Melville écrit que « certaines vérités ne se voient bien qu’au crépuscule ». Nous sommes au crépuscule de la France, et plus encore de l’Occident quitté par la spiritualité. Mais notre vieille nation, qui fut longtemps considérée comme la fille ainée de l’Église, avec sa figure salvatrice, Jeanne d’Arc, cette nation-là est menacée de dilution. Dans son nouveau livre, déjà best-seller, La France n’a pas dit son dernier mot, Eric Zemmour revient sur les quinze dernières années qui ont déconstruit la culture française, ébranlé ses valeurs chrétiennes, fait de certains départements un Beyrouth en proie à la violence communautariste. Journaliste, habitué à fréquenter le microcosme politique, Zemmour n’hésite pas à révéler quelques confidences reçues lors de déjeuners. On peut en relever quelques-unes qui illustrent l’effondrement moral auquel nous sommes confrontés.
L’efficacité d’une Kalachnikov
En septembre 2020, Xavier Bertrand évoque sa candidature à la présidentielle : « Je sais bien que je n’ai pas le niveau. Mais plus personne ne l’a aujourd’hui. La présidentielle, ce n’est pas un examen, c’est un concours. C’est le niveau des autres qui compte. » Il rencontre Marine Le Pen dans un appartement du VIIe arrondissement de Paris. Elle boite, s’étant blessée la jambe en jardinant. C’est après son débat face au candidat Macron. Zemmour, qui s’exprime avec l’efficacité d’une Kalachnikov, l’interrompt : « Pardon, mais tu as été lamentable. Tu nous as tous humiliés. » La fille de Jean-Marie Le Pen, qui a prophétisé une immigration incontrôlée du Sud vers le Nord, lui annonce que s’il se présente à la présidentielle, il fera 3% et l’empêchera d’arriver en tête au premier tour. Elle ajoute qu’il est un idéologue et qu’il faut d’abord aimer les gens. Réponse de Zemmour : « (…) je ne suis pas un idéologue, au contraire, je pars toujours des réalités. Et puis, tu crois vraiment que de Gaulle les aimait les gens ? Il aimait la France oui, pas les Français. Et toi, tu les aimes, les gens ? Franchement cela ne se voit guère. » Un vrai jeu de massacre.
Le réel est en train d’exploser à la figure des français et ça cogne fort. Dès lors la progression de Zemmour dans les sondages ne fait que commencer. Face à la montée des périls, dette budgétaire abyssale, désindustrialisation, paupérisation des classes moyennes, islamisme radical, destin démographique hors contrôle, guérillas urbaines,
Régis Debray, son Barrès à lui
Zemmour, fin connaisseur de l’histoire de France place le curseur de son combat, non pas en 1789, mais au temps des croisades puis de la bataille de Poitiers remportée par Charles Martel, exfiltré des manuels d’histoire. Lors d’une rencontre amicale avec Régis Debray (« Debray, c’est un peu mon Barrès ou mon Paul Valéry à moi » confesse le journaliste), Zemmour lui déclare abruptement qu’il a consacré sa vie à refaire la Révolution française « mais qu’est devenu désormais le temps des guerres de Religion ». Fatigué, l’ancien compagnon de route de Guevara concède qu’il a raison, mais ajoute : « Ce serait contraire à toute mon existence. Cela nécessiterait des alliances contre-nature. »
En fait, de nombreuses personnalités pensent que Zemmour énonce de salutaires vérités mais que l’idéologie dominante de l’horizontalité nihiliste imposele silence. À l’image de Léa Salamé, rencontrée dans l’escalier de Radio France, après les attentats contre Charlie Hebdo, qui lui lance, sourire triste : « Charlie te donne raison sur tout ! Ça me troue le cul quand même !» Ou encore de l’électrique Yann Moix qui lui avoue : « Tu as eu raison sur tout. L’Europe, les femmes, l’immigration. L’islam. Non, vraiment. Sur tout. »
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