Le secrétariat général de l’enseignement catholique (SEGEC) et l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) ont soutenu par différents communiqués officiels le projet de réforme des collèges du gouvernement, ce qui a déplu à un grand nombre de parents, qui se sont sentis trahis par leurs représentants nationaux. Mais le divorce entre instances nationales et parents d’élèves ne date pas d’hier : voici le témoignage d’une mère de famille confrontée à la transformation du projet éducatif de l’école de ses enfants.
L’EVOLUTION de l’enseignement catholique « libre » a toutes les raisons d’être jugée préoccupante par une partie des parents qui ne trouvent plus dans les écoles de leurs enfants ce qu’ils attendent. C’est le cas précisément des catholiques dits « pratiquants ».
L’exemple vécu de cette petite école élémentaire catholique de la région toulousaine, entre 2009 et 2015 est révélateur.
Le projet initial
En septembre 2009, inscrivant notre enfant en maternelle, nous avons signé un projet éducatif rédigé en ces termes : « Notre école catholique veut dire, témoigner, annoncer Jésus-Christ et établir les bases nécessaires pour que chaque élève puisse donner un sens à sa vie d'enfant puis d'adulte. »
LE PROJET EDUCATIF DE L'ECOLE |
SAVOIR ÊTRE Accueillir et aimer l'enfant tel qu'il est. L'aider à se reconnaître et à reconnaître les autres. L'aider à être à l'aise dans sa tête et dans son corps. L'aider à comprendre et à vivre les règles de la communauté. |
SAVOIR-FAIRE
Par l'acquisition de connaissances ouvrant :
Développant : |
Ces références trouvent leur source dans l'Évangile. La communauté éducative veille à ce que l'esprit évangélique soit présent dans l'école, elle dispense une culture religieuse, organise les groupes de catéchèse (au primaire) et d'éveil à la foi (à la maternelle) qui invitent l'enfant à manifester sa foi dans une prière, une liturgie ou dans un service aussi bien personnel que communautaire (participation à des actions caritatives), privilégie le dialogue, le partage des responsabilités, l'évaluation et la réactualisation de son action. Les exigences pour tous les membres sont :
- Prendre du temps pour accueillir, connaître, expliquer, célébrer, privilégier la relation éducative qui vise à la fois la formation de la personne et l'acquisition du savoir, |
À la rentrée suivante, la nouvelle directrice nous présente un nouveau projet éducatif, rédigé par le corps enseignant, sans consultation préalable des parents, au motif que le précédent était vieillot et inadapté :
OUVRIR NOTRE ECOLE A TOUS L’école catholique exige de tous, quelles que soient les différentes cultures et religions de chacun, le respect de valeurs morales indispensables à la vie en société, ainsi que la tolérance vis-à-vis de chacun. Elle suppose une relation de confiance entre tous les membres. Faire grandir les enfants, dans un esprit chrétien
- en leur transmettant des connaissances selon les programmes définis par l’Éducation nationale, Créer avec les enfants un climat de confiance Cette confiance dépend surtout d’une bonne écoute de l’enfant de la part de ceux qui sont chargés de son éducation et d’une compréhension entre parents et enseignants. Cette collaboration est indispensable et doit être perçue par l’enfant ». |
Un caractère propre, deux projets éducatifs
D’un projet éducatif à l’autre, qu’avons-nous observé ?
"- Les mots « Jésus-Christ » et « Évangile », remplacés par « esprit chrétien ».
- La distinction entre « savoir-être et savoir-faire » abandonnée.
- « Aimer l’enfant tel qu’il est » remplacé par « tolérance vis-à-vis de chacun ».
- « Créativité et esprit de discernement » passés sous silence au profit de la « transmission de connaissances selon les programmes définis par l’Éducation nationale ».
- La culture religieuse, dispensée auparavant dans toutes les classes à raison d’une heure par semaine par les enseignants, est purement et simplement abandonnée, au motif qu’elle ne fait pas partie du programme et que cette heure supplémentaire n’est pas rémunérée."
L’éloignement des objectifs
On le voit, par souci de « s’ouvrir à tous » et « de ne pas choquer » par des termes trop précis évoquant le caractère propre, on s’éloigne des objectifs de l’école catholique, ce qui a pour conséquence d’attirer de nombreux parents de l’extérieur, parfois déçus par les établissements publics, et désireux de trouver un cadre éducatif de bon niveau scolaire pour leurs enfants.
De fait, il nous a été impossible de contenir cette évolution, qui ne choquait apparemment pas les parents engagés à l’APEL. En six années, j’ai pu constater la diminution de moitié des mamans et des enfants s’impliquant dans la catéchèse, assurée en dehors des heures scolaires, alors même que les effectifs de l’école ont augmenté de 20%. Inéluctable ?
S’adapter au monde
Quant à l’APEL nationale, son journal bimestriel Famille & Éducation reflète parfaitement cette évolution qui tend à abandonner les fondamentaux, jugés rétrogrades, à l’image de ce qui s’est passé au niveau de notre école, sans que personne ne puisse vraiment s’y opposer.
Aujourd’hui, il est demandé aux enfants et aux enseignants de mettre leur foi au vestiaire, et aux parents de laisser tomber leur « vision rétrograde » de l’éducation, car des « spécialistes » ont pris en main le devenir de l’école catholique, pour en faire une super école laïque où règne un « esprit chrétien », terme suffisamment vague pour être opposable à toute tentative de clarification. Sans projet éducatif précis, hormis le respect et la tolérance, il devient beaucoup plus facile d’introduire subrepticement des idéologies qui n’ont rien de catholique, mais qui sont défendues avec beaucoup d’ardeur par certains sous prétexte de s’adapter à un monde en mutation…
C’est pourquoi nous ne sommes pas étonnés de voir aujourd’hui l’APEL et la Direction nationale de l’enseignement catholique emboîter le pas au gouvernement sans plus de concertation avec les familles concernées.
Béatrice de Ferluc
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L'analyse de l'évolution entre les deux versions du projet éducatif est tout à fait fondée. Mais, ce qui me frappe tout autant c'est la rédaction du deuxième projet éducatif dans un français consternant. Je doute que des enseignants qui s'expriment aussi mal soient à même de transmettre des connaissances ni même le sens de la rigueur:
"quelles que soient les différentes cultures et religions de chacun": chacun aurait ainsi plusieurs cultures (soit) mais aussi "plusieurs religions"?
Bonjour, j'ai le bonheur (ou le malheur) d'être professeur en collège catholique, discipline "éducation musicale". Je suis professeur dans trois collèges, et responsable de la pastorale sur le plus important des trois. Je ne peux que confirmer ce que dit Bétrice de Ferluc.
Voir le commentaire en entierJ'ai entendu dire par une ancienne directrice : "Nous avons le devoir de neutralité." Je pourrais vous écrire un témoignage complet sur le combat qui existe dans nos collèges pour annoncer l'Evangile. Parler de Dieu dans un collège catholique peut-être considéré par certains comme un "viol". Le nom de Dieu est devenu un tabou, plus tabou que ce qui relève du sexe.
Je n'ai pas d'hostilité de la part de mes directeurs, mais ils marchent sur des oeufs en ce qui concerne cette question, comme si la laïcité devait s'imposer partout. La marge de manoeuvre est très étroite, et nous sommes sans arrêt confrontés à une forme de diplomatie. Certains voudraient nous rendre "coupables" d'aborder cette question. Au cours d'une réunion au siège de l'autorité de tutelle, je suis passé pour un "illuminé", ou un "extrémiste" dans l'esprit des directeurs des divers établissements que je côtoyais.
La tiédeur a envahi l'enseignement catholique et cela jusqu'aux plus hautes instances. Or Jésus nous as dit : " Je vomis les tièdes" et "Que votre oui soit oui, tout le reste est piège du Malin".
Très sincèrement je pense que l'on devrait supprimer le mot catholique qui figure dans l'appellation et le remplacer par Direction de l'enseignement privé. Et cela pour bien des établissements.
J'ai été inscrire ma fille récemment au lycée catholique de Châteauneuf-de-Galaure, et j'ai été enfin en communion avec la directrice dans le discours qu'elle a tenu sur le projet éducatif qui est le leur.
Alors oui, je suis d'accord avec cet article. Je connais une personne qui a inscrit sa fille dans un lycée catholique, sa motivation : "Pour que celle-ci ait une bonne éducation." Cependant elle était la première à dire du mal de l'Eglise, du pape et des "curés". Jamais elle ne s'est posé la question sur les raisons qui se trouvaient à l'origine de cette "bonne éducation".
Si l'Enseignement catholique persiste dans cette voie, il n'aura plus de raison d'être. Les professeurs ne sont pas meilleurs dans le privé que dans le public. Ce qui lui donne une force c'est l'Evangile, mais de plus en plus de professeurs n'en n'ont rien à faire, aussi le résultat ne se fera pas attendre très longtemps. A qualité égale, les parents enverrons leurs enfants là où ils ne payeront pas. J'en suis aujourd'hui à souhaiter la rupture des contrats.
L'école de la République tient l'enseignement catholique par le porte-monnaie. La liberté cela ne s'achète pas il faut la prendre!
Vous avez bien raison de vous exprimer à ce sujet. Si beaucoup vous suivaient, peut-être l'école dont vous parlez prendrait-elle en compte vos souhaits. Sinon, elle va devenir comme vous le dites, une "super école laïque". Ils ont peu d'espérance, et baissent les bras?