Profondeur du silence
Profondeur du silence

« Chers professeurs, vous êtes les véritables formateurs des nouvelles générations, en les guidant dans la recherche de la vérité non seulement avec les mots, mais aussi avec la vie, conscients que la Vérité est le Christ lui-même. En rencontrant le Christ nous rencontrons la vérité »

« Chers professeurs, vous êtes les véritables formateurs des nouvelles générations, en les guidant dans la recherche de la vérité non seulement avec les mots, mais aussi avec la vie, conscients que la Vérité est le Christ lui-même. En rencontrant le Christ nous rencontrons la vérité »

« Chers jeunes de langue française, le Christ vous demande aujourd’hui d’être enracinés en Lui et de bâtir avec Lui votre vie sur le roc qu’il est Lui-même. Il vous envoie pour être des témoins courageux et sans complexes, authentiques et crédibles ! N’ayez pas peur d’être catholiques, d’en témoigner toujours autour de vous avec simplicité et sincérité ! Que l’Église trouve en vous et en votre jeunesse les missionnaires joyeux de la Bonne Nouvelle ! »  

                                                Benoît XVI, JMJ Madrid 2011

Nuit de veillée à « Cuatro Vientos »... veillée de prières, profondeur du silence, de silence voulu, posé là tout exprès pour que nous vivions enfin à l’intérieur de nous-mêmes.

Bien sûr, pour un as de la télécommande qui arrivait, par hasard, sur la chaîne qui transmettait l’adoration du Saint Sacrement, après avoir vu l’immense allégresse dans les rues de Madrid ça semblait un brin étrange.  Après les cris et les chants de Cibeles, la Puerta del sol depuis le 15 août, les applaudissements, les « Benedetto » et tous les élans d’une foule heureuse, jeune,,  cet immense océan de silence total donnait à réfléchir.

C’est peut-être une des originalités des chrétiens en ce siècle de vacarme, de mp3 vissés sur les oreilles, de sonorisation des rues et des galeries marchandes pour que le consommateur ne se sente pas trop seul dans la foule, que de savoir installer le silence. De plonger en soi, et de ne pas y découvrir du vide, du néant, mais une présence.

Nous en avons des étrangetés aux yeux du monde !

Foule immense venue chercher du sensationnel, le sensationnel de la Présence Réelle. En demeurant intime, invisible, trop simple et trop mystérieuse à la fois.

L’essentiel de la Foi n’est pas conçu pour la télévision; ça nous vaudra des apostrophes, des moqueries, mais c’est ainsi. Et l’alternance de la joie bruyante et contagieuse, et du recueillement muet ajoute au paradoxe.

Alors certains, de l’intérieur, continuent de regretter nos dissemblances.  Ils nous voudraient si proches des autres que nous ne nous en distinguerions plus. Ils font partie de ceux qui « attendaient » que le Pape dise ce qu’ils avaient envie d’entendre. Pour soulager telle inquiétude, résoudre telle tension, rassurer telle société. Mais si le Saint Père vient chez nous pour dire ce que nous avons écrit, autant regarder « la vuelta » (le Tour d’Espagne) !

La surprise permanente de notre Église, c’est qu’elle demeure et qu’elle avance dans le monde. Non pas pour le rattraper, comme un peloton à la poursuite du groupe des échappés, mais pour lui indiquer le chemin. Benoît XVI, aux Bernardins, aux Invalides (joli symbole que ce nom !), à la grotte de Massabiel devant les malades et les paralytiques, Benoît XVI à Santiago, à Valencia, à Madrid …ah Benoît XVI à Madrid n’avait aucune nouvelle à annoncer. Sauf la Bonne. C’est son métier, sa charge, sa croix : il doit sans cesse nous relever et nous appeler à tourner nos yeux vers ce qui dure, au point d’être éternel.

Tel journaliste regrettait que le Pape n’ait pas parlé de ceci, n’ait pas infléchi cela. Mais il avait tant dit déjà, qu’on n’aura pas fini d’en discerner la profondeur et la réelle adaptation aux vraies questions des hommes de ce temps.

Les Marthe ont beau courir pour piocher ce qui n’a pas été dit, pas assez, pas comme le monde le voudrait, on a vu les Marie, dans l’écoute et la contemplation. Et ce sont probablement elles qui font signe plus que les censeurs, les regretteurs, les dispensateurs de vinaigre…

Si le Pape ne parle pas de la Croix, de la Vierge, de la confiance qu’il a en la jeunesse, qui le fera ? S’il se tait, les pierres parleront, et nos plumitifs, comme des vulcanologues sourds, n’y entendront rien…

Un homme est venu chez nous, non pour « recruter », « redresser des bretelles », compatir ou verser de bons sentiments sur nos faiblesses. Il est venu redresser notre regard, et nous confirmer que nous ne sommes pas là pour chercher à plaire, mais pour chercher Dieu. Rien que ça, rien d’autre.

 

"S’il ne fallait retenir qu’un seul événement de ce mois d’août 2011, ce ne serait pas le krach boursier, ni la dégradation de la note américaine sur les marchés. Ce ne serait pas non plus la chute du régime de Kadhafi en Libye, ni la prise de Tripoli par les révolutionnaires ; encore moins l’abandon des poursuites contre Dominique Strauss-Kahn aux Etats-Unis. Plutôt que ces tapages du monde, je choisirais le silence, l’impressionnant silence de deux millions de jeunes adorant, en communion avec un vieillard non moins jeune qu’eux, le Roi des rois dans le Saint-Sacrement. Un moment de grâce si puissant que le vent et la pluie eux-mêmes s’interrompirent pour le respecter et laisser souverainement souffler l’Esprit. La caméra de télévision qui prenait les images de la veillée de ces Journées Mondiales de la Jeunesse s’attarda indiscrètement sur le joli visage d’une jeune fille en larmes – pleurs de l’âme baignée par l’amour de son Créateur. On était à des années-lumière, des années-paradis d’autres images abondamment diffusées et commentées par les chaînes françaises trois jours plus tôt, montrant la dérisoire manifestation des opposants à la venue de Benoît XVI, déguisés pour certains en religieuses ou en pape, et suivant une fausse papa-mobile ornée d’une tête de diable ou d’un phallus représentant le Saint Père. Ces singeries-là, singeries de Dieu, portent la griffe de leur auteur. Qu’importe ces rumeurs d’un monde matérialiste et sec! Les photos de cette jeunesse priant à genoux contre les invectives, crachats, insultes et gestes grossiers de ces quelques manifestants haineux à qui l’on pardonne ont fait le tour du monde. Ça fait plus de 2000 ans qu’ils nous persécutent.

La liesse des jeunes pèlerins était un bain de jouvence. Le spectacle des milliers de drapeaux de tous les pays flottant au-dessus des foules innombrables qui, d’un seul cœur, acclamaient le pape, et surtout le Christ à travers lui, proclamait cette évidence : l’Eglise catholique, universelle, est la seule internationale qui tienne et qui n’ait jamais tenu. Mais c’est aussi la seule internationale qui respecte et proclame les droits des peuples et des nations – sa communion n’est pas uniformité. A voir communier dans une même foi et une même ferveur ces jeunes de toutes races et de toutes nationalités, nous revient en mémoire l’Apocalypse de saint Jean : « C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant l trône et devant l’agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main. Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre dieu qui siège sur le trône et à l’agneau. » Le royaume de Dieu est aussi sur cette terre. Et il y porte du fruit."

Si l'on cherche une image vraie de la Fraternité dans le monde, ce n'est pas du côté des "printemps arabes" qu'on la trouvera, mais sous le soleil de Madrid. Le royaume de Dieu est aussi sur cette terre. Et il y porte du fruit.

 

 Les associations gay-lesbiennes et laïcistes ont osé accuser le Pape de « nazi » parce qu'il ne pense pas comme eux sur les questions morales et anthropologiques Cette accusation de fascisme ne passe pas la rampe. Une telle intolérance se retourne contre celui qui la prononce. Il est regrettable, dans le monde laïc - qui fait pourtant profession d'intelligence et d'ouverture - ou chez les libertariens de voir leur incapacité à sortir d’ « a priori » pour juger un événement dès lors qu'il est organisé par l'Eglise catholique. Le Pape et ses jeunes troupes sont forcément conservateurs, rétrogrades, dépassés, dangereux. Autrement dit : je me demande ce que « font » concrètement les champions de la fraternité et de la solidarité pour développer ces notions alors qu'ils critiquent vertement les « cathos » quand ils prennent des initiatives et des responsabilités lourdes pour cultiver ces notions chez les jeunes ? De ce point de vue - formation à la fraternité, à la solidarité, à la tolérance et l'antiracisme - les JMJ ont été exemplaires. Qui en fait autant ? Qui a cette liberté d’expression et cette humilité chez nos politiques et dans nos medias pour le reconnaître et l'exprimer.

« C’est précisément maintenant au moment où la culture relativiste dominante refuse et déprécie la recherche de la vérité – la plus haute aspiration de l’esprit humain – que nous devons proposer avec courage et humilité la valeur universelle du Christ comme sauveur de tous les hommes et source d’espérance pour notre vie. Lui, qui a pris sur lui nos afflictions, connaît bien le mystère de la douleur humaine et montre sa présence aimante à tous ceux qui souffrent. Ceux-ci, à leur tour, unis à la passion du Christ, participent de plus près à son œuvre de rédemption. En outre, notre attention désintéressée envers les malades et les personnes dans le besoin sera toujours un témoignage humble et silencieux du visage de la compassion de Dieu.

Chers amis, qu’aucune adversité ne vous paralyse. N’ayez pas peur du monde, ni de l’avenir, ni de votre faiblesse. Le Seigneur vous a donné de vivre en ce moment de l’histoire, pour que, grâce à votre foi, son Nom retentisse sur toute la terre. » 

Homélie de Benoît XVI le samedi août 2011 à Cuatro Vientos, JMJ Madrid 2011.

Thierry Aillet Août 2011

Ancien Directeur de l’Enseignement Catholique d’Avignon