Deux ans après la loi du 10 août cherchant à augmenter toujours plus les dérogations au repos dominical, le problème de la cessation du travail certains jours de l'année ne laisse pas d'étonner et reste pour nombre d'employeurs un problème complexe et épineux : en ce qui concerne d'abord le jour spécial qu'est le dimanche, en ce qui concerne ensuite les onze jours dits fériés actuellement en France.
Un article récent des Échos au moment du 15 août force à s'arrêter sur le sens des mots quand il établit un distinguo contre nature entre les mots férié et chômé . Il y aurait ainsi des jours fériés ordinaires pas obligatoirement travaillés et des jours fériés chômés obligatoirement non travaillés. En réalité un seul. Le 1er mai serait ainsi seul jour chômé en France. Le 15 août ne serait pour sa part que jour férié ordinaire .
On a le droit de s'étonner ! Quelle réalité en effet le jour férié travaillé revêtirait-il pour un travailleur salarié? À quoi bon déclarer ce jour férié s'il n'y a pas de possibilité de fête, de possibilité de faire autre chose qu'un jour non férié pendant lequel on travaille. Le contraire de travailler, n'est-ce pas cesser de travailler ? Le jour férié ordinaire n'a donc, qu'on le veuille ou non, aucune différence avec un jour non férié. Tout au plus est-il une trace de culture appelée à s'effacer petit à petit et à devenir in fine jour non férié. Processus bien amorcé et arrivé hélas dans sa phase finale.
Voyage en absurdie
Quoi de plus absurde encore quand on explore la riche histoire des mots ! Regardons-y de plus près dansle dictionnaire historique de la langue française (Bordas).
FÉRIÉ, ÉE en tant qu'adjectif est une réfection issue du latin classique feriatus oisif , de loisir , en latin chrétien (jour)de fête . Feriatus est le participe passé de feriari être en fête , en repos , dérivé de feriae jours consacrés au repos . Sur feirié avait été formé feirier v. intr. chômer (vers 1150). Le mot, rare jusqu'en 1690 (Furetière), se dit d'un jour chômé ; son importance a crû au XXe siècle avec le droit du travail et il est entré dans le vocabulaire de l'emploi social du temps, avec fête, pont, week-end...
Rappelons au passage que le nom FÉRIE, quant à lui, dans son sens de jour férié chômé issu de la liturgie catholique est certes sorti d'usage (v.1212) mais, continue de préciser le dictionnaire, il a été repris au XIXe siècle désignant un jour pendant lequel le travail était interdit par la religion dans la Rome antique . N'est donc pas en cause la seule religion catholique. La cessation du travail les jours de fête vient de très loin. Au secours encore de cette explication de mots, le sens de CHÔMER. Le dictionnaire est formel. Dès le XIIIe siècle, chômer signifie s'arrêter de travailler les jours fériés d'où jours chômés (1690).
CQFD. Les sens de férié et de chômé sont inextricablement liés et vouloir les dissocier ne relève que de la contorsion malhonnête idéologique en vue du détricotage de notre tissu social. La conclusion s'impose d'elle-même : si l'importance des jours fériés décroît au début du XXIe siècle c'est que, conformément à ce qui est dit plus haut, le droit du travail de ce siècle pseudo moderne est mal en point. C'est tout le combat de Joseph Thouvenel, secrétaire général-adjoint de la CFTC que d'essayer de lui redonner une bonne santé en sensibilisant toujours plus. Faisant le bilan clair des attaques contre le repos dominical et contre les jours fériés, le chef de file de la centrale syndicale chrétienne indique tranquillement mais fermement que la bataille du dimanche, des jours chômés et du travail décent se poursuit. Sur tous les fronts. En France bien sûr mais aussi en Europe.
H.B.
Hélène Bodenez fait partie de l'équipe dirigeant le dossier Oui au repos dominical et a publié À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010). Elle participera à une soirée débat au Centre culturel de Franklin autour du thème Sens et décence du travail , le mardi 4 octobre 2011 à 20h30.
L'AFSP fait partie de l'European Sunday Alliance depuis le 20 juin 2011
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