Article rédigé par Hélène Bodenez*, le 08 avril 2009
L'Union européenne serait bien inspirée de saisir toutes les opportunités de reconquérir la confiance des citoyens. Le respect des règles communes qui ont structuré toute sa vie sociale depuis ses origines en est une, comme le respect du dimanche [1]. D'où l'intérêt de la déclaration écrite de cinq eurodéputés en faveur du repos dominical, qui mérite d'être soutenue.
Si celle-ci était adoptée, ne doutons pas qu'elle donne enfin une satisfaction réelle à ceux qui, en France sur cette question précise, se sentent trahis pas le chef de l'État. Acceptée, la déclaration écrite du dimanche férié en Europe serait le signal d'un possible renversement de vapeur salutaire. Signal que toute action n'est pas inutile ou arbitrairement bloquée.
Cette initiative en faveur de la protection du dimanche férié relevant des racines de l'Europe — admettons-les au moins humanistes historiques, à défaut de les reconnaître tout bonnement chrétiennes —, on pourrait penser cette défense du dimanche comme chose acquise. Il n'en est rien. Rassembler une majorité absolue de signatures autour du dimanche férié comme pilier essentiel du modèle social européen et composante de l'héritage culturel de l'Europe n'est pas si simple.
La déclaration écrite, texte court de moins de deux cents mots, est d'un usage habituel au Parlement européen. Outre les procédures habituelles d'adoption de textes par vote en séance plénière, les parlementaires européens ont la possibilité de s'exprimer sous ce mode-là. En trois mois maximum, les initiateurs d'une déclaration écrite demandent à leurs collègues parlementaires d'adopter, sans débat, un texte en y apposant leur signature. La majorité est alors requise.
Bien qu'en progression constante depuis le 2 février (224 signatures au 2 avril), l'adoption de la déclaration écrite du dimanche férié en Europe reste aujourd'hui de l'ordre de l'hypothèse (il faut 394 signatures).
Le paraphe doit être apposé par le député présent en personne, sur un registre prévu à cet effet dans un bureau spécial du Parlement. L'absentéisme est donc le pire ennemi de la déclaration écrite. Quand on connaît le taux d'absentéisme des députés, on peut donc légitimement douter de la réussite de l'entreprise. Mais si les députés venaient à signer en nombre suffisant la déclaration, celle-ci deviendrait position officielle du Parlement européen. D'où l'importance de la démarche et la nécessité d'intervenir auprès des parlementaires.
Les défenseurs du dimanche doivent mettre une pression plus forte sur les eurodéputés lors des assemblées plénières pour qu'ils signent la déclaration.
Un symbole qui peut être décisif
N'ayant pas force de loi, le poids de la déclaration écrite du dimanche protégé en Europe est symbolique, mais si elle était adoptée, elle n'en permettrait pas moins de relancer le débat de manière plus forte en France.
Loin d'être enterrée, la proposition de loi Mallié du travail le dimanche, remaniée n fois, attend son heure avec la réforme du Parlement français. Elle serait prête à être votée avant le mois de juin comme l'a indiqué récemment Xavier Bertrand, en visite le 3 avril dernier au centre commercial de Plan-de-Campagne ouvert le dimanche. On a pu craindre également les amendements menaçants que deux sénateurs centristes, Hervé Maurey (Eure) et Yves Pozzo di Borgo (Paris) ont déposés ces jours-ci. N'essaient-ils pas de rejouer le coup d'Isabelle Debré de décembre dernier au Sénat (l'amendement ConfoKéa)?
Le compromis obtenu par les députés courageux de la majorité ne laisse pas d'inquiéter encore nombre d'électeurs tant la banalisation des dérogations tend à accélérer une libéralisation du dimanche perçue déjà comme bien amorcée.
Si le Parlement européen a quelques motifs à se faire pardonner, et il en a, qu'il profite de cette fenêtre inattendue pour témoigner de sa proximité avec la réalité européenne, et ne méprise pas les soutiens populaires à cette déclaration écrite qui affluent à Bruxelles ou à Strasbourg. Venant de France via mails, lettres et fax, ces messages de la dernière chance signent une espérance plus que vacillante ; que les eurodéputés en prennent rapidement conscience, la ravivent et apposent sans temporiser leur signature pour un succès qui ferait, en ces temps lourds, du bien à tout le monde.
Interrogé ce mardi lors d'une conférence du Cercle du Vieux Colombier, le secrétaire général-adjoint de la CFTC, Joseph Thouvenel, considère très utile la mobilisation autour de cette déclaration écrite, malgré les difficultés. Cette campagne peut déjà faire pression sur les candidats à l'élection européenne le 7 juin. Le nouveau Parlement pourrait se montrer plus favorable.
* Professeur de lettres au lycée jésuite Saint-Louis de Gonzague à Paris.
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[1] Benoît XVI ne disait pas autre chose au Palais de l'Elysée, le 12 septembre dernier : Lorsque l'Européen verra et expérimentera personnellement que les droits inaliénables de la personne humaine, depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle, ainsi que ceux relatifs à son éducation libre, à sa vie familiale, à son travail, sans oublier naturellement ses droits religieux, lorsque donc cet Européen saisira que ces droits, qui constituent un tout indissociable, sont promus et respectés, alors il comprendra pleinement la grandeur de la construction de l'Union et en deviendra un artisan actif.
[2] Les cinq auteurs de la déclaration en faveur du respect du dimanche : Anna Záborská, Slovaquie, et Martin Kastler, Allemagne, groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des démocrates européens, Jean Louis Cottigny, France, Groupe socialiste au Parlement européen, Patrizia Toia, Italie, Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, Konrad Szymański, Pologne, Groupe Union pour l'Europe des Nations.
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