Article rédigé par Roland Hureaux, le 01 mars 2017
Il y avait quelque chose de pathétique dans la lettre adressée par Mgr Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France à François Hollande, président de la République, le 28 novembre, pour lui demander de ne pas laisser arriver à son terme (sic) la proposition de loi «relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse » destinée à sanctionner les sites ou réseaux d'écoute des femmes envisageant un avortement ou voulant se confier à quelqu'un après y avoir eu recours.
Hélas, la loi a été définitivement votée le 14 février dernier. La démarche du président de la CEF est restée sans effet.
Nous ne reviendrons pas sur le caractère abject de cette loi au terme de laquelle seront passibles de poursuite pénales ceux qui tentent de dissuader un avortement, alors même que se trouvent, de fait, à l'abri de telles poursuites ceux qui y poussent. Quand on sait que, dans la grande majorité, les femmes avortent sous la pression de leur entourage (y compris les employeurs) et cherchent souvent de manière désespérée quelqu'un qui leur donne des arguments pour lui résister, on mesure ce que cette loi a d'inhumain et de dégradant pour la condition féminine réelle.
S'il était juste de s'inquiéter, comme l'a fait l'archevêque, du danger que représente une telle loi pour la liberté d'expression et donc pour la démocratie, il aurait fallu aller plus loin et dire que ce n'est pas seulement la liberté qui est en cause mais la vérité : toute affirmation relative aux risques physiques ou psychologiques de l'avortement, bien réels quoi qu'on dise, sera tenue pour une pression à caractère délictueux, assortie de sanctions très lourdes. Orwell n'est pas loin.
Une démarche exceptionnelle
La procédure utilisée par Mgr Pontier : une lettre directe adressée au président de la République est exceptionnelle. Non seulement elle n’a, semble-t-il, reçu aucune réponse mais la proposition, appuyée par le gouvernement, a inexorablement suivi son cours.
C'est en cela que la démarche de Mgr Pontier est pathétique. En recourant à cette procédure inhabituelle, il montre qu'il a été gravement heurté par ce projet de loi, qui se situe pourtant dans la continuité stricte de tout ce qu'a fait le gouvernement socialiste depuis cinq ans.
Mais cette fois la coupe était pleine. L'absurdité de cette loi met en plein jour la perversité de la logique que suit la majorité socialiste.
En ce sens, la démarche de Mgr Pontier est celle d'un brave homme qui s'aperçoit soudain qu'il a été trompé.
Si on regarde les prises de positions du président de la Conférence épiscopale au cours des dernières années : favorable à l'Europe de Bruxelles (et en même temps pour le peuple grec, ce qui ne lui parait pas contradictoire), compatissant envers les chrétiens d'Orient mais pas contre la politique européenne de sanctions qui plonge la Syrie dans la misère ni contre l'action de l'OTAN , bras armé de l'Europe, qui soutient les djihadistes qui massacrent les chrétiens - et d'autres[1], pour l'accueil des réfugiés qui fuient ces massacres sans en dénoncer les causes , réservé à l'égard de la Manif pour tous, hostile au "populisme" (entendons Front national), ces positions ne sont pas tout à fait incompatibles avec celles du parti socialiste au pouvoir. A condition de considérer la loi Taubira comme un égarement passager, voire une forme de charité dévoyée à l'égard des homosexuels qui sont après tout "des hommes comme les autres", ces prises de position auraient pu déboucher sur un appel à voter pour la gauche au second tour de la présidentielle surtout si elle se trouve face au Front national. La déclaration épiscopale « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » du 28 octobre (saluée sur cinq colonnes à la une par Le Monde et Libération généralement moins bien disposés vis-à-vis de l'Église catholique), visait sans doute à préparer les esprits à cela.
Ces positions ne sont pas propres au président de la Conférence : c'est tout le noyau décisionnel de l'Église de France : bureaux pléthoriques de la CEF, principaux organes de presse : La Croix, La Vie (désormais liée au groupe Le Monde de Pierre Berger ), les Bernardins, multiples associations dont le Secours catholique, qui penche généralement vers ce centre gauche plein de bons sentiments très hostile au populisme, politiquement correct, méfiant de la droite (qui se souvient que les évêques de France avaient refusé de déjeuner avec Jacques Chirac ?) et qui pense que le Front national est l'ennemi public. Cette position est en rupture avec celle de la majorité de ce qui reste de catholiques pratiquants (et même des jeunes prêtres), de plus en plus à droite en moyenne non parce qu'ils auraient évolué mais du fait que, quand ils n'occupent pas une position d'appareil, et même quand ils en occupent une, ceux de gauche cessent pour la plupart de pratiquer.
Partant de ce point de vue, Mgr Pontier a sûrement espéré fléchir le président de la République qui, sans doute, à ses yeux, demeurait un honnête homme.
Mais il n'en a rien été : cette lettre, malgré son caractère solennel et exceptionnel a été visiblement traitée par-dessus la jambe. Elle est ainsi doublement pathétique par les illusions qui l'ont inspirée, par le mépris qu’elle a rencontré.
On se plait dès lors à espérer que l'archevêque aura compris que la gauche à laquelle il avait à faire n'avait plus rien à voir avec l'esprit social qui animait jadis un Jaurès, un Blum, un Mollet, mais qu'elle est devenue une machine de mort au service d'une idéologie post-nationale et transhumaniste fondamentalement antichrétienne. Machine qui a par exemple transformé au fil des ans la loi Veil fondée sur une tolérance circonscrite à l'avortement "en situation de détresse", destinée à en limiter le nombre, en un système tendant au contraire à l'encourager, qui prive d'allocations familiales les familles françaises les plus fécondes, notamment catholiques, qui détruit la transmission de la culture française à l'Éducation nationale. Machine de mort dont certains de ses membres, pas seulement Vincent Peillon, ne cachent pas leur ambition d'araser l'héritage chrétien de la France quitte à encourager l'islam, une position point trop différente de celle des instances de Bruxelles dont le secret dessein est aussi de détruire les racines chrétiennes de l'Europe.
C'est pourquoi il vaut peut-être mieux que la Conférence des évêques de France cesse de se mêler de politique. Mgr Barbarin, cardinal-archevêque de Lyon a vu juste, prenant peut-être de court ses collègues, en appelant les catholiques à voter lors des prochaines échéances "en suivant leur conscience". Dans l'état actuel de notre pays, il n'y a sans doute rien d'autre à dire.
[1] Particulièrement discutable, à cet égard, nous parait la déclaration du 15 décembre intitulée "Alep : qui dira qu’il ne savait pas ?". Elle est à l'unisson de la campagne internationale de propagande internationale organisée par l'OTAN pour ralentir la reconquête des quartiers de la ville tenus par les djihadistes ( encadrés par des officiers de l'OTAN ). La CEF semble ignorer que les chrétiens de cette ville et bien d'autres (dont les quartiers sont bombardés depuis des années par les djihadistes sans que cela suscite tant d'émotion) attendaient tous la fin de cette opération comme une libération. Visiblement les bureaux de la CEF sont plus en en phase avec le New York Times qu’avec les chrétiens du terrain.