Source [Valeurs actuelles] Comment passer du nouveau monde à celui d’après ? En sacrifiant Édouard Philippe et sa majorité LREM à l’Assemblée, estime le politologue Guillaume Bigot.
« Se réinventer », a promis le président. Se réinventer est un euphémisme. Muer ou mourir politiquement devrait-on plutôt dire. Déjà en piteux état aux termes des trois premiers rounds de son quinquennat (Benalla, Gilets jaunes et réforme des retraites), Emmanuel Macron sort du quatrième au bord du KO. Acculé, le plus illustre des marcheurs doit absolument sortir des cordes s’il veut terminer dignement son mandat. Et pour se dégager, sa seule issue, consiste à changer son Premier ministre.
Remplacer Edouard Philippe, un pari risqué
Manœuvre tentante pour un président qui espère charger le gouvernement d’une gestion calamiteuse de la crise du Covid. Manœuvre inespérée pour un candidat à sa réélection qui calcule que dans deux ans, les Français auront assimilé cette pénible séquence à une équipe qu’il aura remerciée et envoyée aux oubliettes. Manœuvre inévitable car si l’opinion peut admettre l’impréparation ainsi que les erreurs, elle ne pardonnera pas les mensonges sur les masques ainsi que le profond mépris qu’ils inspiraient. Manœuvre délicate car si le chef de la majorité n’a pas été à la hauteur, il a cherché à sauver les meubles. C’est en tous cas le sentiment qui domine pour une majorité de nos concitoyens. L’effet de contraste est cruel entre un locataire de Matignon craintif et un peu sonné mais appliqué et sérieux et celui de l’Élysée qui continue à faire sa roue comme si de rien n’était. Dès lors, comment Emmanuel Macron peut-il s’y prendre pour remercier Édouard Philippe ?
Autant les Français comprendront que l’effet révélateur de la pandémie justifie un changement de cap, autant ils risquent de très mal prendre que le chef du gouvernement soit sanctionné pour permettre au premier « coupable mais irresponsable » de se refaire une vertu. Le président peut tenter une sortie. Celle-ci est risquée mais au point où il en est, cette manœuvre est sûrement la seule qu’il puisse tenter. Pour Emmanuel Macron, un dégagement audacieux consisterait à encourager — en sous-main — l’éclatement de la majorité à l’Assemblée.
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