Article rédigé par Astrid Cœurderoy, le 23 février 2012
En février 2008, le traité de Lisbonne est ratifié par la France alors même que son peuple l’avait refusé en 2005... Mais le « Non » irlandais de juin cristallise pour un temps cet élan quelques jours avant la Présidence française de l’Union européenne (PFUE).
Malgré la crise institutionnelle, la PFUE se révèle particulièrement dynamique et volontaire. La capacité de réaction du président a été unanimement saluée : face à la crise de l’euro en particulier, il a poussé l’UE à se doter d’un mécanisme permanent de gestion de crise pour éviter l’effondrement de la monnaie européenne. Ainsi, l’UE est venue en aide à l’Irlande et à la Grèce.
En ce qui concerne l’opposition de la France à l’entrée de la Turquie dans l’UE, si chère aux Français, Nicolas Sarkozy maintient le cap même si, dans le cadre de la politique d’élargissement de l’UE, la France continue d’allouer une somme importante de préadhésion (126,7 millions d'euros par an selon l’Observatoire de l’Europe) à la Turquie afin que celle-ci mette en œuvre les réformes nécessaires à sa « future » entrée dans l’UE…. L’Union pour la Méditerranée (UPM) était l’alternative mais que dire si ce n’est qu’elle a accouché d’une souris ?
L’Europe des projets concrets, qui protège dans la mondialisation
« Pour des nations dotées d’une forte identité et ancrées dans une histoire ancienne, seul un projet politique ambitieux, fondé sur l’humain, la culture et le progrès social, peut justifier l’abandon de certaines souverainetés. Cela aussi, l’Europe doit se le rappeler », nous indiquait le programme de l’UMP en 2007. Il continuait en disant : « L’écologie peut contribuer, à n’en point douter, à forger cette identité européenne du XXIème siècle »….. Quid de l’Agence mondiale de l’environnement dotée de pouvoirs de contrainte et d’un droit international de l’environnement que l’UMP souhaitait créer dans le cadre de l’Union européenne ?
L’Europe doit donc se concentrer sur des projets concrets comme la protection du territoire européen contre le terrorisme et la criminalité organisée, l’immigration et la politique de développement, l’autosuffisance et la sécurité alimentaires, l’approvisionnement énergétique et la lutte contre le changement climatique, la recherche et l’innovation (notamment dans le domaine de l’écologie et de la santé), l’émergence de grandes universités européennes capables d’être moteurs de progrès humains, scientifiques et sociaux. L’Europe doit protéger ses peuples des excès de la mondialisation, non pas les exposer à ses effets les plus pervers. Elle est un grand marché intérieur qui doit être fondé sur le principe de la préférence communautaire : en permettant la constitution de champions européens, en édictant et en protégeant ses propres normes techniques, en préservant ses technologies, en soutenant ses PME, notamment par l’attribution de marchés publics, en accompagnant les restructurations liées à la mondialisation. Face à la demande mondiale croissante, la réaffirmation du principe de préférence communautaire est le leitmotiv de l’UMP. L’Europe doit d’abord se souvenir qu’elle est construite sur un idéal, des valeurs, une identité et une culture commune. Après avoir dénoué la crise institutionnelle, l’UMP envisageait en 2007 d’élaborer un texte scellant la dimension fondamentalement politique du projet européen….
Les propositions sur l’immigration, l’énergie et le climat ont été plutôt bien honorées mais les autres n’ont pas eu le succès escompté. A ces dernières, il faut ajouter que le renforcement du rôle des Parlements nationaux dans la construction communautaire (contrôle du principe de subsidiarité…) qui leur aurait permis d’adopter des « résolutions » à caractère politique, y compris en matière de politique européenne et étrangère, n’a pas vu le jour. Ce fut aussi le cas de la force d’intervention européenne de sécurité civile (« casques verts »). Quant à l’Europe de la défense, qui était un des grands objectifs, il semble que l’UE a préféré se ranger du côté des Etats-Unis en s’investissant massivement dans l’OTAN.
Gestion de crise : Sarkozy maîtrise !
En juillet 2007, l’Union européenne et la France mènent d’intenses tractations pour obtenir la libération des infirmières bulgares, condamnées à mort par le régime libyen. L’accord conclu par la diplomatie française prévoit entre autre une aide médicale européenne à la Libye. Juste avant de prendre les rênes de l’UE, les mécanismes institutionnels qui régissent le fonctionnement de l’Union européenne sont bloqués en raison du non irlandais au traité de Lisbonne. Nicolas Sarkozy s’attellera donc au dénouement de la crise institutionnelle. Ainsi, Nicolas Sarkozy usera de toute son énergie pour faire revoter les Irlandais qui finirent par accepter le traité de Lisbonne en octobre 2009… Par la suite, Nicolas Sarkozy jouera un rôle prépondérant dans l’accord de paix signé entre la Russie et la Géorgie qui s’affrontaient en Ossétie du sud. La sphère d’influence européenne a ainsi pu s’étendre encore plus à l’Est. C’est un fait d’armes que Nicolas Sarkozy retient lorsqu’il dresse le bilan de sa diplomatie le 5 février 2012. Au palmarès de ses réussites, il cite également le remodelage imposé, avec la chancelière allemande Angela Merkel, à l'Europe pour contrer les crises qui la secouent depuis 2008 : "Nous avons convaincu nos partenaires européens de mettre enfin en place le gouvernement économique dont l'Europe et la zone euro avaient tant besoin" se réjouit-il. En effet, face à la crise des subprimes, Nicolas Sarkozy sauve l’euro et l’épargne française. En mars 2010, afin d’éviter une nouvelle crise économique majeure en Europe, le président fait adopter un mécanisme européen de stabilité pour soutenir l’euro et les pays en difficulté. Selon Fabio Liberti, chercheur à l’IRIS, cette action « a eu le mérite de rassurer les investisseurs, chose que n’avait pas réussi le Secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson ».
La présidence de l’Union européenne ou l’ambition d’une Europe forte et puissante
« La France est de retour en Europe » avait dit Nicolas Sarkozy dès son entrée en fonction en juillet 2008. Quatre grands chantiers avaient été programmés: la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), le paquet « énergie/climat », la relance de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), ainsi que le Pacte Européen sur l’immigration et l’asile. Nicolas Sarkozy souhaitait aussi, comme il l’avait annoncé dans son programme présidentiel de 2007[1], ressusciter le processus de Barcelone avec l’UPM. Sa première intention était d’offrir une alternative sérieuse à l’adhésion de la Turquie à l’UE…. Elle fut d’emblée affaiblie car les autres Etats membres, irrités par cette proposition unilatérale, ont refusé de lui apporter les financements indispensables à ses projets. Le printemps arabe a ensuite achevé de discréditer une stratégie qui écartait tout objectif de dialogue politique.
Suite à d’intenses efforts, le président français est parvenu à arracher l'accord des 27 sur trois dossiers délicats : le climat, le plan anti-récession et la relance institutionnelle de l'Union. Sur l’immigration, il conclut un Pacte européen destiné à encadrer et réguler les flux migratoires en fonction des besoins en main d’œuvre des pays membres de l’UE, interdisant les régularisations massives de sans-papiers. Des premières pistes proposées pour s’attaquer à l’harmonisation de la politique d’asile seront poursuivies sous d’autres présidences. Quant à la réforme de la PAC, la France a dû faire de lourdes concessions sans assurer les bases des négociations pour l’après 2013. Si l’augmentation de l’aide aux petits agriculteurs est à saluer, les enjeux écologiques ont été insuffisamment pris en compte lors des négociations. La relance de la politique européenne de sécurité avec la création de nouvelles capacités militaires, de programmes européens d’armement et d’une cellule de commandement de l’UE, a été un échec en raison de l’impréparation des discussions, la disparition d’un gage de négociation important avec la réintégration unilatérale de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN en avril 2009 et l’incohérence avec la réduction drastique des moyens de l’armée française.
Pour autant, Nicolas Sarkozy est satisfait et appelle ses successeurs à « poursuivre ce rythme » car, pour lui, « les belles années de l’Union Européenne sont devant nous » : il ne faut « pas hésiter à prendre des risques, et surtout avoir de l’ambition… Le monde a besoin de l'Europe mais d'une Europe qui relève la tête » explique-t-il.
Finalement, le bilan général du président sur les questions européennes est mitigé…
Les crises imprévues qui auront secoué l’Europe ont rendu la présidence française pour le moins visible et présente sur tous les fronts. Elles auront « permis à Nicolas Sarkozy de prouver que le volontarisme politique et une action prompte de la part des institutions européennes pouvaient replacer l’UE sur la carte géostratégique mondiale comme un acteur de premier plan », nous dit Fabio Liberti. Le bilan de la PFUE reste cependant mitigé. En effet, malgré les engagements pris en 2007, Nicolas Sarkozy n’a pas inclus l’agenda social européen parmi les priorités de sa présidence. Le gouvernement n’a ainsi pas proposé une révision de la directive sur le détachement des travailleurs pour lutter contre le dumping social et Nicolas Sarkozy n’aura pas permis de mener des politiques européennes ambitieuses capables de relancer la croissance.
Sur le plan général, le quinquennat marque l’échec d’une révision du mandat de la BCE. Le droit de la concurrence n’a pas non plus été révisé pour faciliter la constitution de groupes européens et la protection des services publics au sein de l’Union n’a pas connu d’améliorations. Si Nicolas Sarkozy a insisté pour intégrer au traité de Lisbonne un protocole additionnel sur les services d’intérêt général (SIG), il n’a rien fait par la suite pour que soit préparée la directive cadre sur les SIG. En matière environnementale, le chef de l’Etat s’était engagé à mettre en place une taxe carbone aux frontières de l’UE mais il n’a pas réussi à faire accepter ce mécanisme à ses partenaires. Le plan de sauvetage des banques a également été une occasion manquée de définir une réponse commune face aux excès de la finance. Les priorités économiques et budgétaires avancées par la Commission européenne ne sont qu’indicatives pour le Conseil européen car la chancelière allemande a privilégié l’assainissement budgétaire à la relance et donné le « la » à Nicolas Sarkozy, au niveau européen comme au G20. Les priorités du gouvernement pour ce cadre financier se sont focalisées sur l’obtention d’un « juste retour » sur les contributions françaises et la préservation de la PAC. Mais en 2011, le semestre européen a permis une coordination améliorée des politiques de consolidation budgétaire (comme le proposait l’UMP en 2007). Sur les questions d’immigration, Nicolas Sarkozy s’est enfin opposé en mai 2011, comme en 2008 et 2009, aux propositions de la Commission pour renforcer le régime d’asile commun. Ce régime aurait pourtant permis une assistance juridique gratuite pour les demandeurs d’asile en première instance, un délai de moins d’un an pour leur accès au marché du travail et des dispositions sur les prestations sociales. Pour Sarkozy, ces mesures étaient susceptibles de peser « sur les États membres les plus généreux ».
Le quinquennat aura aussi été celui du record en termes de condamnations pour violation des règles et des principes de l’Union et de lenteur pour transposer les directives. Devant le coût des amendes (10 M€ minimum pour la France), un comité veillant aux transpositions a été envisagé en 2011. Mais ne restons pas sur une note négative. En mai 2010, la France a obtenu l’organisation du championnat d’Europe de football de 2016 !
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[1] « Au sud de ses frontières, l’Europe doit promouvoir la création et le développement d’une grande zone de prospérité et de sécurité incluant tous les pays du pourtour méditerranéen. Ce sera pour nous une garantie de paix et pour l’Afrique un point de stabilité et de développement. »