Article rédigé par Laetitia Pouliquen, le 24 août 2012
Pour profiter de l’été, temps de repos et de réflexion, voici un décryptage du manifeste des Poissons Roses, groupement de penseurs, économistes et hommes politiques chrétiens, mettant l’emphase sur les points du respect de la vie. A suivre le décryptage des propositions économiques et financières au regard de la Doctrine Sociale de l’Eglise.
La volonté des Poissons Roses de promouvoir une vision chrétienne de l’homme dans la société française en s’appuyant sur le Personnalisme chrétien saute aux yeux dans le manifeste qui suit. Cette détermination devrait nous motiver à leur apporter des éléments et à les encourager au sein de la majorité, au-delà des clivages droite-gauche, entre autre en s’inscrivant dans leur mouvement et/ou en organisant des Apéro-Bulles à : http://www.poissonsroses.org/_courant.php
Voici en résumé les engagements des Poissons Roses sur le plan du respect de la vie:
- Non à l’euthanasie
- Oui à la baisse du nombre d’avortements
- Non à l’eugénisme
- Non à la recherche sur l’embryon
- Non aux embryons surnuméraires
- Non à l’adoption légale par des couples de même sexe
- Oui à l’éducation sexuelle ET affective
- Oui à la formation des couples avant le mariage
- Oui à la lutte contre la pornographie
Extraits de la Contribution des Poissons Roses pour le Congrès du PS [1]
Les numéros entre parenthèse en face de chaque proposition sont des ajouts de l'auteur qui signalent le niveau de difficulté de mise en place de la dite proposition.
Etre accompagné au cours d’une maladie et en fin de vie, une liberté individuelle ou un devoir de la société vis-à-vis de ses plus vulnérables ?
Aujourd'hui, trop de personnes terminent leur vie dans la solitude et parfois la détresse. La crainte ou la conséquence de l'acharnement thérapeutique, la peur de souffrir, le sentiment d'abandon, voire d'inutilité, la volonté de ne pas être un poids pour ses proches, la pression sociale sont autant de causes à l'origine d’une demande d’euthanasie de la personne malade. Ces demandes sont au demeurant très rares et surviennent surtout lorsque la personne ne bénéficie pas d’un accompagnement spécifique. Il est néanmoins frappant de constater que la légalisation de l’euthanasie est revendiquée plus souvent par les bien-portants que par les personnes en fin de vie. Ne faudrait-il pas se demander pourquoi ?
En France, notre système législatif interdit l'acharnement thérapeutique et l’euthanasie. Une Loi, dite Loi Leonetti, a été votée en 2005 à l’unanimité par l’Assemblée Nationale après une très large consultation des différents acteurs de la société. Celle-ci autorise la limitation ou l’arrêt des traitements dans certains cas, garantit la prise en charge de la douleur physique (qui peut généralement être éliminée) et morale de la personne malade; elle place l'accompagnement de la personne en fin de vie et celui de ses proches au coeur de son dispositif, tout en imposant le respect de ses volontés. Si cette loi reste mal connue et très imparfaitement mise en oeuvre, nous voulons avec la gauche la faire appliquer plus largement et développer dans chaque établissement une démarche palliative comme l’ont fait depuis 2005 l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Suède, et l’Argentine en tournant délibérément le dos à l’euthanasie.
Lorsque la détresse des personnes en fin de vie persiste, la réponse de notre société doit-elle être de leur offrir un droit à mourir ? Peut-on demander à des soignants de donner la mort au nom de la liberté individuelle de chacun ? Doit-on créer un système de santé, financé par l’ensemble de la société, et qui, dans un certain nombre de cas très limité, permet l’injection létale ? La personne est toujours « reliée », elle existe en société : une telle mesure renforcera-t-elle la confiance et le lien avec les plus vulnérables d'entre nous ? Notre société se jugera à travers le regard, l'attention et la solidarité qu'elle aura portés aux plus faibles d’entre nous. L'injection létale ne peut être proposée comme une des solutions aux problèmes de la souffrance et de la dépendance, ni présentée comme une mort douce ni spécialement digne. N’y a-t-il pas plutôt une demande « cachée », un appel derrière une demande d’euthanasie ? C’est une question posée notamment par le personnel soignant.
- (1) : faire connaître et appliquer la loi Leonetti qui interdit l'acharnement thérapeutique et l’injection létale, et qui permet l'arrêt des traitements dans des cas précis uniquement. En tirer un bilan avant de procéder à une évolution de la loi. La demande d’euthanasie est souvent la conséquence d’un acharnement thérapeutique sur la personne malade, il faut donc engager une réflexion profonde sur « les traitements à tout prix » afin d’éviter de basculer dans ce type d’approche et améliorer la formation des soignants. Cette démarche sera vertueuse au plan économique, et ne requiert pas de moyen supplémentaire. C’est la culture du soin qu’il faut faire évoluer.
- (1) : renforcer les dispositions légales existantes sur les droits des malades en développant la notion de droit opposable à l'antalgie, de directives anticipées en précisant le contenu et l’effet des directives anticipées et en améliorant leur diffusion.
- (2) : engager une réflexion sur la tarification à l'acte mise en place dans les services hospitaliers et ses conséquences sur la prise en charge des personnes dépendantes et en fin de vie, en sortant de l’idéologie des coûts. L’accueil de la fin de vie permettra de revenir à la notion de « soin », détachée de l’obsession du résultat.
- (2) : accueillir les personnes en fin de vie en développant la culture palliative à partir des centres et lits de soins palliatifs déjà existants après avoir finalisé le maillage territorial.
- (2) : multiplier les projets mixtes de crèches et maisons de retraite comme cela a été testé.
- (2) : multiplier les incitations à ce que les familles puissent accueillir les personnes âgées ou en fin de vie à domicile (renforcer la notion de congés d’accompagnement) comme cela se fait beaucoup plus couramment dans d’autres cultures (en Afrique en particulier).
Le nombre d’avortements des enfants atteints de trisomie en France, un record du monde qui nous fait grandir ?
En France, 96 % des enfants diagnostiqués trisomiques ne naissent pas. C’est le record du monde. De quoi sont-ils coupables ? Quel est notre regard sur la différence et le handicap ? Ne serons-nous pas tous un jour fragiles, handicapés ? Malgré les difficultés et les jugements, parfois cruels, de l’entourage, les études montrent que les enfants trisomiques sont sources de joie et d’équilibre pour les familles qui les accueillent.
- (1) : engager un effort de pédagogie afin de montrer que malgré les difficultés, les enfants atteints de trisomie sont plus particulièrement tournés vers la relation humaine. Or c’est justement cela le plus important. Cela pourra être bien sûr élargi au handicap en général. Les personnes handicapées sont source de créativité et de richesse pour la collectivité et elles nous rappellent à notre humanité. S’exercer à les accueillir, c’est reconnaître toute sa place à une éthique de la vulnérabilité face à la loi de la jungle.
- (1) : contribuer à faire avancer la recherche sur les maladies de l’intelligence plutôt que supprimer ceux qui ont ce problème. Les avancées sont déjà très prometteuses.
- (1) : créer des cellules d'accompagnement pour les femmes concernées et les couples, et susciter des parrainages pour soutenir l'éducation et les changements de vie qu'impliquent l'acceptation d'un enfant handicapé dans un quotidien forcément bouleversé.
L’avortement dans les cités, une injustice sociale ?
De nombreuses femmes voudraient pouvoir mener leur grossesse à leur terme mais, dans leur situation d’isolement ou de précarité, cela leur semble impossible. Notre objectif est de leur redonner confiance.
- (1) : en s’en tenant à l’esprit de la loi Veil, diminuer le nombre d’avortements en apportant un soutien aux familles précarisées, éclatées, sans confiance en l’avenir en développant un accompagnement adapté et en développant des centres spécialisés. Il est également nécessaire de renforcer l’éducation à la sexualité responsable au moyen de formateurs devant intervenir dans les écoles, les universités et les mairies. En réalité, il s’agit de faire en sorte que le décret qui rend cette éducation obligatoire soit mis en oeuvre en développant des moyens, notamment en formant de nouveaux intervenants. Il nous faut sortir d'une vision consumériste de la sexualité sans revenir à un imaginaire « ordre moral ».
- (1) : développer à l’école une politique de prévention et d’éducation affective sur un mode ludique et positif, permettant une meilleure compréhension mutuelle des attentes affectives des personnes sans s’en tenir à un simple discours « technique », aussi nécessaire soit-il. Les accidents de la route ont diminué de façon spectaculaire, de même peut-il en être de l'IVG en offrant aux adolescents des témoignages sur les risques liés aux avortements.
La grossesse : une maladie ?
Pourquoi faire peser tout le poids des risques d’erreur de diagnostic prénatal sur les médecins ?
- (2) : tout doit être fait pour refaire de la grossesse une période de sérénité. Changer le système d’assurance nous paraît un moyen. Il faut accepter que la collectivité le prenne en charge afin que les échographes puissent sortir de l’impératif de résultat, inapplicable dans ce domaine (le développement de l’embryon et du foetus est encore largement méconnu et le diagnostic n’est qu’une probabilité) et redevenir des facteurs de sérénité auprès des futurs parents.
Rester passif devant l’échec d’un mariage sur deux ?
Le divorce apparaît parfois comme une solution inévitable. L’éclatement des familles est-il une source de précarité ? Est-ce une question politique ? De nombreuses études montrent que le divorce des parents a des impacts importants sur les enfants. De plus, l’augmentation des divorces a largement contribué à la fragilisation de la société et à la précarisation des familles. Il existe de nombreux moyens permettant de préserver le couple et la stabilité familiale qui est la base de la société de confiance que nous voulons bâtir.
- (1) : réduire le nombre de divorces en revalorisant le mariage citoyen, par la proposition de formations avant et après le mariage. Ce type d’approche a déjà été développé aux Etats Unis, et il a été prouvé qu’elle permet de diminuer le nombre de séparations ou au moins de les apaiser. Pourquoi faut-il 20 heures de formation pour le permis de conduire et aucune pour se marier ? Il est également nécessaire de rendre plus accessible le conseil conjugal et familial qui peut aider les couples et les familles à traverser des périodes difficiles.
Indifférents devant la marchandisation des êtres et de leurs corps ?
La marchandisation de l’humain est une conséquence de l’idéologie libérale qui contribue à détruire le lien social fondé sur la gratuité de la relation.
- (1) : lutter contre la pornographie de masse sur le modèle de la lutte anti-tabac. Il est possible d’exiger des hébergeurs qu’une carte bleue ou un moyen de paiement soit obligatoire pour accéder à certains sites sous peine de sanctions, surtout afin de préserver les enfants et les jeunes adolescents. Il faut donc travailler sur des stratégies de contrôle sur le web qui rend la pornographie trop accessible. La question de la pornographie de masse se pose aussi pour les devantures des kiosques de presse, ce qui constitue une spécificité française. Ayons le courage d’affronter les intérêts financiers liés à la pornographie. Rappelons que la pornographie n’est pas neutre et contribue à déshumaniser le regard que nous portons sur l'autre, en particulier les femmes, tout en sapant la confiance. N’est-il pas l’une des causes de la « panne de désir » dans la société française, d’un certain désenchantement dont parle Marcel Gauchet ?
- (1) : aider à la réinsertion des personnes se livrant à la prostitution, dont 90 % sont victimes de la traite humaine, pour échapper à la précarité. Instituer la pénalisation des clients de la prostitution comme cela se fait dans plusieurs pays et multiplier les témoignages de personnes sorties de la prostitution, en particulier auprès des clients récidivistes, qui pensent qu’on peut trouver du plaisir à vendre des prestations sexuelles.
L’embryon humain, un matériau gratuit pour les laboratoires pharmaceutiques ?
Il faut sortir de la logique de la marchandisation de l’humain. Pourquoi ne pas appliquer les mêmes principes de précaution sur les embryons humains que pour le maïs transgénique ou les OGM ? L’embryon n’est pas un objet économique comme un autre, surtout lorsqu’il attise les convoitises car c’est un « matériau » au potentiel immense, mis gratuitement à la disposition des laboratoires pharmaceutiques. Il doit être respecté pour le trésor qu’il représente.
- (1) : empêcher la possibilité de création d’embryons surnuméraires pour des raisons pratiques et sortir de la technicisation rampante dans la procréation qui met une pression énorme sur les femmes. Des interviews ont montré que c’est aussi une source de stress éthique pour les parents, surtout quand ils n’ont plus le projet de les garder. Même stockés dans des congélateurs, les embryons sont « reliés » à leurs parents et les frais annuels de stockage sont là pour le rappeler.
- (1) : promouvoir la collecte et recherche sur les cellules souches provenant du sang du cordon ombilical.
Offrir en priorité à un enfant à adopter un couple stable formé d’un père et d’une mère : une discrimination ?
Actuellement, le mariage citoyen consacre l'union d'un homme et d'une femme en âge de s’engager. Il est le cadre légal, et non pas le rite, rappelant les droits et devoirs des époux et instituant la protection juridique des conjoints et des futurs enfants. Le Code Civil n’a pas à juger des sentiments entre deux personnes voulant se marier, sans risquer une dérive totalitaire. L'amour entre personnes de même sexe est un fait, et peut être créatif. De même, un couple de personnes de même sexe est aussi digne qu'un autre. Toute discrimination visant une personne en fonction de son orientation sexuelle doit être combattue.
Ouvrir le mariage citoyen aux couples de même sexe et abandonner le principe d'altérité, pose la question de l'accès à l'adoption et à la procréation médicalement assistée.
Faut-il, au nom d'un droit à l'enfant pour tous les couples, remettre en cause le principe fondamental du "droit de l'enfant à connaître ses parents et être élevé par eux" ?
Peut-on, au nom du droit de l'adulte, priver délibérément certains enfants de cette altérité entre l’homme et la femme ? De la même manière que la parité entre les hommes et les femmes est une valeur indispensable dans la vie de l'entreprise ou les organisations politiques, le serait-elle moins lorsqu'il s'agit d'élever un enfant ? La différence sexuelle entre les parents est-elle structurante dans l'éducation des enfants ? De quelles études sérieuses et reconnues dispose-t-on sur le sujet aujourd’hui ? Par ailleurs, est-il juste d'organiser et de programmer la naissance d'enfants à qui l'on va interdire de connaître leur père ou leur mère ? Toutes les implications anthropologiques et sociales doivent donc être pesées.
- (1) : il faut poser les jalons d’un large débat, qui à ce jour n'a pas eu lieu, sur la question de l’adoption ainsi que de l'ouverture de la procréation médicalement assistée à des couples de même sexe, en replaçant l'intérêt de l'enfant au centre : un enfant a avant tout besoin d'une famille, besoin supérieur au désir du couple d'avoir un enfant, désir légitime mais qui n'est pas un droit. Est-il légitime du point de vue de l’enfant à adopter de donner la priorité à des familles stables constituées d’un père et d'une mère ?
- (1) : le parrainage ou l’adoption des enfants dans leur pays d’origine (au sein d’une famille choisie localement), quand c’est possible, est une solution qui nous semble beaucoup plus souhaitable. L'enfant serait davantage considéré comme enfant-ambassadeur de son pays afin que soient respectées la construction de son identité et ses racines culturelles et afin d’éviter les dérives de marchandisation. Ce principe pourrait être renforcé par un droit au parrainage citoyen qui serait ouvert à tous et pourrait être déductible des impôts dans une mesure à définir. L'adoption internationale doit devenir l'exception et la solution d'extrême recours lorsqu'aucune autre solution n'a pu être trouvée pour préserver l'enfant dans son pays d'origine et surtout au sein de sa propre cellule familiale comme c’est d’ailleurs stipulé par la Convention de La Haye.
Peut-on encore accepter les atteintes à la liberté religieuse et aux droits de l’homme ?
Travailler à promouvoir une société accueillante, c’est aussi protéger les minorités dans tous les pays.
- (3) : conditionner les aides au développement ou l’accès au marché de l’UE à une véritable liberté d’expression religieuse et aux autres droits de l’homme fondamentaux.
[1] Contributionà consulter dans son entier à www.poissonsroses.org/_documents/Contribution%20PR%20170712.pdf