Article rédigé par Roland Hureaux, le 09 juin 2016
[Source: Liberté Politique]
Dans le flot de rhétorique convenue qui accompagne le centenaire de la bataille de Verdun, toute orientée vers la dénonciation de la "boucherie" et de l'inutilité du sacrifice tant des Allemands que des Français ( dans cet ordre sur la plaque apposée par Merkel et Hollande à Verdun ! ) , on en oublierait que Verdun fut d'abord une bataille, la plus grande de l'histoire avec Stalingrad, et que ce fut une victoire française.
Plus importante que Stalingrad par le nombre d'hommes engagés : 2 400 000 pour 1 500 000, elle fut , si on ose dire , un peu moins meurtrière : 163 000 Français et 143 000 allemands, soit au total 306 000 morts ( mais autant de blessés, souvent handicapés à vie) contre 1 million à Stalingrad ( 750 000 soldats et 250 000 civils, 450 000 soldats russes, 300 000 soldats allemands, sans compter les prisonniers dont la plupart ne sont pas revenus) .
Ne pas oublier la bataille de la Somme
Les Français s'honoreraient en faisant davantage mémoire d'une autre très grande bataille, concomitante de celle de Verdun: la bataille de la Somme (1916) où les pertes totales furent encore plus lourdes : 442 000 morts, bataille où les Anglais furent particulièrement à la peine ( parmi les morts, 205 000 Britanniques, 170 000 Allemands, 67 000 Français) . La mémoire de cette bataille, très vive en Grande-Bretagne est obscurcie chez nous par celle de Verdun, ce qui est dommage. Les deux batailles furent symétriques : sur la Somme, les Français et les Anglais espéreraient faire une percée et n'y parvinrent pas. A Verdun , les Allemands espéraient désorganiser le dispositif français en prenant la ville et ils y échouèrent. Mais au total l'échec allemand fut plus important à Verdun que celui des Alliés sur la Somme.
On peut certes, par courtoisie pour nos partenaires européens qui d'ailleurs n'en demandent peut-être pas tant, mettre en sourdine la dimension victorieuse de Verdun pour n'en retenir que le caractère sanglant. Mais quand il est question de la bataille de France de juin 1940, personne se prive , en France ou ailleurs , de rappeler que ce fut un désastre français. Or cette bataille d'un mois fut particulièrement meurtrière pour les Français : 59 000 soldats morts, 80 000 avec les alliés en un mois seulement, 63 000 du côté allemand ( un degré d' intensité jamais atteint dans celles que nous venons d'évoquer qui s'étalèrent sur plusieurs mois ). Français morts face à l'ennemi, pas en fuite ! Les Anglo-Saxons se plaisent à ironiser sur la débandade française ( qui fut aussi celle des Anglais) , les Allemands qui savent combien les Français , très mal commandés hélas, y furent courageux, ne s'y risquent pas.
A ne parler que de ses désastres ,et à glisser sur ses victoires, y compris la plus grande de toutes, la France risque d’apparaître aux yeux du monde mais surtout aux yeux de sa jeunesse comme une nation vouée à la défaite, ce qui est inacceptable.
Au même moment la Turquie, que beaucoup voudraient faire entrer dans l'Union européenne, célèbre avec faste le 563e anniversaire de la prise de Constantinople en 1453 qui se traduisit par un terrible massacre de la population grecque. Là pas de remords, pas plus que pour le génocide des Arméniens de 1916. La preuve que la Turquie n'appartient pas à l'Europe , ce n'est pas son caractère musulman, c'est qu'on y ignore, comme d'ailleurs dans tout le reste de la planète, la repentance.
Victimes d'un immense conflit, les morts et les blessés de Verdun n'ont pas besoin qu'on leur fasse injure à titre posthume en répandant à satiété que leur sacrifice fut, en fin de compte, inutile. Verdun fut un tournant de la Première guerre mondiale. Si les soldats français n'avaient pas tenu bon, elle aurait été perdue et l'Europe aurait connu pour longtemps la botte allemande. Les Français doivent être fiers de Verdun.