On reproche beaucoup de choses ces temps-ci aux "Bleus", et je n'en vois pas la raison. Car cette équipe de France, comme dirait l'autre, fait exactement ce qu'on attend d'elle. Le je m'en foutisme et la fumisterie des joueurs est à l'image d'une France dévastée par la culture de la démission collective postmoderne. Lorsque Platini, Six ou Trésor jouaient dans les années quatre-vingt, ils gagnaient de vingt à cent mille francs par mois. C'est aujourd'hui ce que nos joueurs gagnent par jour : on ne voudrait pas qu'en plus ils jouassent ?

• La société post-capitaliste rétribue jusqu'à l'absurde des inutiles, et licencie tous les gens nécessaires à la planète, qu'elle ne veut plus payer. Elle célèbre des incultes à la Ferme , encense des incapables ou surpaie des footeux ennuyeux. Et elle s'étonne de ne pas voir nos gaillards motivés lors des grandes occasions ?
• L'esprit de cette équipe est désastreux, ces lascars sont mal polis, mal élevés, arrogants, immoraux : on reconnaît bien là l'esprit des aventureux de l'argent facile et celui du modèle social et politique d'en haut, de certains oligarques qui nous gouvernent.
• Le coach de l'équipe de France s'exprime comme un malpropre (là aussi l'exemple vient d'en haut) ; il est incapable en six ans d'insuffler un esprit à son équipe, mais il touche un million et demi d'euros par an, soit vingt fois plus que Michel Hidalgo, toujours dans les années quatre-vingt. Entre-temps le salaire net d'un prof a augmenté de 20 % alors que l'immobilier a quintuplé ou plus... Lui aussi est représentatif des temps qui courent.
• Ce coach honni et méprisé du public, ou simplement ignoré (on a mieux à faire sur Facebook, n'est-ce pas ?) n'est pas respecté par ses joueurs — et alors ? Ce serait même le comble. On le paierait alors au résultat... mais où irions-nous ? Toutes nos élites ont pris l'habitude de faire valoir leur incompétence, et de nous la faire payer le plus cher possible. Un Clinton, un Blair, un Schröder qui ont ruiné leurs pays se flattent de gagner ou d'économiser toujours plus. Les gens des banques centrales et des entreprises qui délocalisent veulent aussi plus de pognon pour plus de misères pour nous tous.
• Le coach imbuvable s'est fait grossièrement insulter par un de nos joueurs converti à l'islam. Est-ce encore une surprise, qu'un fraîchement converti se montre mal embouché ?
• La nullité de cette équipe, qualifiée en trichant, et ses résultats, est connue depuis des années. Et l'on n'a rien fait ni au niveau de la Fédération ni au niveau de la Direction technique nationale. Est-ce si nouveau ?

Je n'ai donc rien à reprocher à cette équipe. L'imbécile qui feint de s'émouvoir maintenant ignore simplement qu'elle est là, "cette équipe de France", pour illustrer du mieux qu'elle peut la démocratie où nous vivons.
Car le football est devenu le modèle du monde post capitaliste. Dans l'Espagne ruinée par l'immobilier et ses bulles folles, le foot est le modèle d'avant-garde. On va claquer cent millions d'euros pour un joueur qui ne marquera pas dix buts dans la saison, ni ne fera gagner un titre à son équipe. Et on le rétribuera cent fois plus que les grands joueurs d'il y a trente ou quarante ans.
Le coach, devenu modèle à suivre pour le grand patronat et les traders, touche de même dix millions d'euros par an pour ne rien gagner, quand Robert Herbin entraîneur de l'AS Saint-Etienne gagnait dix mille francs mensuels à la fin des années soixante-dix. On me répondra qu'il fallait arriver à des prix de marché. Dont acte. Mais de quoi se plaint-on alors, quand on dénonce l'endettement : ces clubs de bons à rien doivent eux aussi des milliards...
Le foot est devenu un scandale permanent, un objet de méditation loufoque.
N. B.

 

Salutaire , la déliquescence des Bleus ? On notera avec satisfaction une certaine unanimité dans le diagnostic : l'équipe de France est le miroir d'un affaiblissement social et culturel largement partagé. Heureuse prise de conscience ! Qu'on se souvienne : bien peu de responsables politiques avaient condamné la tricherie contre l'Irlande. Après les derniers débordements de l'équipe de France en Afrique du Sud, 80 % des Français souhaitaient sa défaite. Et si la France, au fond, n'aspirait pas à plus de panache dans la simplicité, dans le travail bien fait, dans le respect de l'effort et de la vérité, dans la bonne éducation, bref... dans l'honneur, tout simplement.
REACTIONS
Alain Finkielkraut : On a rêvé avec la génération Zidane, aujourd'hui on a plutôt envie de vomir avec la génération "caillera". Il est temps de ne plus confier le destin de l'équipe à des voyous arrogants et inintelligents er de sélectionner des gentlemen (Europe 1).
Valérie Pécresse : Quand on parle le maillot de l'équipe de France, il faut en être digne. Le respect de l'entraîneur, de l'autre, c'est une valeur du sport. Comment voulez-vous que des jeunes respectent leur professeurs, s'ils voient Anelka insulter l'entraîneur ? (Radio J.)
François Bayrou : Les insultes, cette ambiance [...], tout cela est révoltant. Ce qui m'a frappé, c'est le nombre de gens qui m'ont dit : " Ce match est à l'image de la France d'aujourd'hui." Trop de communication, trop d'argent et sur le terrain, comme une résignation (Le Parisien).
Benoît Hamon : Il y a beaucoup d'égoïsme, de bling-bling, chez des gens qui jouent mal au football. Ce qui m'a le plus choqué, outre les déclarations inacceptables de Nicolas Anelka contre le sélectionneur, c'est que le footballeur s'est dit très content de ne pas payer d'impôts en France, une attitude symptomatique d'une époque (France inter).

 

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