Article rédigé par Catherine Rouvier, le 22 février 2018
source [Boulevard Voltaire] Apparu dès la création de l’Université de Paris au XIIIe siècle, le baccalauréat disparaîtra donc après huit siècles de bons et loyaux services.
La « terminale », c’était l’eldorado du cancre, la terre promise du rebelle qui, de redoublement en exclusions, désespérait d’aborder enfin ses rives. Terminale, tout le monde descend !
Notre ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer propose, à la place, « Maturité ».
Par-delà le mot qu’on peut trouver triste (le fruit mûr ne tombe-t-il pas ensuite ?), c’est la philosophie du baccalauréat qui se trouve remise en question.
La numérotation des classes, en France, est décroissante. De la douzième à la première, le compte à rebours amène l’élève à monter du Pirée à l’Acropole dans le marathon scolaire.
Apres la « première », conçue comme la fin des études secondaires et marquée par une épreuve spécifique devenue le « bac français » en 1969, l’apothéose est la classe de « philo », jadis appelée classe de rhétorique.
La rhétorique, inventée par l’avocat Corax en Sicile au début du VIe siècle avant J.-C., c’est l’art de convaincre. Dans cette ultime classe, une fois les connaissances réunies, il fallait donc apprendre à les organiser.
La philosophie, elle, assure une initiation à la conceptualisation, à la synthèse. Toutes deux ont été conçues comme une aide à l’accès à l’université. Symbole de ce lien entre la terminale, le bac et l’université : dans le jury du bac, c’est un professeur d’université qui doit présider le jury qui, sans cela, ne peut valablement délibérer.
Or, la réforme sort de cette logique. Ni la suppression des filières établies par Napoléon, dès 1808, en référence à la division des matières en cours à l’université, ni l’introduction de matières comme la culture générale ne vont dans le sens d’une préparation convenable à l’enseignement supérieur.
Le général de Gaulle était favorable à la « culture », ce pourquoi il fit de Malraux un ministre de la Culture qui, par les « maisons de la Culture », la diffusa sur tout le territoire. Mais il ne pensa pas à l’introduire en préparation d’un bac que ce dernier, du reste, n’avait jamais obtenu. Il avait raison. Il n’y a, en effet, rien de plus difficile à noter qu’une épreuve de « culture générale », sauf à établir des standards, à l’aide des questions types sanctionnées par un QCM, avec le risque d’appauvrissement et d’uniformisation de la pensée que cela implique.
En revanche, « grand oral », également prévu par la réforme, ne rappelle-t-il pas l’ambition rhétorique des temps passés ? Oui, mais la rhétorique à ce niveau précoce était destinée plus à l’analyse de discours savant que dispense l’université qu’à la prise de parole. Et l’enseigner est une chose, en faire un procédé de sélection, par nature très aléatoire, en est une autre.
De plus, si la terminale s’appelle classe de maturité, le bac lui-même s’appellera maturité. Fini, le beau mot de baccalauréat. La couronne de lauriers, d’où vient le mot « lauréat », n’a plus bonne presse. Apparu des la création de l’université de Paris au XIIIe siècle, le baccalauréat disparaîtra donc après huit siècles de bons et loyaux services.
Il reste, cependant, un espoir de le sauver.
La volonté de l’Union européenne, depuis la réforme dite « LMD » – Licence, Master, Doctorat – qui a chamboulé nos cursus français, est de se calquer sur les standards américains.
Or, dans la trilogie américaine, la licence en trois ans s’intitule… « bachelor ». Défenseur du baccalauréat prévenez-en le ministre.
La tradition française, un peu d’américanisme nous en éloigne, beaucoup nous y ramène !