Article rédigé par Thierry Boutet, le 10 août 2012
Evénement suffisamment rare pour avoir été remarqué par des médias très éloignés de l’Eglise, les évêques de France à l’initiative de leur Président, Mgr André Vingt-Trois, appellent les Français à prier Notre Dame pour le 15 août en la fête de l’Assomption qui est aussi celle de la commémoration du vœu de Louis XIII.
Une décision strictement sacerdotale qui n’en a pas moins une portée politique au sens le plus fort du terme. Cette prière nationale proposée à tous les fidèles évoque, en effet, les questions économiques et sociales, les débats qui nous attendent à la rentrée sur le mariage, l’adoption, l’euthanasie et s’achève par cette demande : « Par l’intercession de Notre-Dame, accorde-nous le courage de faire les choix nécessaires à une meilleure qualité de vie pour tous et à l’épanouissement de notre jeunesse grâce à des familles fortes et fidèles. Par Jésus, le Christ, Notre Seigneur ». Mgr Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France, justifie cette « proposition de prière nationale », en ces termes : « Dans l'inquiétude de la crise économique sociale et internationale, devant la gravité de choix sociétaux de portée considérable, il est essentiel de conscientiser l'opinion au-delà de la sphère pratiquante habituelle. Non seulement la Mère du Christ recueillait les événements en son Cœur, mais aussi elle les méditait et concrétisait sa réponse envers eux. Puisse Notre-Dame de l'Assomption éclairer nos décisions personnelles et collectives. »
Il s’agit d’éclairer les consciences et là les évêques sont strictement dans leur registre. Mais il est aussi très clair que cette prière demande que les projets de loi sur le mariage homosexuel et l’adoption d’enfants par des couples homosexuels n’aboutissent pas.
A maintes reprises, l’histoire, particulièrement en France, témoigne de l’efficacité « politique » de la prière. « L’histoire sainte » n’est pas seulement l’apanage du peuple hébreu ; la providence de Dieu conduit chacun de nous dans le respect de sa liberté mais aussi « les nations » dont certaines ont à l’évidence une mission plus spécifique dans l’économie de la Rédemption.
Or la France, même si elle met souvent beaucoup d’énergie à l’oublier, est de celles-ci ; au point d’avoir été appelée « la Fille ainée de l’Eglise » et même par certains « le pays de la Vierge Marie ». Expressions qui ne signifient pas qu’elle aurait de plus grands mérites que d’autres mais certainement une responsabilité plus grande.
Notre pays est en effet « une terre mariale ». Il l’est même officiellement depuis le 10 février 1638. Ce jour-là, Louis XIII, après de longues consultations auxquels le parlement de Paris fut largement associé, comme l’atteste une lettre de Grotius de l’année précédente, décidait de consacrer la France « à la grandeur de Dieu par son Fils rabaissé jusqu'à nous et à ce Fils par sa mère élevée jusqu'à lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre état, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son autorité et exemple, nos mains n'étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables, et c'est chose bien raisonnable qu'ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces. »
Et le Roi poursuivait : « A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre état, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. »
La formule est magnifique et toute l’ordonnance, d’une théologie mariale parfaite, mérite d’être lue et méditée. Mais cette consécration, qui fut longuement préparée, n’est pas seulement le signe de la dévotion d’un roi et d’une époque. Après trois siècles, elle demeure un acte éminemment politique. L’ordonnance du 10 février 1638, signée à Saint-Germain en Laye, connue sous le nom du vœu de Louis XIII, figure en bonne place dans le recueil des anciennes lois françaises du juriste Isambert et dans le Mercure de France.
Ce caractère législatif en dépit des vicissitudes de l’histoire n’a jamais été abrogé. Le 15 août demeure une fête nationale, même pour tous ces Français qui en ont oublié l’origine, et nos demandes « à la Grandeur de Dieu » comme l’écrivait Louis XIII, auront une fois encore, n’en doutons pas, une portée et une efficacité politiques au sens le plus élevé du terme. « Ad majorem Dei gloriam ».
Thierry Boutet