Article rédigé par Guillaume de Prémare, le 24 août 2014
Il aura fallu que les yeux pleurent pour que les yeux s’ouvrent. Un manque terrible semble poindre progressivement : le "manque de France". Le drame irakien révèle enfin ce "manque de France" qui se fait cruellement sentir en ce monde où les politiques du chaos font rage. Plus grand monde ne fait confiance à l’empire américain pour intervenir utilement là où il a semé la désolation sur fond d’intérêts libellés en pétrodollar. Et plus grand monde ne semble croire dans les capacités d’Europe-puissance d’une Union européenne paralysée.
On semble donc redécouvrir une réalité de l’histoire : la France a une vocation de puissance mondiale. Non pas une puissance qui écrase et domine, mais une force d’équilibre et de justice. C’est ainsi que j’interprète l’appel à une initiative française pour une intervention militaire en Irak sous mandat de l’Onu.
Intitulé Au nom de l’humanité, cet appel témoigne peut-être d’une France qui reprend conscience d’elle-même. Je cite : « L’histoire a montré que notre pays a su se dépasser et trouver les moyens de mobiliser le meilleur de lui-même » ; « La France peut susciter l’élan » ; « Ce n’est pas un hasard si de nombreuses voix s’élèvent pour que la France s’engage ». Grand Dieu oui ce n’est pas un hasard…
Une voix particulière
Cet appel est principalement issu des milieux catholiques, qui ont réalisé ces dernières semaines un remarquable travail de sensibilisation médiatique au sort des chrétiens et minorités d’Irak, et plus largement du peuple d’Irak dans son ensemble. Je suis heureux d’entendre ainsi vigoureusement réclamée « notre voix particulière au Conseil de sécurité de l’Onu ». On aimerait l’entendre en effet, mais cette « voix particulière », on ne l’entend plus.
L’appel Au nom de l’humanité peut favoriser une prise de conscience salutaire. Depuis plus de 20 ans, les milieux catholiques français ont majoritairement accrédité la thèse dominante selon laquelle la France ne pourrait peser que dans la mesure où l’Union européenne pèserait comme Europe-puissance. D’une certaine manière, la France-puissance, c’était le passé. On a vu la France si petite que sa grandeur a été oubliée : la voix de la France, c’était désormais la voix de l’Europe.
L'Europe aphone
Mais l’Union européenne est aphone et l’on se rend compte peut-être aujourd’hui que l’Europe ne peut peser que si la France elle-même pèse et assume un leadership diplomatique et militaire : la voix de l’Europe, c’est d’abord la voix de la France. Et l’on se rend compte peut-être aussi — je l’espère ! — que la dissolution diplomatique de l’indépendance française dans une Union européenne arrimée à l’axe euro-atlantique a lié les mains de la France et bâillonné sa voix. Sarkozy puis Hollande se sont chargés de liquider le maigre reste de doctrine et praxis gaulliennes de Mitterrand puis Chirac.
Si j’encourage à signer et relayer l’appel Au nom de l’humanité, j’encourage aussi à réveiller ce qu’il faut de sain orgueil national français pour ouvrir plus largement les yeux sur l’état de servitude volontaire de notre pays. La France vit une situation de soumission qui est indigne d’elle-même, de son histoire, de sa vocation, mais aussi de sa position de puissance nucléaire et de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu. Celui qui ne veut pas voir cette servitude n’a plus que des yeux pour pleurer…
Guillaume de Prémare
Chronique diffusée sur Radio Espérance du 22 août 2014.
Pour en savoir plus :
Appel Au nom de l'humanité
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