Source [Atlantico] Les départs en série de députés se poursuivent au sein du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale. En juin 2017, l’effectif de la majorité présidentielle était de 314 députés et désormais il se situe à 295 députés. Qu’est-ce que cela nous apprend de la nature même du macronisme ?
Atlantico.fr : Le lent effritement du groupe parlementaire LREM continue et les départs en série de députés se poursuivent. En juin 2017, l’effectif de la majorité présidentielle était de 314 députés et désormais il se porte à 295 députés, soit six élus de plus que la majorité absolue. Qu’est-ce que cela nous apprend de la nature même du macronisme ?
Edouard Husson : Le macronisme n’est pas une doctrine politique. C’est le point d’aboutissement de la politique menée par les dirigeants français depuis le traité de Maastricht. Une politique du vide. Il ne reste plus qu’un individu autour duquel le rassemblement se définit. Il se dit ni de droite ni de gauche. Il veut tout et « en même temps » son contraire. Monsieur Macron est arrivé après l’échec de Nicolas Sarkozy et François Hollande; exactement comme Jacques Chirac était arrivé après l’échec de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand. Ce qui rapproche Macron de Chirac, c’est la capacité aux incarnations successives. Chirac changeait de discours. Macron, lui change de personnalité. En fait, c’est un homme qui n’a ni consistance intellectuelle ni constance pour atteindre ses objectifs. La maladie politique qui atteint nos élites depuis trente ans est chez lui bien plus développée que chez Jacques Chirac: ce dernier donnait l’impression d’avoir une certaine continuité psychologique, d’avoir juste une capacité à mentir effrontément (des humoristes l’appelaient « supermenteur »); Emmanuel Macron, lui, n’est plus qu’un acteur qui incarne des rôles successifs. C’est ce qui explique la fragilité de LREM, agrégat de députés qui se sont rassemblés sans se connaître autour d’un homme dont la seule mission était de procurer un répit à ce qu’Emmanuel Todd, dans son dernier livre, appelle l’aristocratie stato-financière.
Virginie Martin : Le macronisme est une sorte de miroir dans lequel chacun a eu envie de voir ce qu’il avait envie d’y voir.
De façon connexe, Emmanuel macron a aussi fait une campagne électorale de séduction segmentée : amoureux du football à Marseille, anglophone a Londres, philosophe à la Sorbonne, jeunes avec les millenials, star-upeur à Las Vegas…
Et bien sûr, doucement de gauche sur les questions sociétales, et plutôt de droite sur les questions économiques.
Un miroir. Voilà ce qu’est cette irruption politique au milieu de la Vème république. C’est pour cela, que, sur quelques mots clefs, certains ont pu voir un peu de lumière dans le monde politique. Mais rapidement, la lumière a été celle d’une bougie en plein vent.
Car, ne nous y trompons pas, il n’existe pas de « macronisme » ; pour avoir lu Révolution son livre-programme-idéologie puis celui d’Ismaël Emelien et de David Amiel sur la « macronie », nous restons perplexes face à ce peu d’épaisseur politique.
« Révolution », est l’équivalent d’un livre feel-good à la sauce politique. L’auteur préfère les villes dans lesquelles les gens peuvent s’épanouir et bien vivre. Nous aussi, on peut le dire ! Il met très longuement en scène ses relations avec sa grand-mère. Si ce n’était pas aussi artificiel, nous serions peut-être touchés.
Quant à Emelien et Amiel, ils tentent de faire vivre le « concept » de « progressisme » ; ils disent vouloir maximiser les possibles, ils préfèrent ce qui fonctionne à ce qui ne fonctionne pas, et ils aiment valoriser, à l’instar de Macron, un individu mais sans individualisme, une mondialisation mais sans soumission, une égalité qui respecte la liberté et réciproquement. Là encore, malgré la tentative d’une histoire des idées politiques en début de livre, nous rejoignons vite le rayon « feel good ».
Alors, bien sûr, Macron a pu séduire, comme un livre politique feel good que l’on feuillette en plein soleil et qui tente de prendre les bonnes idées partout où elles sont… mais de tout cela n’est jamais né une matrice philosophico-politique. C’est d’ailleurs le problème : c’est par manque de conviction, que le feel good à l’épreuve d’une réalité dure, se tord, ne sait plus comment agir et s’en remet à l’autoritaire.
Les députés commenceraient ils à s’en rendre compte, ou faut-il y voir là une stratégie toute macronienne, une sorte de manipulation pour détrousser, une fois n’est pas coutume, la gauche-sociale-écologiste ?
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