Article rédigé par La Porte Latine, le 25 mars 2022
Source [La Porte Latine] : Réponses à plusieurs questions importantes concernant l’acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie demandé au Saint-Père par Notre Dame à Fatima le 13 juillet 1917 et à Tuy le 13 juin 1929.
1° Notre Dame a-t-elle demandé la consécration du monde seul, du monde avec mention explicite de la Russie, ou de la Russie seule ?
La réponse est sans équivoque : Notre Dame est venue demander la consécration de la seule Russie à son Cœur Immaculé. Tant par des paroles que par écrit, Sœur Lucie a répété cela bien souvent tout au long de sa longue vie. En voici quelques exemples :
Paroles de Sœur Lucie :
Entretien de Sœur Lucie avec le Père Jongen, à Tuy, le 03 février 1946 :
« Au cours de cet entretien, sans hésitation, la voyante déclara :
– « La Sainte Vierge demanda la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, par le Pape, en union avec tous les évêques du monde. »
- « N’a-t-elle pas parlé de la consécration du monde ? »
- « Non« . [1]
Entretien de Sœur Lucie avec le Père McGlynn, en février 1947 :
« La messagère de l’Immaculée lui répéta surtout avec force la demande précise de consécration : « Non ! Non ! Pas le monde ! La Russie, la Russie ! » » [2]
Entretien de Sœur Lucie avec Mgr Hnilica et don Luigi Bianchi, le 14 mai 1982, au Carmel de Fatima. Sœur Lucie fut bien sûr interrogée sur l’acte d’offrande effectué la veille, par le Pape Jean-Paul II, à Fatima :
« Elle fit remarquer que la Russie n’avait pas été l’objet de la consécration. Or, Dieu voulait « la consécration de la Russie et de la seule Russie, sans aucune adjonction. » » [3]
Textes de Sœur Lucie :
Je me bornerai à citer une lettre de Sœur Lucie au Père salésien Umberto Pasquale, datée du 13 avril 1980. Elle répond de façon très succincte mais très claire à ce prêtre, qui était son confident depuis 1939, et qui lui avait posé par écrit la question suivante : « Notre Dame vous a-t-elle jamais parlé de la consécration du monde à son Cœur Immaculé ? »
Voici la courte réponse écrite de Sœur Lucie :
« Révérend Père Umberto,
En répondant à votre question, je clarifie les choses : Notre Dame, à Fatima, dans sa demande, s’est seulement référée à la consécration de la Russie. Dans la lettre que j’ai écrite au Saint-Père Pie XII – selon l’indication de mon confesseur – j’ai demandé la consécration du monde avec mention explicite de la Russie. » [4]
Comme Sœur Lucie l’indique clairement, la requête de consécration du monde avec mention explicite de la Russie n’appartient pas au message de Notre Dame de Fatima. Il s’agit d’une demande annexe et surajoutée au message du Ciel, faite à Pie XII selon ce que son confesseur lui avait indiqué !
La conclusion s’impose d’elle-même : Notre Dame a demandé la consécration de la Russie et de la seule Russie à son Cœur Immaculé, à Tuy le 13 juin 1929. Elle avait annoncé le 13 juillet 1917, à Fatima, qu’elle viendrait demander cette consécration.
2° Pourquoi est-il demandé la consécration de la Russie, et non d’un autre pays ?
Il y a bien sûr une part de mystère dans la réponse à cette question, puisque la Providence de Dieu nous échappe en grande partie, à nous pauvres mortels d’ici-bas. Cependant, plusieurs raisons pertinentes peuvent être avancées, qui nous aident d’ailleurs à mieux comprendre le caractère mondial du Message de Fatima, ainsi que les desseins de l’infinie miséricorde de Dieu sur notre temps si rempli de malheurs et de confusion.
– Il convient de replacer cette demande du Ciel dans sa perspective historique, en rappelant quel était le plan initial des révolutionnaires marxistes pour gagner tout le continent européen, et à partir de là le monde entier. Voici un extrait du « Mot de l’aumônier » que j’ai rédigé pour Le Lien, bulletin trimestriel de la Croisade du Rosaire, [5] :
(…) Le plan de ces révolutionnaires, dont le but était de détruire la foi catholique dans les âmes et aussi toute la chrétienté européenne, consistait à prendre le Vieux Continent en tenaille, en fomentant des révolutions simultanées pour s’emparer des gouvernements en même temps dans trois pays : les deux pays les plus à l’ouest de l’Europe (Espagne et Portugal) et le grand pays de l’est de l’Europe, la Russie. Ce plan ressort clairement des propos de Lénine à Trotsky, à Paris, dans les premiers jours de la conspiration marxiste : « Notre révolution est internationale. Nous commencerons simultanément dans la Péninsule Ibérique et en Russie, et un jour la révolution s’étendra à travers toute l’Europe »
Propos rapportés par M. John Haffert, en page 42 de son livre très intéressant: « Encontro de testemunhas », Edition portugaise de l’Armée Bleue, Fatima, Portugal, année 1961, 155 pages.
L’année choisie pour les révolutions simultanées à l’est et à l’ouest de l’Europe fut 1910. Et de fait, c’est bien cette année-là que triompha la révolution au Portugal, par la chute de la monarchie multiséculaire et l’instauration de la république voulue par tous les révolutionnaires du pays. Mais en Russie, la situation n’était pas mûre, et les révolutionnaires durent y attendre sept ans pour pleinement triompher, en 1917.
C’est précisément cette année-là que la divine Providence choisit d’intervenir directement dans la marche du monde, en envoyant la très Sainte Vierge Marie sur la terre, pour apparaître à trois pauvres enfants et leur délivrer un message qui serait le puissant antidote de toutes ces menées révolutionnaires.
En effet, ce sont bien les apparitions de la Reine du Ciel à Fatima, que Dieu décida de marquer d’un sceau divin aussi éblouissant qu’incontestable (le grand miracle du soleil du 13 octobre 1917, devant une foule de 70 000 à 100 000 personnes), qui permirent l’échec de la révolution au Portugal. De 1910 à 1921, le pays s’enfonça dans une terrible décadence , les groupes révolutionnaires les plus radicaux éliminant progressivement les éléments les plus modérés. Ce fut une véritable atmosphère de « terrorisme absolu » qui régna ces années-là. (…) Pourtant, en quelques années, grâce aux apparitions de Fatima et au miracle du soleil, un très profond changement moral s’opéra à travers tout le pays, soutenu par l’immense élan de tout un peuple vers Fatima qui devint rapidement le véritable centre spirituel du pays, drainant des foules impressionnantes de pèlerins. La conversion du pays s’opérait, et eut des conséquences politiques en 1926 : le 28 mai, un Coup d’Etat militaire, mené par le Général Carmona, triomphait sans aucune effusion de sang, tant la population était lasse de la déroute totale où quinze années de régime républicain et révolutionnaire avaient conduit le pays. Était ainsi scellée, à l’ouest du continent, la défaite du complot marxiste.
Mais à Fatima, Notre Dame ne s’est pas contentée de mettre en échec l’une des deux mâchoires de la tenaille révolutionnaire qui menaçait l’Europe ; elle a aussi énoncé, le 13 juillet 1917, le grand moyen surnaturel qui devait mettre en déroute l’autre mâchoire de cette tenaille : « la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé, et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix ». Malheureusement, ces deux demandes n’ont pas été écoutées par les autorités de l’Eglise, et, alors que l’ensemble des événements surnaturels de Fatima contenait tout ce qui pouvait conduire à un triomphe total de la foi catholique sur l’athéisme marxiste, la désobéissance aux demandes de Notre Dame concernant la Russie n’a conduit qu’à une demi victoire, bien symbolisée par la division du continent européen en deux blocs après la Seconde Guerre mondiale, la moitié de l’Europe (celle de l’Est, celle qui était du côté de la mâchoire de la tenaille qui n’avait pas été terrassée par Fatima) passant alors pour plusieurs décennies sous la domination du communisme athée. »
– La Russie apparaît, dans la deuxième partie du secret du 13 juillet 1917, comme le fléau de Dieu sur le monde. Notre Dame avertit gravement que, si l’on n’écoute pas ses demandes, la justice de Dieu se servira de ce pays pour « punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Eglise et le Saint-Père ». Un moyen essentiellement surnaturel est donc donné par la Providence pour arrêter ce fléau : la consécration de ce pays au Cœur Immaculé de la Mère de Dieu, acte qui entraînera sa complète conversion.
– A cela Sœur Lucie semble ajouter une troisième raison, apologétique celle-là, qui regarde l’immensité du territoire de la Russie, pays ayant la plus grande superficie au monde. Elle déclara en effet à Mgr Hnilica et à don Bianchi, le 14 mai 1982 au Carmel de Fatima : « La Russie est un immense territoire, bien circonscrit, et sa conversion se remarquera, apportant ainsi la preuve de ce qu’on peut obtenir par la consécration au Cœur Immaculé de Marie » [6].
3° L’acte de réparation et de consécration doit-il être fait au Cœur Immaculé de Marie seul, ou bien aux saints Cœurs de Jésus et de Marie ?
Les demandes directes de Notre Dame, tant le 13 juillet 1917 à la Cova da Iria que le 13 juin 1929 à Tuy, évoquent une consécration de la Russie au seul Cœur Immaculé de Marie.
La difficulté vient de deux lettres de Sœur Lucie au Père Gonçalves, son confesseur, en mai et juin 1930. La voyante y transmet le message de Tuy du 13 juin 1929 en parlant d’un « acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie aux très saints Cœurs de Jésus et de Marie ».
La solution à cette difficulté semble nous être fournie par un autre message du Ciel, reçue par Sœur Lucie au printemps 1936, et révélé au Père Gonçalves, son confesseur, dans une lettre du 18 mai 1936 :
(…) D’une manière intime, j’ai parlé à Notre-Seigneur de ce sujet et, il y a peu de temps, je lui demandais pourquoi il ne convertirait pas la Russie sans que Sa Sainteté fasse cette consécration : « Parce que [dit Notre-Seigneur] je veux que toute mon Eglise reconnaisse cette consécration comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie, afin d’étendre ensuite son culte et placer, à côté de la dévotion à mon Divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé ».
Frère François de Marie des Anges, op. cit., p : 220.
Ces paroles de Notre-Seigneur nous donnent les lumières nécessaires pour répondre de manière adéquate à la question posée :
1°) Notre-Seigneur semble considérer comme établie dans le monde la dévotion à son Sacré Cœur, et ses paroles indiquent implicitement que l’établissement de cette dévotion s’est effectuée grâce à une consécration déjà faite, qui ne peut être que la consécration du genre humain au Sacré Cœur, faite par le Pape Léon XIII le 11 juin 1899 ;
2°) Pour établir la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, le Ciel vient demander une nouvelle consécration, non plus du genre humain mais, pour des raisons bien précises et aussi très graves, d’un seul pays, la Russie, à ce Cœur Immaculé. Cette consécration devra être faite par l’autorité suprême de l’Eglise : le Saint-Père.
3°) Une fois cette consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie effectuée, les deux dévotions aux saints Cœurs de Jésus et Marie, complémentaires, seront établies côte à côte dans le monde et dans l’Eglise, y apportant de grands bienfaits.
Sœur Lucie avait sans doute une intelligence très vive de tout cela, et c’est pourquoi elle transmet le message de Tuy en parlant d’une consécration « aux très saints Cœur de Jésus et Marie ». Frère François de Marie des Anges fait d’ailleurs ce commentaire à propos de cette transmission du message de Tuy par la voyante : « En rapportant la demande divine de consécration de la Russie, Sœur Lucie parle tantôt d’une » consécration de la Russie aux très saints Cœurs de Jésus et de Marie », tantôt d’une simple consécration « au Cœur Immaculé de Marie », qui nécessairement s’adresse en même temps au Cœur Sacré de Jésus. Tant il est vrai que « … venir au Cœur de Marie, c’est venir à Jésus ; honorer le Cœur de Marie, c’est honorer Jésus, invoquer le Cœur de Marie, c’est invoquer Jésus… » [7] ; cf saint Louis-Marie Grignion de Montfort, » Traité de la vraie dévotion », n° 148. »
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