Article rédigé par Gildas Barbot, le 06 avril 2012
Le réchauffement climatique est l’un des grands risques que le monde doive envisager avec toutes ses conséquences économiques, sociales et politiques. Faut-il garder les yeux fermés sous prétexte que le pire n’est jamais certain ?
Hier, un entrefilet de quelques lignes situé en page 10 des Echos, titrait « Réchauffement : les risques qui pèsent sur la population mondiale ». En le lisant, on apprenait qu’un article publié dans la célèbre revue « Nature » avait établi que la vitesse du réchauffement climatique calculée par le GIEC était sous-évaluée. Au rythme actuel, il faudrait donc s'attendre à une montée des eaux de 1,80m d'ici 2100, ce qui signifierait un recouvrement d'une large part des zones littorales où vit actuellement une population importante. On peut donc imaginer les déplacements de population massifs qui se profilent d'ici la fin du siècle.
La place consacrée à cette information dans le journal est symptomatique de la légèreté avec laquelle nos contemporains considèrent la question de l'environnement et la menace que représente le changement climatique. Nous sommes pourtant si prompts à interdire les biberons qui contiennent du Bisphénol A ou à éloigner les antennes-relais des écoles. Autant de mesures qui concernent des risques relativement faibles aux conséquences incertaines. Le fameux principe de précaution s'applique ici avec zèle. Comment comprendre alors qu'une menace dont la probabilité est grandissante et qui touche plus ou moins directement l’humanité entière ne soit pas au cœur des préoccupations médiatiques et politiques ? Certes, l'affaire Strauss-Kahn, le drame de Toulouse ou la campagne présidentielle sont des sujets «majeurs » qui laissent peu de place au reste... Pauvres de nous qui sacrifions sans cesse l'essentiel à l'urgence et qui, comme le dit Edgar Morin, ne parvenons plus à voir l'urgence de l'essentiel.
Lucidité et responsabilité
Où sont les chrétiens dans ce débat ? Pas en première ligne et c'est regrettable car notre foi nous appelle à la responsabilité. L’encyclique Caritas in Veritate (2009) nous invite à la lucidité. La Vérité est d’abord celle du Christ mais c’est aussi celle que recherche tout travail scientifique. Or, le réchauffement climatique est une vérité dérangeante que les scientifiques sont quasi-unanimes à reconnaître aujourd’hui. Certes, des sujets comme le respect des plus faibles (aujourd'hui menacés par l’euthanasie) ou la défense de la famille sont aussi des sujets d'importance que les chrétiens doivent défendre dans le débat électoral. Mais ce qui est en jeu dans la question du changement climatique touche aussi à l'homme et à la paix civile.
Les premières victimes se trouvent plutôt dans des pays pauvres où la population, occupée à survivre, n'a guère le temps d'anticiper les conséquences funestes d'un bouleversement du climat. Mais les mouvements de population qui s’opéreront ont des conséquences incalculables sur les équilibres sociaux. Comment l'Europe, qui s'inquiète déjà de l'afflux d'immigrés clandestins pourra-t-elle sans heurts, faire face à la pression intenable qui s'exercera à ses frontières par les réfugiés climatiques en quête de terres plus hospitalières ? Sans oublier que l'Europe ne sera pas épargnée non plus puisque des régions comme les Pays-Bas sont directement menacées par les changements qui se profilent... Croit-on les européens suffisamment généreux pour qu'une vaste redistribution des terres et des richesses s’opère naturellement ? Avant même d’évoquer des raisons morales, il existe des raisons pragmatiques qui justifieraient de s’inquiéter du réchauffement climatique.
Nous ferions bien de prendre plus au sérieux Nicolas Hulot qui, tel Jean le Baptiste au désert, annonce l’imminence d’un changement (lire ou relire son « Syndrome du Titanic » est instructif). La menace est imminente, en effet, car il ne s’agit plus de se mobiliser au nom d’un altruisme intergénérationnel (les « générations futures ») : nous parlons d'un horizon temporel qui se situe en 2100. La plupart de ceux qui ont moins de 10 ans aujourd'hui verront de leurs yeux cette planète chamboulée.
Même si le pire n'est jamais certain, il est urgent de se mobiliser pour réformer nos modes de vie ; la sobriété qui s'impose n'étant pas forcément un mal pour le développement humain comme l’a bien montré Jean-Baptiste de Foucault en prônant l’abondance frugale.
Le climato-scepticisme
Au préalable, il convient d’étouffer dans l’œuf les mauvaises raisons qui contribuent à notre aveuglement. La première touche au climato-scepticisme. Certes, les recherches du GIEC comportent des marges d'erreurs et certains travaux sont contestés (rappelons au passage que cette contestation est un gage de scientificité). Par ailleurs, le sujet est complexe, si bien qu’il est difficile de se faire une opinion lorsqu’on n’est pas soi-même un tant soit peu expert. Est-une raison pour y renoncer et occulter les enjeux de fond ? D'autant plus que les travaux s'affinent, les études s'enrichissent et malheureusement les scénarios les plus durs quant à l'ampleur du réchauffement tendent à se confirmer. Notons que si certains doutent encore du changement climatique, le secteur de la ré-assurance le constate concrètement au travers des sinistres qu’il est appelé à couvrir. Les entreprises du secteur renoncent désormais à assurer certains risques compte tenu de l’incommensurabilité des dommages provoqués par les cataclysmes dont la fréquence s’intensifie.
Veillons à ce que notre refus d'accepter l'hypothèse d'un réchauffement important de notre terre ne soit pas motivé par une peur inconsciente d'en envisager les conséquences (attitude de déni). « Le style de vie des Américains n'est pas négociable » avait dit Bush pour justifier son refus de ratifier le protocole de Kyoto. On en rit encore. Mais sommes-nous mieux que Bush quand notre refus de prendre au sérieux le réchauffement cache une peur de remettre en cause notre confort (le tout-voiture, certains loisirs, les voyages lointains...) et nos certitudes sur le progrès ou les vertus de la dérégulation des marchés financiers. Et que dire de cette paresse qui nous fait remettre à plus tard les vrais changements pourtant si urgents - le rapport Stern de 2009 a permis de quantifier le coût du réchauffement climatique et de mettre en évidence qu’il sera d'autant plus important que des mesures drastiques en faveur d’une économie dé-carbonée tarderont à être prises. Que dire encore de cette attitude infantile qui nous fait renoncer à toute initiative tant que « les autres » (Chinois, Américains, etc.) ne consentent pas eux aussi à faire un effort pour l'environnement ?
Science et idéologie
Évoquons enfin deux raisons qui justifient parfois l’inaction dans les milieux catholiques. La première vient de l'idée que l'écologie est gangrenée par des idéologies incompatibles avec la foi chrétienne : le marxisme, le New Age ou des formes diverses de paganismes qui déifient la nature. C'est en partie vrai mais est-ce une raison valable pour ne pas prendre au sérieux les graves questions écologiques qui se posent aujourd'hui ?
La deuxième raison consiste à se rassurer à bon compte en se disant que, quoiqu’il advienne, Dieu est avec nous, voire que c’est lui qui agit à travers ce réchauffement. Bref, une attitude démissionnaire et fataliste qui oublie que ce réchauffement est d’origine très probablement anthropique.
Rappelons qu'une attitude authentiquement chrétienne en matière d’écologie consiste à devenir collaborateurs de Dieu-créateur en prenant soin de la nature qu'il nous a confiée. Cette attitude directement inspirée de la Genèse invite donc les chrétiens à être les premiers écologistes de la société. Cela suppose de rejoindre rapidement la mobilisation dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce combat est aussi un lieu privilégié d'Evangélisation, car il témoignera de la sollicitude des chrétiens pour la Terre et tous ses habitants.
Gildas Barbot est Enseignant-Chercheur en Sciences de Gestion
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