérité est que les cardiomyocytes, cellules contractiles qui composent le muscle cardiaque, apparaissent au vingt et unième jour, et qu’elles se mettent à battre avant même que le cœur ne soit complétement formé. Elles battront toute la vie jusqu’au jour et l’heure que nul ne connait.
Sur Sud Radio, dans l’émission Les Vraies voix animée par Philippe David, Philippe Bilger, conservateur, – réactionnaire se plait-il à ajouter -, surjoue ses désaccords avec une jeune socialiste, Emma Rafowicz, jusqu’à ce qu’elle évoque la loi votée au Texas qui, ô scandale ! n’a pas été retoquée par la cour suprême des États-Unis. Un coup de Trump ! « Texas heartbeat act », un nom de chanson Rock’n’roll signée en mai par le gouverneur républicain Greg Abbott. La susdite loi du battement de cœur limite l’avortement aux premiers battements de cœur détectés quand l’embryon à environ six semaines. Cela ne change rien durant les quarante-deux premiers jours de grossesse. Cette limite vaut même en cas de viol ou d’inceste. Quarante-deux jours ça laisse tout de même le temps de réagir, non ? Pas de discussion possible. Ils étaient tous indignés, « toutes et tous » comme dit Emma. Unanimité. Prêts à intervenir au Texas ! Sans rire ! Aucun mot sur les vraies victimes. Aucun mot pour l’adoption, la vraie alternative. Bon sang ! Le jeune journaliste Alexis Fournet, pas plus que les autres ne l’a souligné. Mais qui était menacé jusqu’alors ? Quel manque de courage ! D’autant plus qu’on oublie de préciser que l’avortement tardif y reste autorisé en cas d’urgence médicale.
« Ce n’est pas une personne ? feint de s’interroger le Pape sur une radio espagnole. Tué lors de l’avortement, l’enfant à naître est pourtant une vie. Est-il licite d’éliminer une vie humaine ? Est-il juste d’embaucher un tueur à gage pour résoudre un problème ? Nous vivons dans une culture du rebut. L’inutile est écarté. Les vieillards… les malades en phase terminale ; et les enfants non désirés renvoyés à l’expéditeur avant leur naissance. Pourtant les manuels médicaux parlent de tous les organes présents dès la troisième semaine. Et de l’ADN [qui fait de chaque être, un être unique.]» Le souverain pontife a conclu qu’il ne fallait pas chercher ailleurs les racines de l’hiver démographique européen.
Les défenseurs de la vie parlent de choix, quand aux Etats-Unis les pro-choice sont ceux qui veulent avoir le choix d’avorter. Qu’est devenue la fille aînée de l’Eglise. Ni pro-life, ni pro-choice, ¡Viva la muerte! Bientôt l’euthanasie. Est-il possible qu’en France, la seule façon d’échapper à la mort soit de commettre un crime ? Sang pour sang. L’avortement ne se discute plus, il est remboursé.
Hiver 1914. Les meilleurs, les plus vaillants tombent au front à l’aube de leur vie. Ils n’auront pour seule descendance que leur nom inscrit sur leur croix dans les cimetières militaires qui s’égrènent du Nord jusqu’à l’Est de la France. Terrible saignée de la grande guerre. En 1920, l’avortement et la contraception sont passibles de la Cour d’Assise, la propagande en leur faveur est interdite, il faut repeupler la France. Mais les maudites « faiseuses d’anges » relayant la guerre continuent leur inique besogne, « l’expulsion prématurée et violemment provoquée du produit de conception. » L’ergot de seigle, le gaïac, la camomille, l’absinthe, le safran… ou d’autres substances comme le plomb, le mercure, le phosphore, l’arsenic, le chloroforme ou tout simplement l’eau de Javel, ce qui provoque des hémorragies utérines qui tuent le fœtus quand ce n’est pas la mère. Sinon on pouvait aussi perforer les membranes à l’aide d’une aiguille à tricoter, d’une tringle à rideaux, d’un fil de fer ou d’une pointe de ciseaux, ah ! bien pauvre menace que cette guillotine au regard de ces soi-disant « affaires de femmes »[1].
Le petit corps tremble, ses membres se tendent, il serre les poings, puis s’étouffe quelques minutes encore dans le haricot en inox avant de finir parmi les déchets hospitaliers. 230 000 par an. Les assassinats d’embryons ne sont jamais des homicides, donc ne constituent pas des crimes. Plus de « celles et ceux », même pour une petite fille à naître, personne ne parlera de féminicide.
Thierry Martin
- Entrepreneur, essayiste, anthropologue de formation.
- Ancien doctorant de l’EHESS, Paris ; diplômé de l’Institut Français de Gestion.
- Ancien Président de la société AbCys spécialisée dans la biotechnologie.
[1] Allusion au film Une Affaire de femmes de Claude Chabrol, 1988