Laïcité hors-limite : l’affaire de la suppression des jours fériés catholiques
Article rédigé par Philippe de Saint-Germain, le 23 février 2015 Laïcité hors-limite : l’affaire de la suppression des jours fériés catholiques

L’affaire est venue de la Réunion. Un député socialiste de l’île, Mme Ericka Bareigts, a fait voter le 14 février un amendement au projet de loi Macron en vue de remplacer outre-mer les jours fériés chrétiens par des « jours fériés locaux », sur décision préfectorale. Le secrétaire général de la Conférence des évêques a vigoureusement protesté.

Argument de Mme Bareigt : la République laïque ne peut pas donner « un statut légal aux seules fêtes d'une religion ». Certains jours fériés traditionnels devraient être remplacés par des fêtes hindoues ou musulmanes. Il s’agit de « respecter la diversité culturelle et religieuse ».

L’amendement initial souhaitait supprimer le lundi de Pâques, l'Ascension, le lundi de Pentecôte, l'Assomption et la Toussaint. Le texte voté ne mentionne plus de jours particuliers, mais sanctuarise les jours fériés républicains : 1er et 8 mai, 14 juillet et 11 novembre. Autrement dit, la laïcité républicaine a tous les pouvoirs : tout ce qui est d’origine chrétienne est négociable, tout ce qui est laïque est intouchable.

Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général et porte-parole de la Conférence des évêques de France, a fermement réagi contre ce texte qui constitue « une attaque forte contre la religion catholique ». 

Boîte de Pandore

« Nous n'avons pas intérêt à ouvrir cette ligne de front qui pourrait être une boîte de Pandore. Il est illusoire en effet de penser que cela resterait cantonné à l'Outre-mer », a-t-il indiqué à l'AFP. « C'est une mauvaise interprétation de la laïcité » précise-t-il, d’autant plus qu’il n’a « entendu ni le Consistoire ni le conseil français du culte musulman demander quoi que ce soit ».

Dans « une France marquée par le christianisme […], une histoire qui se vit paisiblement », il s’interroge : « Noël et Pâques ne sont pas fêtés que par les chrétiens : veut-on supprimer un socle commun à la société française ? » « On cherche par des biais divers à réduire la place des religieux, sans concertation », a-t-il déploré. Il y voit une « preuve de plus que nous n'arrivons pas en France à parler avec sérénité de laïcité ».

Cette intervention de Mgr Olivier Ribadeau-Dumas intervient alors que, dans un premier temps, la Conférence des évêques de France n'avait pas souhaité réagir, préférant s'en remettre aux avis des évêques locaux concernés. Or Mgr Aubry pour la Réunion et Mgr Emmanuel Lafont, l'évêque de Guyane, avaient très clairement pris position en faveur du projet. Mgr Aubry s’était rangé à l’avis d’un comité de dialogue interreligieux local à l’origine de l’idée.

Pour l’évêque de la Réunion, « l’Assomption et la Toussaint sont non-négociables », mais ni le lundi de Pâques, ni le lundi de Pentecôte, ne sont des fêtes religieuses. Ce qu’a confirmé Mgr Jean-Pierre Batut qui ne voit pas dans le calendrier des jours fériés une « institution divine ». Le nouvel évêque de Blois, qui critique par ailleurs vertement l’extension du travail dominical, en qui il voit « le triomphe d’une conception laïciste, mercantile et matérialiste de la vie sociale », pense que l’introduction d’autres fêtes religieuses « consacrerait la dimension spirituelle de l’homme ».

Risque constitutionnel

Au micro de Radio Outre-mer 1e, Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, a quant à lui précisé sa pensée, cité par le site Aleteia :

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« Il ne semble pas qu'aucun des diocèse d'Outre-mer ait été consulté sur cette question-là, à part peut-être la Réunion. Il ne s'agit pas, me semble-t-il, pour honorer la laïcité, de prendre ce qui est à Pierre et constitue le socle commun et de retirer l'une de ces fêtes pour la donner à une autre religion. Noël n'appartient pas qu'aux chrétiens, c'est une réalité pour tous. Il faut trouver un autre moyen d'honorer cette dimension-là, sachant qu'en métropole, à ma connaissance, les musulmans et les juifs ne font pas de demande de cet ordre. »

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Le gouvernement pour sa part n’a pas caché ses réticences, redoutant des surenchères préjudiciables à son texte initial, et une forte opposition populaire, sans compter le risque de censure du Conseil constitutionnel.

Un pouvoir sans limite

L’affaire n’engage aucun avantage particulier de telle ou telle confession religieuse. Les parlementaires socialistes qui ont voté l’amendement s’en prenne moins aux catholiques qu’au socle culturel de l’unité française, ce que l’épiscopat ne peut pas ignorer.

Accorder localement un jour férié à tous les habitants le jour d’une fête religieuse particulière ouvrirait la porte à toutes les revendications communautaristes : pourquoi pas un jour férié le jour du vote de la loi Taubira sur le pseudo « mariage » pour tous ?  

Fondamentalement, c’est l’omnipotence totalitaire de la laïcité qui est en cause, au mépris de l’histoire, de la société civile et des limites objectives que tout régime politique modéré se reconnaît pour que soient préservées les libertés fondamentales. Un pays libre est un pays dont la politique n’a pas tous les droits. L’Église ne peut pas renoncer à parler quand le législateur s’attribue tous les pouvoirs.  

 

Ph. de St-G.

 

 

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