De la nature à la personne, la complémentarité de l’homme et de la femme

Par nature, nous sommes faits homme ou femme avec nos particularités, nos différences et nos complémentarités naturelles, en premier lieu vital pour la procréation, c’est-à-dire pour la génération en vue de la pérennité de l’espèce humaine. 

Quand l’homme n’accepte pas ce réalisme premier naturel, quand la pensée menée par certaines idéologies, dites de progrès, dénient cette réalité foncière, il rejette ou dénie l’antériorité de la nature humaine sur la personne humaine. Et « tuer » la nature ou la modifier essentiellement, c’est aussi tuer la personne. Dans sa liberté déraisonnée, l’imagination se laisse aller entraînant l’intelligence dans ses excès liberticides, voire même ses folies suicidaires et assassines. L’idéologie, sortie de la réalité, du réalisme foncier de la nature, impose un diktat sur l’individu qui n’est plus l’homme dans sa personne.

L’esprit soumis aux lois du possible, chères à l’esprit mathématique, puis scientifique, remplace la complémentarité naturelle entre l’homme et la femme par une similitude provenant de la suppression de la personne et de ses finalités. La similitude, entraînant la disparition de la complémentarité, justifie l’homosexualité qu’elle a dissociée de la loi naturelle. Affirmer que l’homosexualité est contraire à la nature, contre-nature, n’est pas sans respecter ni aimer la personne concernée. C’est au contraire la respecter et l’aimer en tant que personne. C’est découvrir la personne de l’autre pour la respecter et l’aimer davantage en vue de la promouvoir. Tout est dans le discernement intellectuel et l’amour vrai.

L’étude de la personne s’ouvre sur l’amitié, sur la recherche de la vérité et enfin sur la découverte de Dieu avec l’adoration contemplative du Créateur. Ces finalités transcendantes, quand elles sont supprimées, sont remplacées par des besoins vitaux consécutifs au repli de l’homme sur lui-même. C’est ainsi que se développe un individualisme puissant avec ses risques de dérives sectaires, totalitaires dans les comportements individuels ou collectifs, surtout dans l’Occident d’aujourd’hui, et la France n’est pas la dernière, bien au contraire.

Dans l’ordre naturel, ces idéologies posent l’individu, donc « l’un » comme principe antérieur à « l’être ». L’unité de nature entre l’homme et la femme tombe dans l’uniformité. Ils ne sont plus ‘deux’ et complémentaires pour la génération, mais ‘un’ par la neutralisation de leur nature engendrée sous l’effet d’une prétendue bioéthique qui écarte de ce fait toute complémentarité et par conséquent tout amour sensible vrai. Cette neutralité donne sens à l’idéologie provocatrice de la théorie du genre. De même, ceux qui cherchent à modifier génétiquement le point de vue de la procréation nient l’âme et ne regardent plus que la disposition pour elle-même grâce à une science se donnant sa propre finalité. Nier l’âme, c’est ensuite nier Dieu, son Créateur, et nier l’homme.

La complémentarité de l’homme et de la femme porte un fruit en puissance, l’enfant, par la procréation, finalité de la vie végétative. De même, dans la complémentarité, le don des corps dans l’amitié donne naissance à la famille constituée du père, de la mère et de l’enfant. Toutefois les couples sans enfant constituent une famille, dont le fruit peut demeurer dans le désir oblatif ou se manifester dans l’adoption. La dimension politique prolonge ainsi la dimension éthique. Mais supprimer le concours naturel du père et de la mère pour la procréation, c’est aller à l’encontre de la famille, c’est la détruire, détruire la société humaine, puis l’humanité entière. N’est-ce pas ce qui se passe aujourd’hui dans les sociétés occidentales ? En modifiant la procréation, la science façonnée par l’homme modifie intrinsèquement la famille. La famille demeurant le fondement naturel de la vie politique, changer cela, c’est changer la nature humaine. L’activité politique doit être en premier lieu au service de la famille, car la famille constitue la cellule de base de la société, inhérente à la société et à la vie. Par conséquent, modifier la procréation, c’est supprimer la famille et aller à l’encontre de l’activité politique et de la nature.

Aussi le philosophe peut et doit affirmer que la politique, la mission fondamentale de tout homme politique est de protéger la famille naturelle, donc la nature, puis de respecter et de promouvoir la personne. Il s’agit de favoriser et de mettre en œuvre tout ce qui permet au citoyen de s’épanouir comme personne, tant au plan éthique que politique. Car ne plus respecter la procréation dans sa finalité naturelle, c’est supprimer la procréation, finalité de la vie végétative, et c’est détruire la famille, fondement de la société. Mais c’est avant tout rejeter la complémentarité naturelle de l’homme et de la femme. Les idéologies de progrès, par la procréation assistée et les nombreuses expérimentations en cours ne conçoivent que le triomphe de la science sur la nature, sur l’univers physique et sur la nature humaine. Elles cherchent à dépasser la nature et à aboutir à un individu, à la fois agent et effet de la science, dans l’autodétermination de sa propre nature. C’est l’homme qui modifie et c’est l’homme qui est modifié. L’esprit cartésien, de l’athéisme engendré s’en va vers la mort de l’homme.

Cette complémentarité entre l’homme et la femme s’exerce tout particulièrement dans l’éducation qui met en évidence, en les distinguant, la nature et la personne. Au plan de la nature, dans la procréation, puis dans la première éducation, la mère possède par nature le sens de la disposition. Pour Aristote, la femme est ex parte materiae, c’est-à-dire du côté de la disposition, du côté de la matière, du côté du milieu par rapport à la finalité. Elle a donc un instinct immanent naturel. La disposition, c’est l’indétermination en puissance de détermination, d’où  ce que l’on appelle couramment le nid, premier milieu de vie. C’est pour cela qu’elle est attentive au détail, contrairement à l’homme qui est plus tourné vers la logique, vers la détermination. La disposition n’est pas du domaine logique, puisqu’elle vient de la matière. La matière enveloppe. La famille est un nid, comme la maison est un nid. C’est la femme plus que l’homme qui fait le nid, comme chez les oiseaux. L’homme a plus le sens de l’ordre, de la logique, de ce qui va ou ne va pas. Son esprit est plus critique. Mais une femme qui serait logique, qui deviendrait trop directive, autoritaire, serait facilement difficile à vivre. Il en est de même pour l’homme manquant d’aptitude logique ou de sens de l’autorité.

Dans l’éducation, quelle distinction faire entre l’homme et la femme ? En premier lieu, par la nature est donnée la complémentarité dans l’ordre de la procréation, de la génération, puis en second lieu une complémentarité dans l’éducation de l’enfant. La constitution physique de la femme est ordonnée à la procréation, contrairement à celle de l’homme. C’est pour cette raison que la première éducation revient à la charge de la mère, donc de la femme. Cette première éducation s’exerce au niveau de la nature au primum vivere, puisqu’elle ouvre l’enfant à la vie végétative et au premier niveau de la vie sensible. En effet, par la maternité la femme est liée au besoin du corps de l’enfant. Elle détient plus le sens de l’éveil de l’intelligence et du cœur par la sensibilité. Toutefois il est nécessaire de veiller à ce que ce lien foncier entre la mère et l’enfant ne génère pas progressivement, après l’âge de raison, vers 7 ans, une dépendance de l’un envers l’autre, au risque d’entraîner en situation-limite le complexe d’œdipe. Une mère possessive passe difficilement de la procréation, finalité dans l’ordre de la vie végétative, aux finalités de la vie sensible et spirituelle dans la croissance de la personne de l’enfant. Cet écueil disparaît quand la complémentarité du père et de la mère se réalise harmonieusement dans l’éveil de l’intelligence et de la volonté. Cet éveil diffère pour le garçon et la fille dans leur complémentarité, au même titre que celle des parents. Ne pas éveiller l’enfant à cette complémentarité naturelle, puis l’éduquer sans en tenir compte, peut conduire à la neutralité, à la similitude, puis à la destruction progressive de l’ordre naturel sous la pression des idéologies.

Dans l’éducation, la fille possède une disposition plus grande du côté affectif, le garçon du côté objectif, cet ordre de la disposition venant de la procréation, donc de la nature. Et cette diversité entre le garçon et la fille, entre l’homme et la femme, représente une richesse qu’on peut détruire en ne mettant pas en évidence, voire en annihilant cette diversité. En outre, cette diversité fondamentale issue de la procréation est dépassée par l’unité au niveau de la finalité, dans l’amitié, dans la recherche de la vérité et même au-delà dans la contemplation, car l’unité s’enrichit de la diversité provenant de la nature, richesse acquise dans une complémentarité effective.

Au plan de la vie sensible, l’imagination masculine diffère-t-elle de celle de l’imagination féminine ? La capacité imaginative de l’un et de l’autre est identique, sachant que l’imagination n’a pas de finalité, mais c’est dans leur exercice que diffère la sensibilité masculine et féminine. De même, la complémentarité des corps implique une psychologie masculine et une psychologie féminine, d’où une intuition masculine et une intuition féminine. La femme est plus intuitive, car l’intuition vient de l’immanence dans l’ordre de la relation, et l’homme est plus logique, plus rationnel, car plus proche du réel, ce qui ne veut pas dire, nécessairement, plus réaliste. Cela vaut aussi dans l’éducation des enfants, pour le père et la mère, entre le garçon et la fille. Donc la mixité, scolaire surtout, ne paraît pas bonne, puisqu’elle ne respecte pas la différence naturelle du garçon et de la fille, car elle nivelle leurs éducations respectives.

L’éducation a pour finalité la formation de la personne, en respectant la nature, puis en la dépassant vers la personne. Aujourd’hui, comme l’éducation ne respecte guère cette distinction naturelle, elle ne forme plus suffisamment la personne. Il s’agit là d’un réalisme foncier et premier, source d’une richesse essentielle pour le développement de la nature et de la personne. Chacun doit accepter et aimer la nature qu’il a reçue, car elle lui a été donnée. C’est un fait à reconnaître, puis à recevoir en l’état, sinon l’imagination s’évade vers un désordre individuel, voire collectif s’il se laisse manipuler par certaines idéologies. L’éducation d’un enfant repose donc sur le réalisme premier de la nature, point de départ de la croissance de la personne.

Jean d'Alançon