Guillaume Bernard est maître de conférences à l'Institut catholique d'études supérieures (ICES) de La Roche-sur-Yon. Spécialisé en histoire des institutions et des idées politiques, il publie avec Frédéric Monera en collection de poche son Instruction civique pour les nuls (First).
Liberté politique.— Les Français vous paraissent-ils en panne d’instruction civique ?
Guillaume Bernard. — Nombre de politiques et d’intellectuels évoque le délitement du lien social, ce qui est parfaitement exact. Mais encore faut-il en comprendre les raisons et proposer quelque chose pour y répondre, au moins en partie.
Notre intention a été d’offrir, dans un format agréable (le livre est désormais en collection « Poche ») et un prix attractif (un peu moins de 12 euros), les connaissances fondamentales pour connaître l’histoire et le fonctionnement des institutions (modes de scrutin, décentralisation, construction européenne, etc.) et pour comprendre les grands débats du passé (comme la colonisation) et du présent (l’identité nationale, les mœurs et la bioéthique, etc.).
À qui s’adresse votre ouvrage ?
C’est le grand public intéressé par la culture générale et la vie politique qui est, d’abord, visé. Cependant, au-delà du tout un chacun, nous espérons que des enseignants se serviront aussi de notre livre pour préparer leurs cours : nous avons cherché à faire un ouvrage assez complet en inventoriant et traitant l’ensemble des questions au programme des différentes classes du collège et du lycée. Enfin, nous serions heureux si des élèves du secondaire apprennent ou révisent dans notre livre.
S’agit-il d’un livre de vulgarisation ?
Le texte a été travaillé de telle manière que des sujets pouvant être complexes ou polémiques soient compréhensibles. Mais cette vulgarisation, qu’avec Frédéric Monera, mon co-auteur, nous assumons parfaitement, n’a nullement consisté dans une simplification exagérée des connaissances ou un abaissement du niveau scientifique.
C’est dans la manière d’organiser l’ouvrage (en chapitres pouvant être lus indépendamment les uns des autres ou en ajoutant un glossaire) et de présenter pédagogiquement les choses qu’un grand effort a été fourni. Disons qu’il s’agit pour nous de valoriser nos recherches universitaires en les rendant accessibles au plus grand nombre possible.
Écrire à quatre mains a-t-il été facile ?
Avec Frédéric, nous avons l’un pour l’autre non seulement du respect mais aussi de l’amitié. Cependant, nous ne convergeons pas sur tous les sujets. Nous avons donc procédé à un certain nombre de concessions réciproques, non par subjectivisme mais afin de produire un livre équilibré.
Nous avons, par exemple, essayé de prendre à bras le corps la convergence ou la tension pouvant exister dans l’articulation de la France (le corps social) et de la République (le régime politique) : la première peut-elle être réduite au contrat social républicain ou, à l’inverse, la seconde n’est-elle qu’un régime, parmi d’autres envisageables, au service de la France ?
Est-ce que vous ne remettez pas en cause l'éducation civique proposée par l'Éducation nationale, notamment par son efficacité limitée et son politiquement correct ?
Nous n’avons pas voulu faire un livre « contre » mais bien « pour » : un livre pour la connaissance non-déformée et non-réductrice de l’histoire de France, un livre pour permettre à nos compatriotes de comprendre pourquoi ils peuvent être fiers, sans être orgueilleux, d’être français.
Nous avons refusé toute propagande ou endoctrinement. Nous sommes mus au contraire par une démarche exactement inverse : donner au lecteur les moyens d’agir efficacement et de choisir une position (se conforter dans son opinion ou, pourquoi pas, en changer) en connaissance de cause.
Votre livre n’ambitionne-t-il pas de permettre à chacun de se forger sa propre opinion et d'apprendre à penser les vrais et faux débats de la politique ?
Il est certain que notre livre présente deux différences profondes avec les autres manuels d’instruction civique confinant parfois à du formatage idéologique : notre volonté délibérée d’offrir, d’un côté, un enracinement historique des questions abordées et, de l’autre, de présenter de manière dialectique les arguments pro et contra dans les débats politiques, sociaux et « sociétaux ».
Si le lecteur savait mieux, après nous avoir lu, pourquoi il adopte une position (sur quelle hypothèse elle repose et quelles conséquences elle emporte), nous aurions sans doute rempli notre office d’édification.
Dans le fond, n’avez-vous pas cherché à rénover l’instruction civique ?
Il faut être réaliste. L’objectif de réformation de l’esprit dans lequel l’instruction civique est, de nos jours, couramment enseignée (balançant entre l’auto-culpabilisation collective et l’individualisme nihiliste) est, pour l’heure, hors de la portée de modestes auteurs. Mais, c’est en posant des jalons comme cet ouvrage alternatif que, par capillarité, les choses peuvent commencer à évoluer.
Il faut aussi que nos collègues qui enseignent dans les collèges et les lycées (qui pour beaucoup en ont assez de livres indigents) aient le courage de faire commander notre ouvrage dans les bibliothèques et le fassent utiliser comme manuel de référence. Ce n’est pas gagné, mais c’est possible.
Propos recueillis par T. Leroux
L’instruction civique pour les nuls « Parler à tort et à travers de « République », de « citoyenneté », « d’égalité », de « laïcité » et évoquer à la moindre occasion la « déclaration des droits de l’homme » ne signifie pas que l’on en maîtrise la définition, encore moins la portée. Or, cette confusion touche non seulement l’écolier, le lycéen, mais aussi le citoyen adulte voir, trop souvent, le responsable politique lui-même ! » Le constat est implacable : tous croient savoir que la République et ses valeurs existent. Mais personne ne sait comment les définir. Dans L’instruction civique pour les nuls, Guillaume Bernard et Frédéric Monera s’attachent à rendre plus compréhensible nos institutions, leurs histoires, leurs principes, etc. La série Pour les nuls est à destination du grand public. L’ouvrage est donc didactique. On peut choisir de le lire en entier, mais il s’agit plus d’un manuel dans lequel on peut picorer en fonction de nos manques, pour mieux saisir les débats parfois houleux qui agitent le monde politique. De l’héritage révolutionnaire au développement durable, en passant par le devoir de mémoire ou l’immigration, il n’est pas un pan de la vie civique qui échappe aux auteurs. Les thèmes sont abordés de manière rapide, mais avec suffisamment de profondeur pour donner envie d’en savoir plus. Un bon ouvrage de vulgarisation, qui semble tracer une route loin de la morale laique voulue par Vincent Peillon ou Najat Vallaud Belkacem.
T. L.
Guillaume Bernard, Frédéric Monera
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