Article rédigé par Hubert de Champris, le 16 mars 2012
Les affinités ne sont pas certaines. Mais, en programmant la suppression du terme «race» de la constitution de la Vème République, en criant haro sur un baudet qui, semblait-il, ne demandait qu’à se faire oublier, l’ancien Premier Secrétaire du Parti socialiste français, candidat à la présidence de la République, parodie grossièrement le roi Ferrante, à qui, Montherlant fait dire : « c’est quand la chose n’y est pas, qu’on y met le mot ».
Poursuivant notre développement, dirons-nous que nous ne pouvons aussi songer à certaines, apocryphes ou non, cocktail ou pas, des petites perfidies langagières à la Mauriac, comme lorsque il remarquait que «certains parlent du cœur comme ils parlent du nez». Bon, la Gauche est enrhumée en ce moment, mais cela se soigne. Mais, en l’occurrence soyons de gauche, faisons confiance à la nature humaine et disons-nous bien qu’avec un peu de patience et de pédagogie tous sont accessibles au traitement. Même ceux, les plus purs, les plus idéalistes qui ne sauraient pas ce que voulait dire le jeune Chamfort, peu avant sa mort, avec son il faut que le cœur se brise ou se bronze et qui préfèrent ignorer combien Charles Péguy avait si bien résumer les moralistes confortablement installés sur leur Kant à soi lorsqu’il remarquait : ‘‘ils ont les mains blanches, mais ils n’ont pas de mains.’’
Donc, dans un raisonnement d’un sophisme consommé et qu’on s’amuserait à voir proposé à l’épreuve de philo du prochain bac, creusant la logique relevée plus haut, Hollande songe en substance : puisque le mot ne recouvre justement aucune réalité, qu’en toute hypothèse, il ne doit pas en recouvrir, moi, homme politique, aspirant à être Homme d’Etat, vais-je pratiquer la …politique de l’autruche.
En quelques notations, voyons voir pourquoi l’autruche est un peu bête.
- Balladur alors Premier ministre, il fut décidé que nous ne serions plus inculpés mais mis en examen. Nous voilà dispensés de battre notre coulpe (faute), d’avoir ainsi mauvaise conscience ; en échange, vous vous retrouvez cœur de cible, mis en jour, tenu en laisse et en lisière. Amoindrir la charge intrinsèque d’un mot tenu aujourd’hui comme honteux en le troquant contre un autre prétendument moins chargé est une naïveté doublée d’une arnaque. On voit qu’on gagne au change, n’est-ce pas ?
- Spontanément, instinctivement, les jeunes enfants ‘‘ne sont pas racistes’’ comme on dit. Jaunes, noirs, café au lait etcetera, c’est un plaisir de les voir s’ébrouer dans une crèche.
- La race, la race pure si l’on dire n’existe pas, la couleur de la peau ne correspondant pas à des marqueurs biologiques simples et univoques attachés à une couleur de peau, celles des Rouges (les Peaux-Rouges), des Noirs, des Jaunes et des Blancs, - typologie enseignée officiellement encore il y a cinquante ans.
- Toutefois, l’hématologie, la linguistique, par exemple ont identifiés des marqueurs, mais semble-t-il propres non à des races (puisque, comme on l’a vu, le terme ne subsume aucune réalité biologique simple), mais à des groupes humains (ou ethnies, le mot étant à la mode).
- Ce que l’on appelle racisme, et qui vise, en effet, dans l’esprit de celui qui l’éprouve à l’encontre d’autrui, une prétendue race, ne s’oppose en fait qu’à des particularités (le terme n’étant pas nécessairement synonymes [‘‘en l’espèce’’ !] de «caractéristiques») de divers ordres : esthétiques, sexuelles, culturelles etcetera.
- Toute politique de prévention et d’éradication de montée de sève racialiste dans l’esprit des gens qui se voudrait efficace ne pourrait ignorer la question de la couleur de la peau. Si on peut avoir raison de trouver ridicule de vouloir rechercher le métissage à tous prix, comme un must, un tic biologico-affectif devant commander toutes les amours, il convient en parallèle de se rendre qu’à compte qu’en bonne logique dermatologique, la mélanogenèse chez les individus tendant à s’homogénéiser, à terme, sur la planète entière, c’est bien le marron clair qui constituera la touche finale. Cela posé, vous avez raison : ce terme est sans doute plus à échéance eschatologique que bassement politique. (Mais, nos contemporains sont-ils seulement aptes à saisir la portée de cette remarque ?)
- L’organisation politique d’un ensemble peut contribuer à estomper les aléas afférents à une société donnée composée de citoyens aux teints bigarrés. L’Empire pourrait être une solution. Rappelons qu’un Jacques Soustelle, gaulliste partisan du maintien du département de l’Algérie dans l’ensemble français soutenait l’élection d’un Président d’une République française élargie aux frontières de l’ancien empire français. Autrement dit, dans cette hypothèse, un président d’origine sénégalaise eut pu se voir élu Président de la République. Songeons aussi, que sous les IVème et Vème Républiques, sans qu’on en fasse tout un foin, sous-préfets et préfets de couleur n’étaient pas absents. Sans parler du deuxième personnage de l’Etat dans l’ordre constitutionnel, en la personne de Gaston Monerville, président du Sénat. Sans parler non plus d’Henry Lémery, ministre des colonies grand ami de Pétain, mais renvoyé le 5 mai septembre 1941, «la presse allemande s’étant offusqué de la présence d’un Martiniquais dans le gouvernement de la France» [1]. Non moins certes, Alain Peyrefitte notait que de Gaulle.
- En réalité, tout n’est-il pas insoluble ? Si on analyse les propos de Gaulle afférent à la chose, on doit se résoudre à ce constat : ce dernier à la fois estimait d’une part que l’Algérie n’avait jamais été vraiment la France (au sujet de l’Algérie, il parlait de guerre civile entre les Français musulmans et les autres), d’autre part que la France était un pays judéo-chrétien à dominante blanche [2].
Il découle de ces donnée que ce que nous plaçons bien souvent sous la problématique de la race, du racialisme ou du racisme ressort en majeure partie d’autres domaines : communautarisme, multicuturalisme etcetera et, plus largement, de la question des institutions politiques, du droit international et du droit constitutionnel.
Mais, en fin de compte – clause de style puisqu’on se doute que le compte est sans fin ! -, la proposition hollandaise [3] ne va-t-elle pas déboucher sur la douleur qu’éprouvent réellement les personnes amputées d’un membre : la souffrance du membre fantôme !
Chasser le naturel, et le culturel revient au galop. Chasser le culturel, et le naturel revient au galop. Et réciproquement, mon bon monsieur.
[1] cf. Michèle Cointet, Nouvelle histoire de Vichy, Fayard.
[2] Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fallois/Fayard.
[3] Notez qu’historiquement, la Hollande, même dans son entreprise coloniale, s’est toujours ostensiblement contrefoutu de vouloir assimiler, moins encore convertir ou ‘‘changer’’ en quoi que ce soit ses colonisés. Elle ne place pas là son amour-propre.