Article rédigé par Bruno de Seguin Pazzis, le 09 mars 2017
1945, dans une petite ville française sous l’occupation allemande. L’arrivée d’un nouveau prêtre suscite l’intérêt de toutes les femmes dont les maris sont à la guerre ou morts à la guerre... Barny, jeune femme communiste, athée et dont le mari est prisonnier, ne saurait cependant être plus indifférente. Poussée par la curiosité, la jeune sceptique se rend à l’église dans le but de défier cet abbé : Léon Morin. Habituellement si sûre d’elle, Barny va pourtant être déstabilisée par ce jeune prêtre, aussi séduisant qu’intelligent. Intriguée, elle se prend au jeu de leurs échanges, au point de remettre en question ses certitudes les plus profondes. Barny ne succomberait-elle pas au charme du jeune prêtre ? Avec : Romain Duris (L’abbé Léon Morin), Marine Vacth (Barny), Anne Le Ny (Christine Sangredin), Solène Rigot (Marion Lamiral), Amandine Dewasmes (Daniele Fouchet), Lucie Debay (Sabine), Charlie Lefebvre (France), Lucas Tavernier (capitaine Lommel), Marie-Jeanne Maldague (Barny vieille). Scénario : Nicolas Boukhrief, d'après le roman de Béatrix Beck. Directeur de la photographie : Manuel Dacosse. Musique : Nicolas Errèra.
Récompense : Prix d’interprétation féminine pour Marine Vacht au Festival de Sarlat (2016)
Une adaptation libre et non un « remake »…
En 1952, Beatrix Beck, dernière secrétaire d’André Gide obtient le prix Goncourt pour son roman « Léon Morin, prêtre ». En 1961, Jean-Pierre Melville adapte le roman au cinéma avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle de l’abbé Léon Morin et Emmanuelle Riva dans celui de Barny, la jeune veuve communiste. Pour être exhaustif, il convient aussi de mentionner le téléfilm réalisé par Pierre Boutron en 1991. Il faut reconnaître que Nicolas Boukhrief ne manque pas d’audace en choisissant d’adapter, à son tour et derrière le grand Jean-Pierre Melville, ce célèbre roman. Nicolas Boukhrief se défend de réaliser un « remake » du film de 1961. Et pour cause, puisque la production n’a pas acquis les droits correspondants ! Il déclare donc, et c’est ce à quoi il s’est astreint, réaliser une adaptation libre du roman de Béatrix Beck. Ainsi, construit-il son film en un retour en arrière inexistant dans le roman comme dans l’adaptation cinématographique de Jean-Pierre Melville: en 2016, Barny est une femme âgée sur son lit de mort. Elle confie à un jeune prêtre qui se rend à son chevet, le secret de sa vie, sa rencontre lorsqu’elle était jeune avec un prêtre, l’abbé Léon Morin, rencontre qui a bouleversé sa vie. Ainsi, après un long retour en arrière qui constitue le cœur du film et l’adaptation du roman lui-même, le spectateur revient dans la chambre de Barny mourante et assiste à son dernier soupir en présence du jeune prêtre…D’autres points sont adroitement, et sans doute en partie pour les mêmes raisons de droits, modifiés : Barny est une jeune veuve dans le roman et dans le film de Jean-Pierre Melville. Dans La confession, son mari est prisonnier. Ce n’est pas neutre, car cela confère un degré supérieur de gravité à l’attitude de Barny. Mais dans l’ensemble, ces modifications resteraient mineures et sans conséquences sur le fond du film, si ce n’était que cette scène qui encadre le retour en arrière frise le ridicule. D’abord avec ce jeune prêtre en costume de ville qui semble sortir tout droit du séminaire et qui est bien inquiet, pour ne pas dire affolé, à l’idée d’assister pour la première fois une mourante…ensuite parce que dans sa seconde partie, c’est à dire à la toute fin du film, cette scène apporte la touche sentimentaliste de trop.
Entre rigueur réthorique et sentimentalisme
De la même façon, Nicolas Boukhrief parsème le scénario de diversions dans le but évident d’animer son récit, de détendre et distraire le spectateur de la joute qui oppose ces deux personnalités et qui pourrait devenir trop austère pour le public du 21ème siècle, mais tous ces ajouts n’apportent rien au fond et colorient le film d’un sentimentalisme et d’une dose de politiquement correct en profond décalage avec l’œuvre de Béatrix Beck. La question qui se pose est finalement toute simple ; elle consiste à savoir quel est l’apport de cette nouvelle adaptation par rapport au film de Jean-Pierre Melville. Force est de constater qu’il est quasiment nul. Jean-Pierre Melville avait en 1961 adapté fidèlement le roman et restitué avec une grande justesse la confrontation entre d’un côté l’esprit rebelle et agnostique de la jeune femme et de l’autre la foi indéfectible et les certitudes spirituelles de l’abbé Léon Morin. Il réussissait à faire passer à l’écran non seulement l’émotion et la beauté mais aussi le surnaturel avec une mise en scène d’une intelligence remarquable, délicate et attentive aux détails les plus minimes et instillant de légères et adroites ellipses. Dans un style quasiment « rohmerien », la grâce affleure à l’écran, cette grâce qui nécessite d’être apte au sacrifice. L’ensemble étant de surcroît remarquablement servi par l’interprétation nerveuse de Jean-Paul Belmondo et celle toute en nuance d’Emmanuelle Riva. Dans La confession, rien de tout ceci. Nicolas Boukhrief livre un film propre, mis en scène avec élégance et doté d’une reconstitution historique soignée. Un film qui se laisse voir agréablement mais toujours en léger retrait par rapport à la force du sujet, évitant de pousser trop loin la rhétorique et préférant donner plus d’importance à l’autre aspect du sujet, l’attirance amoureuse qu’éprouve le personnage de Barny, allant ainsi jusqu’à concevoir une séquence onirique d’un goût douteux. Dieu merci, dans le douteux, on n’atteint pas ici les excès vus il y a peu dans La mante religieuse (2014) de Natalie Saracco. A ceci s’ajoute une interprétation qui, si elle est d’un bon niveau (plus d’ailleurs en ce qui concerne Romain Duris que Marine Vacht), n’arrive pas, loin s’en faut, à celui atteint par leurs prédécesseurs. Il reste avec ce scénario bien tricoté et agréablement mis en image une belle figure de prêtre qui croit en la nécessité et en l’utilité de son célibat, qui tient bon et qui écrase par son charisme son pâle héritier post conciliaire présent dans les séquences inaugurales et finales. Ce n’est pas rien en ces temps où on nous rebat les oreilles avec le mariage des prêtres ! Il faut d’ailleurs reconnaître que la religion catholique et l’Eglise ne sont jamais présentées négativement ou stupidement, ce qui est aussi d’une grande rareté aujourd’hui. Après cette note positive, il faut admettre et conclure que, comparée à l’œuvre littéraire originale et à l’adaptation cinématographique majeure de Jean-Pierre Melville, La confession se résume à une rhétorique cinématographique soignée mais plutôt vaine.
Bruno de Seguins Pazzis