Article rédigé par France Catholique, le 13 mai 2019
Source [France Catholique] Enfin, Asia Bibi a réussi à quitter le territoire pakistanais mais à quel prix. Les précisions de la rédactrice en chef de Cnews.
Accusée de blasphème, condamnée et mort et innocentée, Asia Bibi a trouvé asile au Canada au terme d’éprouvants rebondissements. Secrétaire générale du Comité International Asia Bibi, la journaliste Anne-Isabelle Tollet revient sur l’événement et sur les perspectives qui s’offrent à la Pakistanaise.
L’annonce de l’arrivée d’Asia Bibi sur le sol canadien a-t-elle été une surprise pour vous ?
À vrai dire, j’étais pleine d’espoir depuis que le Premier ministre pakistanais Imran Khan avait annoncé dans une interview récente accordée à la BBC que plus rien ne s’opposait à son transfert et que celui-ci interviendrait bientôt. Je savais qu’il tiendrait parole à une réserve près : au Pakistan, l’adverbe « bientôt » peut signifier aussi bien quelques jours que quelques années !
Imran Khan ne s’était pourtant pas opposé aux fondamentalistes lorsqu’ils avaient déposé en novembre dernier un recours après la reconnaissance de l’innocence d’Asia Bibi par les juges pakistanais…
Je suis convaincue qu’Imran Kahn cherche très sincèrement à promouvoir la justice, la démocratie et l’ouverture au Pakistan, mais il devait faire en sorte que son pays ne sombre pas dans le chaos, ce dont menaçaient les islamistes. Je crois donc qu’il a fait preuve d’une grande habileté. Mais en définitive, il n’a pas cédé. Ce dernier épisode, au-delà du cas d’Asia Bibi, va créer une forme de jurisprudence. La justice a montré qu’elle pouvait aller à l’encontre de la foule, ce qui va atténuer la terreur que suscite la loi anti-blasphème au sein de la population, musulmane ou non.
L’annonce de l’arrivée d’Asia Bibi au Canada n’a pas suscité les émeutes que l’on pouvait redouter. Pourquoi ?
Le fait, précisément, qu’Imran Khan ait accepté le recours des islamistes, leur a montré qu’il était disposé à demeurer à leur écoute. Il ne faut pas oublier qu’il a été en partie élu grâce à leurs suffrages. Cette attitude a sans doute permis de calmer la situation. Par ailleurs, de manière plus circonstancielle, l’attention de l’opinion a été mobilisée par l’attentat-suicide commis à Lahore le 8 mai, au deuxième jour du ramadan, et qui a fait au moins de dix morts. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’existence ou non d’un lien entre le départ d’Asia Bibi et cet attentat qui peut sonner comme un avertissement adressé au pouvoir.
Il convient donc de demeurer prudent ?
Les islamistes pakistanais n’oublient jamais rien. Ils ne lâchent rien. Et les plus radicaux d’entre eux ne renonceront jamais à la vengeance. Au cours des mois à venir, il n’est donc pas exclu de voir les chrétiens du pays subir des attaques ciblées. Quant à Asia Bibi, certes, elle est désormais protégée au Pakistan mais elle ne pourra sans doute jamais être totalement sereine : les fatwas se moquent des frontières…
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