Article rédigé par Thierry Boutet*, le 15 octobre 2010
Dans la perspective du Congrès de Lyon de l'Association pour la Fondation de Service politique, les 30 et 31 octobre prochains, voici une excellente biographie à lire d'urgence par tous ceux que l'engagement des chrétiens en politique ne laisse pas indifférent. Rémy Montagne était en effet le type même du chrétien engagé en politique. Moins célèbre que Robert Schuman ou Edmond Michelet, il n'en a pas moins marqué profondément son époque.
Né en 1917, il retourne à Dieu le 10 janvier 1991. Généreux militant d'Action catholique avant-guerre, blessé à la bataille de la Somme où il perdra un œil, résistant, président de l'ACJF dans les années d'après-guerre, il sera le tombeur de Pierre Mendès-France aux élections de 1958. En 1981, il abandonnera la carrière politique, pour fonder le groupe Ampère (devenu Media-Participations) et permettre à l'hebdomadaire Famille chrétienne d'acquérir la dimension qu'il a aujourd'hui.
Son exemple, sa personnalité ont impressionné tous ceux qui l'ont rencontré et à plus forte raison ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui. Sa générosité était communicative, sa vaste culture ajoutait au charme d'un homme dont la politesse n'avait rien de formel et dénotait une vraie sensibilité. Exigent, direct dans sa relation avec ses collaborateurs, son côté parfois bourru cachait un fort tempérament qu'il savait contrôler.
Ce juriste pétri de culture française parlait aussi bien la langue d'oc (l'occitan) que la langue d'oïl (français du nord). Il était surtout chrétien — un chrétien passionné, donné à sa famille, à ses amis, à son pays. La charité n'était pas un vain mot pour lui.
Une foi enracinée
Homme de certitudes, son engagement s'inscrivait dans une vision de l'homme et du monde qui n'avait rien d'idéologique. Peu soucieux de se mettre en avant, l'identité forte que lui donnait le profond enracinement de sa foi et de sa culture lui permettait de dépasser les frontières, d'être attentif aux signes des temps et pragmatique sans quitter la ligne, tracée comme un sillon, d'une existence particulièrement féconde.
Fervent promoteur des communautés naturelles et en particulier de la famille, il n'a cessé, sa vie durant, de reconstruire des solidarités à tous les niveaux de la vie sociale et politique. Son ouverture internationale — rare en France — ne se limitait pas à la réconciliation franco-allemande dont il fut après-guerre un ardent protagoniste. Organisateur du Conseil de la jeunesse de l'Union française, il était aussi extrêmement préoccupé par l'avenir de l'Afrique où il comptait de nombre d'amis : Il considérait que les Africains étaient des prochains, ce qui était tout à fait inhabituel à l'époque , dit de lui le politologue Alfred Grosser.
Au moment de la chute du mur de Berlin, alors que Jean Paul II appelle l'Europe à respirer de ces deux poumons , il oeuvre encore pour l'unité de l'Europe et fonde l'Association des Colloques européens dans la ligne des discours du pape à l'Unesco et à Saint-Jacques de Compostelle. Le premier colloque aura lieu à Cracovie en 1991, sans lui.
Un exemple pour les générations nouvelles
Après son départ, comme une magnifique épitaphe, des centaines d'hommes et de femmes, universitaires, hommes de presse, chefs d'entreprises, syndicalistes, artistes, responsables politiques de quinze nations, unis dans une culture enracinée dans la révélation du mystère de l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, se réuniront encore pour des congrès européens, à Prague en 1993 à Saint-Petersbourg en 1995 et Vienne en 1997.
Nous ne saurions trop conseiller aux lecteurs de Liberte politique la biographie que Marie-Joëlle Guillaume lui consacre. Passionnante, très documentée, ils découvriront le portrait d'un authentique militant et homme politique chrétien, et celui d'une époque très proche et si déterminante pour comprendre la nôtre.
Nous avons souvent tendance à réduire le XXe siècle aux grands drames français, à l'affrontement Est/Ouest ou à la fracture Nord/Sud. Il a été aussi parcouru par des hommes de la trempe de Rémy Montagne.
Puisse sa vie être un exemple pour les générations nouvelles qui auront à incarner avec le même enthousiasme dans le tumulte de ce nouveau siècle la bonne nouvelle de l'Évangile.
Rémy Montagne, un démocrate-chrétien dans le siècle
par Marie-Joëlle Guillaume
Perrin, 2010, 332 pages, 23 €
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