Les amitiés dangereuses
Article rédigé par Thierry Boutet*, le 23 septembre 2011

Les mallettes de Karachi rendent plus incertaine encore la présidentielle de 2012. Déjà certains prédisent la fin des  deux Nicolas .

Il y aurait un lien entre l'attentat de Karachi du 8 mai 2002 et des retro commissions non payées pour des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite. Or celles-ci auraient permis de financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995 (on parle de 20 millions de francs en petites coupures).

Un lien qui pourrait être en forme de nœud coulant pour Nicolas Sarkozy. Deux parmi les plus proches du Président sont déjà impliqués, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, l'un et l'autre mis en examen pour complicité d'abus de biens sociaux. L'Elysée assure que le chef de l'Etat n'a jamais exercé la moindre responsabilité dans le financement de la campagne d'Edouard Balladur dont il était le porte parole. Mais l'on parlait à l'époque des deux Nicolas. Nicolas Bazire, Directeur de cabinet d'Edouard Balladur en 1998, fort bien introduit dans les milieux du CAC 40, témoin du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni en 2008 fait en effet partie des visiteurs dits  du soir  à l'Elysée.

La Sarkozie est donc visée dans ses membres les plus intimes. La bataille ne fait que commencer. Nous n'en sommes qu'aux escarmouches. En guise de préliminaires, le quotidien le Monde publie une conversation téléphonique du 14 septembre entre l'ex ministre de l'intérieur Brice Hortefeux et Thierry Gaubert peu avant et pendant sa garde à vue. Un coup fil pour lui dire que sa femme Hélène de Yougoslavie balançait beaucoup :

Brice Hortefeux  Elle balance beaucoup apparemment Hélène... 

Thierry Gaubert :  Qu'est ce que tu as comme info, toi, parce qu'elle me dit qu'elle ne dit rien... 

Brice Hortefeux :   ça m'embête de te le dire par téléphone. Il y a beaucoup de choses... 

Que tout cela est dit avec charme ! Brice Hortefeux évidemment dément avoir eu accès au procès verbal et prétend que l'information était publiée dans le Nouvel Observateur.   Non ! , répond Michel Labro, directeur de la rédaction, qui affirme que le papier de Serge Raffy a été publié dans l'hebdomadaire après cette conversation.

Des révélations qui suscitent les hurlements des syndicats de la magistrature à propos de ces  incursions scandaleuses de l'Elysée dans le cours de la justice . Même Nicolas Dupont-Aignant trouve là une bonne occasion de faire parler de lui en sommant l'Elysée de s'expliquer et inutile d'évoquer les réactions de la gauche. Elle exulte enfin.

La justice française étant ce qu'elle est, l'affaire qui remonte à plus de 15 ans peut encore évidemment faire flop et s'achever en pantouflade juridique comme celle qui visait Jacques Chirac. Elle peut aussi empoisonner l'avant campagne des présidentielle ou même, après DSK, faire sortir Nicolas Sarkozy de la route.

Une possibilité que certains n'écartent pas et que d'autres espèrent tellement sans parler de ceux qui l'ont prédit comme François Hollande.

Dans le Monde du 19 avril 2010 celui-ci prédisait déjà à Sarkozy un destin de battu à la Giscard et laissait entendre que Nicolas Sarkozy pourrait renoncer en raison d'un scandale ou d'une affaire d'Etat retentissante.

Alors que nous approchons des primaires socialistes et que la campagne pour commencer n'attend plus que le résultat des sénatoriales dimanche, l'incertitude demeure totale sur ce que va être cette année électorale. La crise est là, elle influencera évidemment les thématiques de la campagne. Mais en raison des contraintes économiques et sociales et de l'étroitesse du champ des solutions possibles, les questions de société risquent d'être aussi plus présentes que prévu dans la campagne comme on le voit avec les réactions suscitées dans l'opinion par la question du Gender. Mais si après celui de la gauche pour les raisons évoquées par François Hollande, Nicolas Sarkozy, le candidat naturel de la droite, se trouvait évincé ou très gravement compromis, l'élection se jouerait de manière totalement imprévue. Dans ces situations, l'équation personnelle, la stature du candidat deviennent beaucoup plus déterminantes que son programme ou son appartenance partisane. Or personne ne peut dire qui à droite ou à gauche peut prendre l'ascendant en l'absence certaine de Dominique Strauss-Kahn et de la défection éventuelle de Nicolas Sarkozy. Mais doit-on le craindre ou s'en réjouir ?

 

 

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