Article rédigé par Pierre Selas, le 16 mars 2017
[Source : Info Catho]
Un témoin est venu confirmer que le récit du P. Ingo Dollinger à propos d’une confidence que lui avait faite le cardinal Ratzinger sur la publication incomplète du troisième secret de Fatima, récit qui n’a pas varié depuis l’an 2000.
On se souviendra qu’en mai 2016, le site américain OnePeterFive publiait, sous la plume de la journaliste germanophone Maike Hickson, un témoignage des plus troublants. Elle avait pu s’entretenir avec le P. Dollinger, prêtre avec une réputation de grand sérieux, avant sa retraite de professeur de théologie morale et recteur de l’Institutum Sapientiae au Brésil, et ami de longue date du cardinal Ratzinger avant son élection au pontificat. Il avait été par ailleurs jadis proche collaborateur du saint Padre Pio.
Ce prêtre affirmait que le cardinal Ratzinger, peu de temps après la publication du troisième secret de Fatima le 26 juin, lui avait avoué qu’une partie du secret n’avait pas encore été rendue publique. Devant le tollé qui s’ensuivit, il y eut un une réaction du Vatican : une conférence de presse au cours de laquelle un communiqué fut présenté comme un démenti du témoignage du P. Dollinger, émanant de du pape émérite lui-même.
“OnePeterFive” publie un nouveau témoignage sur le 3e secret de Fatima, « incomplet »
Steve Skojec, rédacteur en chef de OnePeterFive, commenta ce communiqué en relevant que non seulement, c’était la première fois depuis la démission du pape Benoît XVI qu’un communiqué de sa part était diffusé – preuve que l’affaire était tenue pour importante – mais qu’en outre, loin d’être signé de lui, le texte non signé présentait des membres de phrases cités entre guillemets qui lui étaient attribués.
Le journaliste soulignait que le communiqué accusait en substance Maike Hickson, et donc le vieil ami de Benoît XVI, de « tromperie volontaire ». Skojec tint à souligner d’ailleurs le sérieux et le professionnalisme de Maike Hickson dont il se portait garant pour ses qualités de journaliste et de catholique. Et il précisait que le matin même, elle avait rappelé le P. Dollinger en lui faisant part du communiqué du Vatican : celui-ci lui confirma « avec emphase » ses remarques précédentes. Il n’y avait certainement pas d’« invention » de la part de la journaliste à cet égard, d’autant que le récit du prêtre confirmait ce qui avait été publié en mai 2009 pour la première fois par écrit dans Fatima Crusader du P. Paul Kramer.
Mais il fit parvenir à Maike Hickson, par le biais d’un courriel signé de son secrétaire personnel, cette remarque : « Si Rome a démenti, alors nous devons garder le silence, et ne pas nous défendre ».
Les questions soulevées conduisirent OnePeterFive à enquêter sur le P. Dollinger, puis à publier un bref récit de sa vie, dont la rectitude ne fait pas de doute.
Un nouveau témoignage confirme le récit invariable du P. Ingo Dollinger
Aujourd’hui, une nouvelle source vient confirmer que le témoignage du P. Dollinger n’a jamais varié. Le responsable du site catholique allemand Katholisches.info, Giuseppe Nardi, vient de trouver et de s’entretenir avec un proche ami du P. Dollinger : Gottfried Kiniger, chapelier vivant dans le petit village de Sillian dans le Tyrol oriental en Autriche.
Aujourd’hui âgé de près de 90 ans, Kiniger a été tout au long de sa vie un militant politique et catholique actif, soutenant la cause monarchiste ainsi que le mouvement pan-européen d’Otto de Habsbourg. Il avait fait la connaissance du P. Dollinger au cours des années 1990 à Salzbourg ; depuis lors, ils avaient pour habitude de se voir deux fois par an et ce n’est que ces derniers temps que l’âge les a empêchés de se voir en personne. Ils se rencontraient à Wigratzbad en Allemagne où vit le P. Dollinger depuis sa retraite en 2004 – et où se trouve également le séminaire de la Fraternité Saint-Pierre.
Nardi a rencontré Gottfried Kiniger pour la première fois le 21 décembre 2016. C’est vraiment par hasard qu’il évoqua l’histoire du témoignage récusé du P. Dollinger. Kiniger, qui n’utilise pas Internet, n’en avait pas connaissance.
Nardi raconte : « En apprenant le démenti publié par Rome, Kiniger a été très perturbé. Il ne pouvait imaginer que Benoît XVI pût avoir fait une telle déclaration, car ce qu’avait rapporté Hickson correspondait à ce que Dollinger lui avait déjà dit en 2000. Pour cette raison, il y eut une seconde conversation où la description faite par Kiniger a été enregistrée ».
Gottfried Kiniger… et des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre
Cette conversation eut lieu le 17 janvier dernier, et Kiniger a volontiers accepté qu’elle soit rendue publique. Voici la traduction de la conversation telle qu’elle a été retranscrite par Nardi, ou plus exactement les paroles de Kiniger :
« Je ne me rappelle pas la date exacte, mais nous étions encore en l’an 2000, j’en suis sûr. Je me rappelle encore la conférence de presse [à propos de la publication du troisième secret de Fatima] à Rome, car elle a été montrée à la télévision. A l’automne, j’ai de nouveau rendu visite, comme d’habitude, à Dollinger avec qui je partage une amitié de plusieurs années. À cette occasion, il m’a raconté qu’il avait rencontré le cardinal Ratzinger – alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi – après cette conférence de presse [de juin 2000]. Il a même concélébré avec lui à ce moment-là ; c’est quelque chose qu’habituellement Dollinger ne fait pas, mais Ratzinger l’avait invité à le faire. Après la célébration [du saint sacrifice de la messe] Dollinger a parlé avec le cardinal et a soulevé la question de Fatima et du troisième secret. Ratzinger lui dit : “Ce que nous avons publié n’est pas la totalité du secret.” [“Was wir veröffentlicht haben, ist nicht das ganze Geheimnis.”] Dans la sacristie, étaient également présents d’autres prêtres – certains de haut rang – auquel le cardinal devait se consacrer par intermittence. Mais il revint vite vers Dollinger et lui dit : “C’est ainsi qu’on nous l’a ordonné.” [“Es ist uns so aufgetragen worden.”] Cette même phrase, Dollinger la répétée une deuxième fois : “C’est ainsi qu’on nous l’a ordonné.” Lui [Dollinger] a interprété ces paroles en ce sens : que Jean-Paul II le voulait et l’avait ordonné ainsi. Lors de cette rencontre, où Dollinger m’a dit toutes ces choses, d’autres personnes étaient également présentes, parmi lesquels ceux qui m’accompagnaient.
« Au cours des années qui suivirent, Dollinger m’a parlé de cet épisode encore et encore, plusieurs fois lors de nos rencontres. La plupart du temps, d’autres personnes étaient présentes. Ce n’était pas un secret, il n’y avait rien qu’il gardait secret. C’est ce que le cardinal lui a dit, c’est ce qu’il a transmis à d’autres. Parfois, il y avait des prêtres et des séminaristes à table avec nous, venant du séminaire de la fraternité Saint-Pierre à Wigratzbad. Je ne sais pas leurs noms. Dans tous les cas, de nombreuses personnes ont entendu cette histoire au cours des ans. Personnellement, je peux rendre témoignage de cette histoire depuis l’automne 2000, date à laquelle Dollinger m’a raconté la première fois. Il n’y a aucun doute en ce qui me concerne, par rapport au fait que le Pr Dollinger, en qui j’ai entière confiance, a rapporté l’histoire d’une manière véridique. Quelle raison aurait-il pu avoir d’inventer une telle conversation avec un tel contenu – et si vite après la conférence de presse de l’époque – et de la raconter librement et ouvertement à quiconque voulait l’entendre ? Que Benoît puisse la démentir soudain, après 16 ans, c’est difficile pour moi de l’imaginer. Cela ne me paraît pas très plausible. Je ne sais pas pourquoi Rome fait cela. Je n’ai pas d’explication. Il semblerait que quelqu’un veuille mettre un couvercle sur Fatima et fermer le dossier. Mais cela ne marche pas. Mais je ne sais pas pourquoi Rome a agi ainsi ».
Le récit de la rencontre du P. Dollinger avec le cardinal Ratzinger
Dans le récit de la vie du P. Dollinger que fait OnePeterFive d’après des conversations avec son secrétaire, on apprend que c’est lui qui avait, après cette messe célébrée avec le cardinal Ratzinger, interpellé son ami en lui disant que ce qui avait été publié ce jour-là ne pouvait constituer la totalité du secret. « Il savait que le cardinal Ratzinger ne mentirait pas parce qu’il était si pur. A la fin, le cardinal Ratzinger avoua : “Oui, il y a encore autre chose” et il quitta très vite la sacristie – vraiment très vite – comme s’il s’était rendu compte qu’il en avait déjà dit trop. Aussitôt revenu en Allemagne, le Dr Dollinger raconta immédiatement toute l’histoire à son secrétaire qui se souvient en détail de toute l’histoire ».
Le récit précise que le P. Dollinger continue d’honorer Benoît XVI, « disant qu’il était et est encore un homme de l’Eglise ». « Il a fait ce qu’il pouvait pour mette en œuvre ce qui pouvait l’être. Il semble au Dr Dollinger que Benoît a finalement échoué en raison des intrigues et du manque de caractère de nombreux Princes de l’Eglise, et donc il a fini par abdiquer », poursuit le récit de la vie de Dollinger par Maike Hickson.
Voilà qui pose beaucoup de questions. D’autres témoins existent. Qu’en pensent-ils ?
Jeanne Smith