Les francs-maçons du Grand-Orient ont deux motifs de mécontentement. L'Europe de leurs rêves (l'"Europe-puissance") patine et l'Église de Rome ne cesse de faire entendre sa voix. Quand rien ne va plus, la meilleure défense, c'est l'attaque.
Dans une tribune publiée par Le Monde le 11 juin, le président du conseil de l'Ordre du Grand-Orient et ses trois prédécesseurs (1) exposent leur solution : "Élire au suffrage universel une Assemblée constituante des peuples d'Europe."
Officiellement, le Grand Orient n'a pas pris position lors du référendum du 29 mai : supranationalistes et jacobins n'étaient pas d'accord. Cet exercice de synthèse post-électorale était donc utile pour refaire l'unité sur les fondamentaux : culte de l'État, universalisme laïque et relativisme moral.
Pour le G.O., le non au référendum du 29 mai "nécessite de penser une autre République". Quand "l'Europe des marchands" maltraite "l'Europe des citoyens", il faut se rappeler que "les États ont un sens". Avec l'art du compromis dont ils ont le secret, les maçons ont trouvé la formule : "Mettre en place les coopérations nationales qui permettront de faire avancer les Europe aux dimensions variables qui marquent la volonté des peuples d'avancer ensemble pour garantir un espace de liberté, de paix, de progrès social et de laïcité." Vouloir tout et son contraire, cela ne mange pas de pain.
Et pour y parvenir, ils proposent d'appeler les Européens à élire une "Assemblée constituante" qui se substituerait sans doute à la défunte Convention Giscard.
Mais le principal est peut-être ailleurs. Dans un même élan, les maçons constatent 1/ la fin du rêve européen, 2/ une crise de régime en France et 3/ "aussi grave, encore plus préoccupant", "le réveil de l'ordre moral".
Avec la publication du Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille (cf. Décryptage, 10 juin), "les hiérarchies des Églises ont révélé leur vrai visage". Ce "nouveau Syllabus" " contre la liberté des femmes de choisir, des couples de s'unir, contre le droit de mourir dans la dignité, la contraception, la procréation assistée, le progrès médical, la recherche [...] montre le travail de régression entrepris [par le Vatican] et la nature du combat qu'il faut mener ".
Ainsi, on apprend - "enfin" disent les grands maîtres - "ce que la situation américaine avait révélé lors des derniers scrutins présidentiels : l'Église reprend le contrôle des appareils politiques pour mener son propre programme". Ça ne s'invente pas. De là à penser que l'Assemblée constituante européenne que les maçons appellent de leurs vœux a pour objectif de museler les chrétiens pour assurer la paix, la liberté et le progrès social, il n'y a qu'un pas qu'on a bien envie de franchir.
Note
(1) Gérard Pappalardo, président du conseil de l'ordre du Grand Orient de France,
Alain Bauer, Jacques Lafouge, Jean-Robert Ragache, anciens présidents.
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