Source [Le Figaro] Le philosophe participe, le 6 février, à un colloque de l’Académie catholique de France sur le thème «Christianisme et migrations (1)». Dans cette perspective, il livre une réflexion de haut vol sur le malaise qu’éprouvent de nombreux chrétiens face à l’immigration, déchirés entre le devoir de charité et le droit des peuples à la continuité historique. Il se montre critique envers les injonctions du pape François à une fraternité universelle qui abolirait les frontières.
L’Académie catholique de France organise samedi prochain 6 février un colloque en ligne consacré au thème «Christianisme et migrations». Entre le devoir de charité et le droit des peuples à la continuité historique, les chrétiens sont souvent traversés par des injonctions contradictoires. Pourquoi vous semble-t-il important de répondre à ce malaise ? Est-il récent ?
Pierre MANENT. - Le malaise des chrétiens est un aspect du malaise général des citoyens européens, confrontés non seulement à un déclassement de leurs nations dans l’échelle des puissances, mais à une perte de confiance dans la légitimité et le sens même de la forme de vie que la nation abrite. Le droit des peuples à la continuité historique dont vous parlez ne fait précisément pas partie des droits de l’homme tels qu’ils sont aujourd’hui compris et garantis et qui ne veulent connaître que l’individu d’un côté, l’humanité de l’autre. Attachés à leurs nations dans la vie desquelles le christianisme a joué un si grand rôle et soumis au commandement de la charité, qui ne fait pas acception des personnes, les chrétiens ont des raisons particulières d’être «partagés».
Les migrations, désormais au centre de l’attention, obligent tous les citoyens à prendre une vue nette et exacte de la communauté civique qu’ils veulent former et forcent les chrétiens à préciser le sens et la portée de la vertu de charité qui fait le centre de la vie chrétienne. En soulignant depuis le début de son pontificat le droit des migrants d’accéder aux pays où ils souhaitent vivre et donc l’obligation pour nos nations de les accueillir, le pape François a transformé ce qui était une tendance de la pensée ou de la sensibilité catholique en un principe doctrinal, ou plutôt en un test d’authenticité chrétienne. En ce sens, et il faut lui en savoir gré, il nous force à mettre au clair nos idées et nos sentiments, notre esprit et notre cœur.
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