À peine les âges légaux de la retraite revus à la hausse, la question est posée : pourquoi ne pas faire de même pour la durée hebdomadaire légale du travail ? 35 ou 39 heures, 60 ou 62 ans, l'alternative ainsi posée relève d'un même archaïsme.

La fixation par la loi d'âges légaux pour la retraite et pour la durée hebdomadaire du travail constitue une atteinte à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.
Ces normes contredisent également l'article 5 de la même Déclaration aux termes duquel la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société .
En effet, la durée de travail à la carte, tout comme la retraite à la carte, dès lors qu'elles sont convenablement organisées, permettent à chacun d'agir librement sans pour autant nuire en quoi que ce soit ni à la société en général, ni à personne en particulier.
La formule qui évite au libre choix de l'âge de liquidation de la pension de provoquer des dommages collatéraux est bien connue : c'est la neutralité actuarielle. Le législateur est vraiment coupable de poser des bornes aux décisions des assurés adhérents aux régimes de retraite par répartition : il lui suffirait de faire de la neutralité actuarielle une norme pour que les dits régimes soient à l'abri de toute conséquence négative que pourrait avoir pour eux (et par ricochet pour leurs adhérents) des choix de retraite précoce.
Garde-fous
Existe-t-il une formule analogue pour la durée hebdomadaire du travail ?  Pas aussi simple, parce que la négociation entre l'employeur et le salarié est singulière. Les garde-fous nécessaires pour protéger les intérêts légitimes à la fois de l'un et de l'autre relèvent pour une part de la loi, et pour une autre de la convention collective. Un bon nombre de ces garde-fous existent déjà, notamment parmi les mesures prises en vue d'assouplir les 35 heures. Les adapter à la suppression de la notion même de durée légale du travail requerrait un exercice cérébral conséquent, mais fort stimulant.
Espérerons que la paresse intellectuelle ayant abouti au remplacement de 60 par 62 ne triomphera pas à nouveau avec celui de 35 par 39.
La France est engagée dans une rude compétition internationale. Or quand on est amené à participer à un 100 mètres ou à un marathon, s'équiper pour gagner ne signifie pas changer ses mocassins de ville pour d'autres identiques à la taille près, mais choisir des chaussures de sport réellement adaptées à la course.
*Jacques Bichot est vice-président des économistes catholiques, professeur émérite à l'université Lyon III.
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